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MARIE. — IMMACULEE CONCEPTION

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vous-même ; car ce n’est pas pour vous que vous êtes née. Cette vie, vous l’aurez pour Dieu ; c’est pour lui que vous êtes venue au monde, instrument providentiel du salut commun, alin que par vous se réalisât l’antique plan de Dieu, le plan de l’Incarnation du Verbe et de notre déification ». Ilomil. i, Jn Aaiifil., 9, P. G., XCVI, 676 ; cf. Ilomil., i. In dormit., 3, col. yoi s.

Marie n’a pas pu, comme Mère de Dieu et médiatrice, preudre une part active au mystère de l’Incarnation et de la Kédemplion, sans que l’éclat de la divinité rejaillit en quelque sorte sur elle. Epris de sa beauté surnaturelle, le panégyriste lui crie :

« Vous êtes toute belle, toute proche de Dieu, S/<j

r/wi^K Qi’jj ». In Nati’it., loc. cit. Alors seulement il aura complété sa pensée, quand la contemplant glorieuse au ciel, il aura dit ; ic Entre le Fils et la Mère, il n’j- a pas de milieu ». Ilom., iii, In dormit., 5, col.’761. Mais auparavant il avait formulé la restriction nécessaire, la restriction catholique, dont la connaissance ou la saine interprétation devrait suffire pour arrêter la calomnie protestante : » Nous n’en faisons pas une déesse (arrière ces fables de la jonglerie hellénique !) car nous proclamons qu’elle est morte, mais nous la reconnaissons pour la Mère du Dieu incarné ». Ilom., ii, In dormit., 15, col.’jft/i. Cette dignité qui élève Marie bien au-dessus de toute créature, mèmeangélique, ne va pas sans une pureté ni une sainteté proportionnée ; aussi, quand le docteur de Damas salue en elle la toujours Vierge, il entend par là une pureté d’âme, non moins qu’une pureté de corps, hors ligne : « D’esprit, d’àme, de corps, elle est, seule, toujours vierge, T/ ; y /.tiv^v /ki va, KK( r’^X’^', ^y-’^oi’jy.rt à’tnv.pôâvtùoj^y.v ». Ilom., I, In T^ativ. , b, col. 668. Cette pureté suréminente a son côté négatif ou exclusif : éloignement de tout mal, absence de toute faute et de toute souillure. Marie est la fille très sainte dijoachim et d’Anne, qui « a échappé aux traits enflammés du malin ii, Ibid, , 7, col. 672 ; paradis nouveau, « où le serpent n’a pas d’entrée furtive ». Ilom. 11, In dormit., 2, col. 725. Ces expressions et autres semblables ont une portée si générale qu’il semble tout à fait arbitraire de les restreindre à l’exclusion des seules fautes actuelles ou personnelles.

D’ailleurs, quand la pensée du saint docteur se fixe sur Marie au début même de son existence, il en parle manifestement comme d’un fruit béni, d’abord pour le caractère miraculeux qu’il attribue à sa naissance d’une mère stérile, puis pour la pureté et la beauté intérieure dont elle est ornée : « La nature cède le pas à la grâce et s’arrête tremblante, incapable d’avancer toute seule. Puis donc que la Vierge Marie devait nailre d’Anne, la nature n’osa pas devancer le germe béni de la grâce ; elle resta vide de tout fi’uit jusqu’à ce que la grâce eîit porté le sien. Il s’agissait, en eifet, de la naissance, non pas d’un enfant vulgaire, mais de cette Première-née d’où sortirail le Premier-né de toute créature, en qui subsistent toutes choses. O bienhemeux couple, Joachim et Anne 1 Toute la création vous est redevable ; car en vous et par vous elle offre au Créateur le don qui surpasse excellemment tous les dons, je veux dire la chaste mère qui seule était digne du Créateur… O fruit sacré de Joachiiu et d’Anne ! … O fille digne de Dieu, la beauté de la nature humaine, la réparation d’Eve notre première mère 1 » Ilom., I, In Natit’., 2, 7, 9, col. 663, 671, 675.

