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LOI ECCLESIASTIQUE

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c. I, c. 6 ; cf. Benoit XIV, loc. cit., h. IX, c. x, n. 3-5).

II est ^Tai qu’on relève également quelques traces d’influences germaniques dans la formation du droit de l’Eglise latine : pour compter les degrés de parenté qui font obstacle au mariage, le mode de calcul cUer aux Barbares prévalut (C. xxxv, qu. 5, c. 2. Cf. Vernz, lue. cit., t. IV, n. ijog, tit. xvii, nota 40, p. 25 1 sqq.) ; les cojureurs, les purgations par le serment des vieilles coutumes teutoniques (Cf. Es-MEIN, Histoire du droit français, b’éd., p. 59, 98 sqrj.) fournirent plus d’un trait à la purgatiu cano ?iica (Cf. Devoti, loc. cit., 1. III, tit. ix, § 26, nota 3 ; t. ii, p. 1 10) ; le teslimoniiim « e^ùmæ mon ! ts(C. xxiiQ, qu. 1, c. 2 ; X. IV, 15, c. 5, c. 7 ; cf. Esmein, le Mariage en droit canonique, t.I, p. 261 ; Wernz, loc. cit., t. IV, n. 344, tit. XIII, p. 144), ce recours à sept témoins qui garantissent sur certains points délicats la bonne foi des époux, suggéré par des traditions populaires imprégnées de germanisme, passa dans les usages des cours de chrétienté. Mais ce ne sont là que des détails : l’ensemble, le fond, l’essentiel du droit canon appartient à la civilisation latine, et on peut dire, en s’en tenant aux grandes lignes, que dans l’EgJise d’Occident, tout ce qui n’est pas divin, est romain.

Le développement du droit canon se poursuivit par les mêmes procédés que celui du droit romain. Fut-ce une imitation voulue, ou simplement l’effet d’une rencontre fortuite ? Il est malaisé de le décider. En tout cas, les Décrétales des papes rappellent étrangement, dans la forme, les rescrits des empereurs ; de part et d’autre, des solutions d’espèce deviennent, comme nous dirions aujourd’hui, des arrêts de principe, et prennent l’autorité d’un règlement applicable à tous les cas semblables. Le Décret de Gratien éveille le souvenir du Digeste : dans chacun de ces deux recueils s’accumule une masse énorme de textes, de provenance très diverse, dont la conciliation n’est pas toujours facile. Les Décrétales de Grégoire IX font pendant au Code de Justinien : des deux côtes nous sommes en présence d’une collection authentique, dont les éléments sont sanctionnés par l’autorité suprême. Plus tard, on joindi-a au Décret et aux Décrétales des compilations postérieures, et l’ensemble formera le Corpus juris canonici, comme l’addition des Novelles au Digeste et au Code avait achevé de constituer le Corpus juris civilis.

Le droit canon atteignit ainsi un haut degré de perfection. Il s’était assimilé le meilleur des législations profanes, surtout du droit romain, qui savait si habilement satisfaire les exigences de l’équité et les besoins sociaux ; il avait épuré ces emprujits au souffle de la doctrine et de l’esprit chrétiens ; sui-lout il les avait complétés et développés. Au treizième siècle, l’Eglise est en possession d’un système juridique hors de pair, supérieur à toutes les Luslitutions temporelles de la même époque. Non seulement il les dépasse par l’élévaliou morale que lui assurent le contact du dogme et la protection de la Providence, mais de plus, au point de vue purement leclinique, il se recommande par des mérites qui sont à cette date son apanage exclusif : les sources dont il dérive sont des recueils qui égalent en précision et en clarté ce qu’on connaît alors de plus accompli, les compilations justiniennes ; la synthèse doctrinale qui le résume, tissée par les glossaleurs autour de chaque mot du Décret ou des Décrétales, déroule, comme une tapisserie d’un coloris bien fondu, la suite de ses théories logiques et cohérentes. Aucune autre société ne pouvait alors mettre en ligne un droit plus parfait. Les seigneuries entre lesquelles se

