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MARIE. - IMMACULEE CONCEPTION

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Mais, depuis que l’amour de la science et la passion de tout examiiur se sont emparés des esprits, ou a retranché cette solennité, au niéj)ris de la simplicité des pauvres, et, sous prétexte ([u’elle manquait de fondement solide, on l’a réduite à rien. » Bientôt une réaction se produisit, dont l’ànie lut l’abbé Anselmk. On lit, en eft’et, dans le cartulaire manuscrit de l’abbaye de Saint-Edmond : o Ce l’ut cet Anselme qui établit (liez nous devix solennités, en premier lieu la Conception de sainte Marie, qui, grâce à lui, se célèbre maintenant dans beaucoup d’églises. » Assertion conlirméepar cequeditOsiiERTDE Clarb, alors prieur de Westminster, dans sa liuitième lettre, adressée à l’abbé Anselme entre janvier 112^ et août ii : 18.

D’après cette lettre, l’œuvre de restauration rencontrait des adversaires puissants, comme les évéqiies Roger de Salisbury et Ueruard de Saint-Da id. On n’objectait pas seulement qu’elle manquait de fondement solide, on la disait condamnée dans un concile et étrangère à l’Eglise romaine. Osbert s’adressait donc, pour réclamer son appui, à celui qui avait été jadis abbé de Saint-Sabas et légat apostolique. Parmi les traditions ou coutumes de l’Eglise romaine, ne trouverait-il pas quelque chose pour conlirmer la clière dévotion ? Qu’il se mette en relation avec des personnes instruites connaissant les saintes lettres et ne craignant pas de défendre, en paroles et par écrit, la cause de la Vierge Marie. Qu’il en confère avec le nouvel évéque de Londres (Gilbert Foliot, dit l’Universel, consacré en janvier 1128) et l’abbé de Reading, Hugues d’Amiens (futur archevêque de Rouen, 1 127-Il Ci), qui, sur la demande du roi Henri, solennise déjà la fête dans sou monastère. Enlin il fait un suprême appel au zèle d’Anselme : « Ne laissez pas incomplète une œuvre à laquelle vous vous êtes dévoué ; que les envieux ne puissent pas dire que vous n’avez pas réussi à établir la fête. » L’abbé de Saint-Edmond et ses amis répondirent à l’appel. Quoi qu’il en soit de l’alliruiation, consignée dans un exemplaire manuscrit des Annales de l’abbaye de Tewsbury, datant du xii* siècle, que la fêle de la Conception de sainte Mai’ie fut approuvée en 112g I par l’autorité apostolique dans un concile de Londres, il est indubitable qu’à partir de cette époque la fête gagna rapi<lement du tei-rain en Angleterre. A l’intérêt d’orilre historique que présente cette controverse, s’en ajoute un autre, plus important : chez les défenseurs anglo-saxons de la fête, la doctrine de l’Immaculée Conception ai>paraitnettement. Dans un Sermo Je Concefitione saiicie Marie qu’il adressa, vers 1126, à Warin, doyen de ^^’orceste^, Osbert un Cl.^re célèbre dans la conception de la Vierge « les prémices de notre rédemption, l’instant où la sagesse de Dieu commence à se construire une demeure temporelle » ; il parle « decette sainte génération », sans dire cependant, par réserve, tout ce qu’il en pense. JLThurston, Eudmeri Traclatus, Appendix, p. 61, 03, 80. Plus libredans sa lettre à l’abljé Anselme, il y allirme nettement, à plusieurs reprises, sa croyance formelle en la sanctification de Marie in ipsa ciinceptioiie, ipso creationis et concepiionis lijcordio. Sanctilicalion en vertu de laquelle la bienheureuse Vierge fut « toute remplie de la grâce du Saint-Esprit et môme puiiliée dans sa chair, de toute souillure, et ab oinni macula corporaliter etiani puriûcata. » Ibid., p. 56 s(|.

