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MARIE. — IMMACULÉE CONCEPTION

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el de la mission unique dont elle fui honorée, comme Mère de Dieu et nouvelle Eve. La liulle liie/fabilis utilise quelques-uns de ces témoignages, d’inégale valeur. Trois appartiennent au début de la période poslépliésienne, vers le milieu du v « siècle. Dans une strophe où l’image évoquée par le poète reporte l’esprit nas origines de Marie, Sedulius oppose à l’Eve ancienne la nouvelle tout innocente : « Comme une tendre rose s’élève d’entre les épines aiguës, n’ayant rien qui blesse et éclipsant par sa gloire la lige qui l’a portée, ainsi Marie, née de la race d’Eve, efface. Vierge nouvelle, le crime de la Vierge antique. " Carmen poschale, 1. ii, v. aoi, P. L., XIX, 696 s.

Sain tPiEHRECHRYSOLOOt’E, archevêque de Ravenne, nous montre Marie « liancée à Jésus-Christ dès le sein de sa mère, alors qu’elle commença d’exister, cui est in utero pignorala cum fieret ». Serm., cxi., De AnnKntiationc, P. /-., Lil, 5^6, 61 saint Maximh dk Turin la proclame « une demeure digne du Christ, non par la disposition du corps, mais par la grâce originelle, pro gratia originali ». Ilom., v, jlnte Antale nomini, P. L., LVll, 255.

Plus tard, l’idée de sainteté parfaite et perpétuelle apparaît dans le Pseudo-Jérôme, et le Pseudo-Ildk-FoNSE. Le premier compare la bienheureuse Vierge à une nuée « qui ne fut jamais dans les ténèbres, mais toujours dans la lumière ». Bre^’iarinm in Psalm. ixxvii, 14, P. I-, XXVI, lo/ig. L’autre nous la présente comme « unie à Dieu par une alliance perpétuelle » et commet un rejeton qui, d’une racine Ticiée, sort indemne de tout vice ». Serm. 11, de Assumptione ; xii, de sancta Maria, P. L, , XGVI, a52, 279.

Entin la salutation angélique suggère aux orateurs latins des développements qui rappellent ceux des orientaux. Voici, en etîet, comment s’exprime à la lin du viii" siècle Paul WiNiuro, diacre d’Aquilée :

! Elle a été saluée par un ange de cette manière

absolument inusitée jusqu’alors, Je vous salue, pleine de grâce : le Seigneur est avec vous. Que pourrait-il, je le demande, manquer, en fait de justice et de sainteté, à la Vierge qui, par une miséricorde si efficace, a reçu la plénitude de la grâce ? Comment le moindre vice aurait-il pu jamais trou er accès dans son âme et dans son corps, puisqu’elle fut, nouveau ciel, le temple du Seigneur qui contient tout ? C’est vraiment la demeure dont Salomon a dit (sans préjudice d’un autre sens que l’Eglise attribue à ces paroles) : La Sagesse s’est construit 71n palais… Palais que l’éternelle Sagesse s’est, en effet, construit, el qu’elle a rendu tout à fait digne de recevoir le Verbe incarné pour le salut du monde. » Hom. in Assumi)t., P. L., XCV, 1667.

A l’époque où nous sommes parvenus, les fêtes de la sainte Vierge ont fait leur apparition en Occident : la Purification, l’Annonciation, la Nativité et l’Assomption étaient l’objet d’un culte officiel. Dn-CHESNE, Origines du culte chrétien, p. 2’)2, Paris, igo3. Circonstance notable en soi, mais plus encore à cause du rapport étroit qui existe entre la naissance el la conception de Marie. Dès le ix^ siècle, saint Paso.hask Radbkrt, abbé de Saint-Pierre de Corbie au diocèse d’Amiens (-{- v. 860), nous fournit un témoignage précieux. Dans l’écrit De partu Virginis, attribué parfois à saint Ildefonse, P. L., CXX, 1365, cT. XCVl, 207, il soutient en thèse, que Notre-Dame n’a pas enfanté son divin Fils comme les autres femmes, mais que, l’ayant conçu virginalement, elle l’a ensuite enfanté en dehors des lois communes. Une objection se présente. 1. I, col. 1371 : la chair de Marie fut une chair de péché, soumise à la loi de la concupiscence ; Marie devait donc enfanter

suivant cette même loi. Paschase répond en substance : Oui, s’il n’y avait pas eu purification préalable ; mais cette purification ayant eu lieu quand le Saint-Esprit descendit sur la Vierge, la chair de celle-ci, quand elle conçut, n’était plus chair de péché ni, par conséquent, soumise à la loi de la concupiscence.