partageait le monde féodal vivaient sur des coutumes lentement élaborées : ici, simple modification des pratiques romaines ; ailleurs, produit d’un vieux fond germanique fécondé par le christianisme ; sou » vent, sans doute, elles aboutissaient à une jurisprudence très lieureuse, bien adaptée aux besoins du peuple, originale, naïve et belle (voir surtout Beaumanoir, Coutumes de fieau^’oisis [1283|), mais qui n’avait en définitive ni l’unité ni la solidité de la grande construction canonique. On eût dit des demeures gracieuses ou commodes, au pied d’une magnitique cathédrale.

Les civilisations profanes sont allées de l’avant. Sar le terrain juridique, leur marche fut lente, et les vraies améliorations ne s’eff’ectuèrenl que péniblement. Pour me borner à la France, malgré la rédaction des coutumes au quinzième et au seizième siècle, malgré les grandes ordonnances de nos derniers rois, malgré le travail doctrinal de Doraat, de Pothier et de leurs émules, notre droit, jusqu’à la lin de l’Ancien Régime, resta dans un désordre jieu accessible et chaotique. Le Code civil réalisa un immense progrès. Réserve faite de quelques dispositions qu’une conscience droite ne peut pas approuver, il faut convenir que c’est un chef-d’œuvre, admirable de clarté, de logique et de sens pratique. Les autres codes français ne lui sont guère inférieurs. Au cours du dix-neuvième siècle, la plupart des États de l’Europe occidentale réformèrent leur législation sur ce type ; les spécialistes en ont étudié et discuté la doctrine, puis ils ont proposé des conceptions plus neuves, plus hardies, dont quelques-unes se sont déjà fait recevoir en pratique, surtout dans le Code civil qui régit l’Allemagne depuis 1900. Il serait curieux de rechercher dans quelle mesure ces mouvements divers procédèrent de l’esprit chrétien, et ce que les rédacteurs des lois modernes ont emprunté aux traditions canoniques. Sans m’arrêtera cette étude qui déborderait le cadre du présent article, je remarque que l’Eglise connaît les transformations récentes du droit et qu’elle s’y intéresse, déliante sans doute des nouveautés qui compromettraient les principes, mais sympathique à tous les perfectionnements inoffeusifs. Elle se rend compte qu’à l’heure actuelle la technique juridique profane l’emporte en plusieurs points sur les procédés et le style que, de génération en génération, se transmettaient les canonisles, et elle est décidée à profiter de toutes les innovations qu’a justifiées l’expérience des sociétés laïques. L’œuvre législative de Pis X, qui est immense, révèle cette tendance, et ce pontificat, qu’on représente Aolontiers comme conservateur à outrance, est au contraire, en matière juridique, un des plus résolument novateurs qu’ait jamais connus la Curie.

Dès la première année de son règne, Pie X créa une commission chargée de préparei- une codification générale du droit ecclésiastique (Motu proprio Arduuni sane, 19 mars 1904, Acta Sanctæ Sedis, t. XXXVI, p. 549). Cardinaux et cousulteurs se mirent à l’œuvre ; après dix ans de travail, on est sur le point d’aboutir. C’est l’efi’ort législatif le plus gigantesque qui ait été tenté depuis Justinien : l’Dglise, catholique, c’est-à-dire une société vaste comme l’univers, dont l’action disciplinaire s’étend aux objets les plus disparates et prend les formes les plus variées, entreprend de remanier et de fondre en un corps unique, non pas seulement, comme l’ont fait la plupart des Etats, celles de ses lois qui se rapportent à des matières de même ordre, mais tout l’ensemble si bigarré de ses statuts !

Déjà des fragments considérables, détachés dn code futur, ont été promulgués, soit pour réaliser immédiatement des réformes attendues, soit pour