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MARIE. - IMMACULÉE CONCEPTION

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ruais non pas tous : « Son silence équivaut non à une concession absolue, mais simiilement à une concession hjpolhélique… Il luisse passer alin de mieux montrer que, même en admettant que la Vierge fut née dans le péché originel, il ne s’ensuivrait pas que Notre-Seigneur eût été conçu lui-même dans le péché originel. » Kagby, Eudmer, Paris, 1892, p. 303, où diverses autorités sont citées.

Quoi qu’il en soit du texte précédent, il est du moins une doctrine de saint Anselme dont on a tort de se servir pour conlirnicr son opposition personnelle au privilège mariai. En répondant à la ditlicullé pri>posée par son disciple, n’ajoute-t-il pas, dit-on, que la Vierge dut être puriliée par un acte de foi aux mérites futurs du Sauveur, et qu’ainsi puriUée elle produisilson fruit ? Ibid., col 419, Doctrine i-appclce dans le De coiuejjtu virginali, c. xviii, col 451. Oui, mais dans ces textes il ne s’agit nullement d’une puriljcation quelconque, comme celle de tant d’autres qui, avant la venue du Sauveur et par la foi en lui, ont pu être délivrés du péché originel proprement dit et de leurs péchés actuels ; il s’agit d’une purilication extraordinaire et privilégiée, tendant à faire disparaître en Marie non pas le péché proprement dit, ce qui ne sutlirait point dans l’hypothèse, mais la cliair de péché, dans le sens augustinien de cette expression, en sorte que la conception de Jésus-Christ par Marie puisse être, pour parler avec Boson, « pure et exempte du péché qui s’attache à la délectation charnelle, iiiuiida et ahsfjite cainalix delectalionis pcccato ». Car, s’il n’était pas absolument nécessaire que le Sauveur eût pour mère la plus pure des vierges, il était pourtant de toute convenance qu’il en fut ainsi : « Sed quia décelai ut illius hominis conceptio de maire purissiuia lieret. » De conceptu iirgiiiali, loc. cit. Idée répétée aussitôt et accentuée par le saint docteiu’ : « Il coinenaU, en elfet, qu’elle brillât d’une pureté sans égale au-dessous de Dieu, cette Vierge à laquelle Dieu le Père devait donner son Fils unique, un Fils né de son cœur, égal à lui-même, tellement que le Fils du Père et le Fils de la Vierge fussent naturellement un seul et même commun Fils. » Phrase devenue classique, et dont on a justement dit que, prise en soi, elle.< emporte l’Immaculée Conception ». J. V. IJajnvel, art. Anselme, dans Dicliunnaire de théul. calh., t. I, col. 13^7.

Professer une croyance n’est pas la seule manière d’en aider le progrès ; écarter les obstacles contribue indirectement au même résultat. Le saint docteur a servi la cause de l’Immaculée Conception par sa doctrine du péché originel. D’après une théorie fort commune alors et au siècle suivant, beaucoup plaçaient la faute originelle dans la concupiscence, conçue d’une façon positive comme une corruption et une souillure physique, comme une empreinte morbide qui alléclait directement la chair, mais avait son contre-coup dans l’âme au moment de son union avec le corps. A lenconlre de cette théorie, Anselme établit que le péché originel, comme tout péché proprement dit, consiste dans un manque de rectitude ou de justice qui devrait exister, absentia debitæ justitiae. De conceptu i’irgiiiali et urigiuali pecciitu, c. III, col. 42Û. Il n’y a pas de faute dans l’embryon humain avant l’animation, ni dans aucun des éléments qui concourent à sa formation : nam etsi vitiosa concupiscentia generelur infans, non tamen iiiagis est insémine culpa quam in sputo aut in sanguine, c. viii, col /14>- P^r la chair, reçue d’un père cl d’une mère de descendance adamique, vient seulement la nécessité pour l’âme de contracter le péché, en tant ([u’elle reste privée de la rectitude ou justice qu’elle devrait posséder, c. vii, col. 441. Celte doctrine marquait un progrès considérable,

quoiqu’elle fût inachevée : Anselme s’est attaché trop exclusivement à la notion de rectitude murale, sans bien expliquer la nature particulière de la justice primitive et surtout sans en dégager l’élément le plus foncier, la giàce sanctiliaule. Aussi donue-t-il, sur ce point comme sur plusieurs autres, l’impression de quelqu’un qui s’.avance sur une voie peu explorée, qui cherclie et qui ne trouve pas toujours le dernier mot.