Vient ensuile ce passage, â titre d’argument conlirniatif :

« D’ailleurs, comment n’aurait-elle pas été

libre du péché originel, après qu’elle eut été remplie du Saint-Esprit, celle dont la glorieuse naissance est proclamée heureuse et bénie dans toute l’Eglise du Christ ?… Puis donc qu’on célèbre sa naissance avec tant de solennité, l’autorité de l’Eglise montre clairement qu’en naissant Marie a été exempte de toute faute et que, sanctifiée rfés le sein de sa mère, elle n’a pas contracté le péché originel. » Ainsi de la sainteté qui convient à Marie naissante, Paschase remonte à la sainteté initiale de Marie conçue, celle-ci lui paraissant sans doute comme l’explication et le fondement de celle-là. Rien ne prouve que ce dernier passage soit une interpolation, comme on l’a prétendu, sous prétexte qu’il est en contradiction avec ce qui précède. La contradiction existerait si, dans la pensée de l’écrivain, la purification de Marie au jour de l’Annonciation avait pour objet le péché originel proprement dit ou le supposait ; mais ceci n’est rien moins que prouvé. Les doutes émis sur l’authenticité du passage ont dû paraître négligeables au protestant Zôckler, puisque, dans l’article Maria, Bealencyklopâdie fur protestantische Théologie uiid Kirche, 3’éd., t. XII, p. 5ao, il ne les signale même pas et donne, sans hésiter, Paschase Radbert pour premier témoin de la fêle de la Nati^té de Marie en France.

Du langage que nous venons d’entendre, rapprochons celui de saint Fulbeut, évêque de Chartres (1007-1029). Dans un sermon sur la naissance de Notre-Dame, il s’écrie : « Heureux enfantement, heureuse naissance, puisqu’ils donnent à la terre la Vierge qui doit elïacer l’antique offense de nos premiers parents, et redresser le monde courbé sous le joug du plus impitoyable ennemi ! Enfantement dont toute la raison d’être était de préparer au Fils du Très-Haut une demeure sainte et pure. Car à quelle autre lin pourrait-il être destiné ?… Sans aucun doute, dans la conception nécessaire de cette Vierge, l’Esprit de vie et d’amour remplit ses parents d’une grâce particulière, et la garde des saints anges ne leur lil jamais défaut… Dites-moi, combien grande dut être la soUicitudede ces esprits célestes à l’égard d’un tel fruill Peut-on croire que l’Esprit-Saint ait été absent de cette enfant admirable, qu’il devait un joir couvrir de son ombre ? « Urat. vi, de ortu H. V., P. L., CXLl, 326. Isolée, cette dernière phrase reste Aaguc ; prise dans le contexte immédiat, elle se rap porte à Marie considérée au début même de son existence, alors que ses parents commencent à produire leur fruit. L’évêque de Chartres ne se contente donc pas de voir dans la conception de la Vierge la première pré[iaration de la future Mère du Verbe incarné, suivant l’idée que nous avons fréquemment rencontrée chez les Pères orientaux ; il reconnaît aussi en celle enfant de bénédiction la présence du Saint-Esprit. Comme Paschase Radbert, il unit dans sa pensée et dans sa vénération la double naissance de la Vierge, l’intérieure et l’extérieure. Il n’j' a plus qu’un pas à faire pour parvenir à la fêle de la Conception : dédoubler l’objet du culte, en fêtant à part chacune des deux naissances, comme c’avait été le cas en Orient. En réalité, le pas n’était plus à faire ; il avait été déjà fait.

2. l.a Fête de la Conception en Occident, — Dans