Peut-on s’étonner après cela que, pour saint Jean Damascène.la résurrection etl’assomption corporelle de la Mère de Dieu ne soient qu’un corollaire de ses autres privilèges ? Corollaire de la maternité divine assurément ; « Il fallait que celle qui avait offert dans

son sein l’hospitalité au Verbe de Dieu fût placée dans les divins tabernacles de son Fils. » Ilom., ii, In dormit., 14, col. 741. Mais corollaire aussi de l’absolue virginité ou de la toute-sainteté de Marie : c’est pour avoir prêté l’oreille aux suggestions du démon qu’Eve a entendu la sentence qui nous frappe avec elle : Vous retournerez en poussière ; la seconde Eve ne s’est pas laissé séduire, pourquoi tomberait-eUe sous cette malédiction ? Ibid., 3, col. 728. Quelle serait la valeur de ce raisonnement, si dans sa conception Marie était préalablement tombée sous l’empire du démon ? Déjà saint André de Crète était arrivé aux mêmes conclusions en appliquant jusqu’au bout son principe : u Il convenait que Dieu disposât les destinées de sa Mère conformément aux siennes. » Jésus-Christ n’est pas mort, comme nous, à cause de l’antique sentence portée contre l’homme coupable ; il est mort pour d’autres raisons qui se rapportent à la fin de l’Incarnation et que le saint docteur expose Ilom., i. In dormit., col. lOiJS, io53. Voir M. Jugie, Saint André de Crète et l’Immaculée Conception. Doctrine fréquente chez d’antres auteurs, soit à la même époque, soit aux siècles suivants. A. Si’axdak, liom. V, l’J und die Unbefleckte Empfiingnis Maria in der Tradition der orientalischen Kirchen, dans Zeitschrift fiir katliulische I Iteologie, Inspruck, 1904, t. XXVIII, p. 774. Rien de plus propre à confirmer que, pour ces auteurs, la Mère de Dieu échappait personnellement à la loi générale du péché. Car la dette de la mort est, parmi les effets du péché originel, celui sur lequel les Pères grecs insistent davantage, à tel point que parfois ils sembleraient ramener à cet ell’et le vice héréditaire. Exempter Mai-ie de la dette de la mort, équivaut donc, chez eux, à l’exempter de la déchéance commune.

Saint Jean Damascène et les autres Pères nous ont donné en substance tout ce que la marialogie de cette époque fournit d’apport doctrinal en ce qui concerne la croyance au glorieux privilège. D’autres contemporains pourraient ajouter leurs témoignages aux précédents, mais poui- redire quelque chose de ce qui a été déjà dit. Saint Germain, patriarche de Constan-TINOPLK (715-730) nous montrerait en Marie « celle qui, seule d’entre les mortels dévoyés par le tondent déchaîné du péché, est devenue un propitiatoire nouveau, tout ressemblant à Dieu ». In ingressum Deiparae, 2, P. G., XCVIII, 294. Dans un discours sur la Vierge, riche en appellations, en images et en comparaisons suggestives, l’énigmatique auteur qui porte le nom de Theodorus Moneremita célébrerait

« l’arche de Dieu toute-sainte…, beauté de notre nature, 

grâce à laquelle nous sommes redevenus dignes de participer à la nature divine, nous que la désobéissance originelle a rendus difformes ». In Ânnuntiationem Deiparæ sermo laudalorius, 4. dans Ballerini, Sylloge monumentorum, t. II, p. 221 s. Antithèse éloquente, i>ù la Toute-sainte nous apparaît mise à part des enfants d’Adam pécheur. Qu’y a-t-illà, en réalité, si ce n’est l’aboutissement logique de l’ancienne doctrine du nouvel Adam et de la nouvelle Eve, ou du Fils et de la Mère associés dans l’œuvre de la réparation et, comme tels, formant un groupe unique, le groupe des purs ennemis et vainqueurs de Satan ?

3. les écrii’uins grecs postpatristiques. — Pendant les trois siècles qui s’écoulent depuis la mort de saint Jean Damascène jusqu’à la consommation du schisme, c’est-à-dire depuis le milieu du viii" siècle jusqu’au milieu du xi", les écrivains ecclésiastiques de l’Orient nous présentent des témoignages qui, le plus souvent, rentrent dans les monuments liturgiques ou se rapportent à la fête de la Conception. D’autres solennités de la Vierge donnent lieu à des discours où la