Si de la croyance nous passons à la fêle, quelle fut l’attitude réelle d’Anselme ? Un concile de la province ecclésiastique de Cantorbéry, tenu à Londres en 1328, lui en attribue l’institution. Mansi, Sacruriiin Concitiuriim, t. XXV, col. 829. A ce document s’ajoutent deux écrits mis pendant longtemps sous le nom du saint docteur : Sermo de Conceptiune beatue Mariae, el Miraculuiii de Conceptione sunctae ilariae, P. /.., CLIX, 319, ’àïi. Cette ilernière pièoe contient le i-écit d’une vision dont Helsin, plus tard abbé de Raaisay au diocèse de Vorcester(io80-io87), aiuait été favorisé vers l’an 1070, au retour d’une mission en Danemark. Surpris par une violente tempête et sur le point de périr, il invoque Marie ; un messager céleste vient à son secours et, pour prix de sa protection, il fait promettre à Helsin de célébrer el de faire célébrer chaque année, le 8 décembre, la fêle de la Conception, en se servant du même ollice que pour la fêle de la Nativité, sauf à changer ce dernier mot en celui de Conception. Echappé au péril, l’abbé accomplit sa promesse et introduisit la tête dans sou monastère. Le récit de ce miracle et de deux autres se retrouve dans le 6’ermo de Cunceptione, avec celle exhorlalion Unale : « Celebremus igitur (dilectissimi) hodie diviuis olliciis ulramque ejus conceptionem venerabileiu, spirilualem videlicet et humanam. »

Ce n’est pas le lieu d’examiner quelle part il faut faire ici à l’histoire et à la légende ; voir Thuhstox, The Legend uf Alihot Elsi. En réalité, le récit eut une grande inlluence dans la diffusion do la fête el de la croyance. Mais ni le Miracutum ni le Serino de Conceptione n’ont pour auteur saint Anselme. L’assertion du concile de 1328, qui lui attribue l’institution de la fête, est vraisemblablement dépendante de ces apocryphes ; elle peut aussi s’expliquer par une confusion entre l’archevêque de Cantorbéry et son neveu, appelé comme lui Anselme. Fils de Richera sœur du saint. Anselme le jku.ne avait suivi son oncle en.

gleterre ; après la mort du primat, il fut appelé à Rome par Pascal 1Il el créé abbé de Saint-Sabas, antique monastère qui avait jadis appartenu à des moines grecs. Envoyé quelques années plus tard, comme légat apostolique, auprès du roi Henri l" et du nouvel archevè(]ue, il devint en 1120 et resta jusqu’à sa mort (1 148) abbé du célèbre monastère de Saint-Edmond, Edmunsbury, dans le comté de Suffolk. C’est alors surtout qu’il nous apparaît tout à la fois comme restaurateur et comme promoteur de la fête de la Conception parmi les.

glo-saxons.

a. La controverse en Angleterre au Ail’siècle. — Implantée dans un certain nombre d’endroits avant la conquête normande, la fête avait subi une éclipse momentanée, notamment à Winchester et à Cantorbéry, peut-être sous l’influence du iirimat Lanfrasc (1070-1089), dontlezèle pour la réforme du calendrier anglo-saxon est signalé parEADMKK, Vita.'>..4nselmi, I. I, c. v, n. 42, P. L., CLVIII, 74. En tout cas, l’auteur du Tractatus de Conceptione, P. t., CLlX, Sgi, en constatant que la fêle se célèbre encore en beaucoup d’endroits, n’en déplore pas moins le déchet survenu : « Autrefois elle était célébrée par un plus grand nombre, et par ceux-là surtout en qui s’alliaient une pure simplicité et une dévotion plus humble.

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