Non moins expressif et beaucoup plus important est le Traclatus de Coiiceptiuiie sanctæ Mariae, déjà signalé, P. A., CLIX. 301-318. Attribué d’abord au grand Anselme, puis à son neveu.Anselme le jeune, puis au moine de Cantorbéry qui fut le compagnon et l’historien du saint archeêque, Eadmeh (Ragey, op. cit., p. 272 sq.), il a été délinitivement acquis

au dernier par le P. Tulrston, qui l’a retrouvé sous son nom dans un manuscrit original de Corpus Cliristi Collège, à Cambridge. Ce traité fait époque dans l’histoire de la théologie mariale. Eaumer ne veut pas s’arrêter au récit des évangiles apocryphes, n. 3 ; il s’attache surtout à cette idée, que dans la conception de Marie nous avons la première origine de la future Mère de Dieu et que la saintelé doit être à la base de l’édilice qui s’inaugurait alors. Jérémie, destiné par Dieu à l’apostolat, fut sauctilié avant sa naissance ; Jean le Précurseur fut rempli du Saint-Esprit dés le sein de sa mère : comment celle qui devait être l’unique propitiatoire du genre humain et l’unique demeure du Fils de Dieu, aurait-elle été privée, au début de son existence, de la grâce du Saint Esprit ? Si, par suite de l’union normale des deux sexes qui est intervenue en cette conception, quelque chose y subsiste du péché originel, c’est dans les parents qu’il faut le chercher, et non pas dans celle qui est engendrée, propaguntium et non propagalæ prolis fuit, n. 9. Quelle dillicullé ? Dieu donne bien à la châtaigne d’être conçue, nourrie et formée au milieu des épines sans qu’elles lui portent atteinte ; pourquoi n’aurait-il pas pu protéger le corps humain qui devait être son temple et fournir au Verbe son humanité, en faisant que, conçu parmi les épines, il échappât totalement à leurs pointes ? Quand les mauvais anges tombèrent. Dieu préserva les bons du péché ; et il n’aurait pas pu préserver du péché d’autrui la femme destinée à devenir sa mère ? Pouvant le faire, comment ne l’aurait-il pas voulu pour celle qu’il a voulu telle que nous savons ?

Mais tous n’ont-ils pas péché en Adam ? Sans doute ; mais la place suréminente que Marie occupe après son Fils ne permet pas de l’astreindre à la loi commune. Qu’il en fiit ainsi, c’était de toute convenance ; autrement, entre l’édilice que la sagesse divine se proposait de construire et les fondements de l’édilice, il y aurait dissonance et disproportion, non congruehat, non coliærebat, n. 13. En somme, Eadmer prélude à l’argument résumé plus tard en ces trois mots : potuit, decuit, fecit ; c’est-à-dire à l’argument partant de la possibilité, plutôt supposée ici que démontrée, et de la convenance positive pour conclure au fait, à l’existence du privilège. En raisonnant ainsi, le disciple d’Anselme commençait la synthèse d’éléments que nous avons rencontrés dans la Tradition grecque à l’épociue de son développement.

BusLioGRAPUiE. — R. Anstruther, Epistulæ Herberti de Losinga, priini episcupi iXoni/icensis, Osberti de Clara el Elineri prioris Cantuariensis, Bruxelles-Londres, 1846 ; V. de Buck, S. J., Osbert de Ctare et l’abbé Anselme instituteurs de la fête de V Immaculée Conception de la sainte Vierge dans l’Eglise latine, dans Etudes de théologie, nouv. sév., t. li, Paris, 1860 ; E. Bishop, art. cité ; B. Wolff, O. S. B., Abt Ansehn und dus Fest des S December ; Noch einmal das Fest des 8 December, dans Studien und Mitlheilungen ans dem Benedictiner-und dem Cistercienser-Orden, Briinn, 1885, 1886 ; E. Vacandard, f.es origines de la fête de la Conception dansledioci’se de Houen eten Angleterre, dans Hci’ue des questions historiques, V&Tis, 1897 ; H. ïhurston, S. J., Abbot Ansclni of liiiry and the Inimuculate Conception : The Legendnf Abbot Elsi : Englandand tite Inimuculate Conception, dans The Mon/Il, itjoti, juin, juillet et décembre ; A. Noyon, uri. cité ; H. Thurston et Th. Slater, S. J., Eadmeri moniichi Cantuariensis Tractalus de Conceptione sanclæ Mariae, olim sancio Anselmo attributus, nunc primuminteger ad codicurn fidem éditas.