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GALILEE

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li’êti-c en (lis^’ràce aupri-s des Jésuites’. » Que penser lie cette allinuation souvent répétée depuis- ? Quelle Cul l’altitude des Jésuites à i’cf ; ard de Galilée, auK (lilîérenles époques de ses démêlés avec Rome ?

Jusqu’en 1611, Galilée est au mieux avecles Pères ; le 22 avril de cette année, à peine arrivé à Rome, il écrit : « Tout le monde ici est très bien disposé pour moi, en particulier les Pères Jésuites. » De l’ait, l’une des premières visites du yrand homme est pour le Collège romain, où il est reçu Iriomplialemenl.

Que pensent les Jésuites des nouvelles découvertes de Galilée ? Us doutaient d’abord de leur réalité, mais ils se sont i)rocuréou ont fabriciué eux-mêmes de bonnes lunettes et ils ont pu se rendre compte par leurs yeux que le savant Florentin disait vrai’.Aussi, lorsque Bellarmin les interroge, sont-ils d’accord pour répondre favorablement. Ces belles découvertes astronomiques excitent même chez quel([ues-uns d’entre eux un certain enthousiasme ; les Pères Grienberger, Clavius.van Mælcote, Guldin, qui comptent parmi les plus savants mathématiciens d’alors, ne se cachent pas pour en témoigner dans leurs lettres, que l’on peut lire nombreuses dans la collection des œuvres de Galilée. Pourtant quelques philosophes de l’ordre ne sont pas sans protester contre l’engoiiment de leurs confrères les phsiciens ; ils murmurent contre ces nouveautés".

Dans les années qui suivent 161 1, Galilée esquisse puis accenlue un dangereux mouvement vers l’exégèse, el, du coup, les Jésuites modilient leuratlitude. Ceux mêmes que l’astronomie intéresse ne peuvent oublier qu’ils sont théologiens avant tout, de par leur profession, et ils manifestent leurs craintes. D’ailleurs, Galilée attaque Aristote ; or, par devoir. les Jésuites doivent le défendre : un décret de leur cinquième congrégation générale, tenue en 1693, leur en l’ail une obligation, et leurs supérieurs veillent à son exécution. On se rend compte, dans le public, que plusieurs de ceux qui penchaient visiblement vers le système de Copernic l’attaquent un peu « par force et par obédience " ».

Des questions d’amour-propre viennent bientôt se mêler aux discussions scientifiques. En 1619, le 1*. Grassi et Galilée engagent une lutte où les argui ; ients alternent avec des expressions assez peu courtoises. Puis, c’est le P. Sclieiner qui revendique la priorité de la découverte des taches solaires. Galilée est mécontent, et on se fait un jeu de l’exciter contre les Jésuites. Au moment du second procès, en 1633, les amis de jadis sont complètement brouillés.

Est-ce à dire que ce sont les Jésuites qui vont faire condamner Galilée ? L’accusation de leur prétendue victime ne repose sur aucune preuve positive ; d’ailleurs elle est certainement exagérée. Nous venons de le dire, beaucoup des Pères qui ont attaqué les doctrines coperniciennes, l’on fait par ordre ; si d’autres l’ont fait par suite de leurs opinions péripatéticiennes, leur cas rentre dans le cas général que nous examinerons bientôt, mais leurinlluence n’était pas spécialement prépondérante auprès du pape et de l’Inquisition. Un seul des consulteurs de 1633 était membre de la Compagnie de Jésus ; aucun Jésuite n’était Inquisiteur à cette époqiu". C’est certainement aux Pères Dominicains que revient la part la plus activedans les deux procès de Galilée, et cela à

1. Op. Gal., t..VI, p. 117.

2. Cf. CCu.Tci de Pascal, édit. Faugére, t. 11, p. 231.

3. Op. Gal., t. XI. [). 89.

k. Op. Gal., t. XI, p. : tl.

">. Op. Gal., t. XI, p. 92.

C. Cf. Œuvres complètes de //in/gens, la Hâve, t. ii, p. 489.

:. Op. Gal., t. XV, p. 2d ! i, et t. XVIII, p.’123.

cause de la position qu’ils occupaient dans les différents tribunaux du St. -Odice. Seulement, Galilée ayant eu avec quelques Jésuites d’assez blessants rapports, a fort bien pu en garder à leurs confrères une spéciale inimitié.

Bien plus vraies et bien plus fondées sont les plaintes qu’à diverses reprises Galilée a formulées contre les péripatéticiens, car c’est à eux qu’il faut attribuer la vive campagne menée, pendant plus d’un demi-siècle, contre le système de Copernic et son champion.

L’influence d’Aristote et de ses principes sur les doctrines et les idées était depuis longtemps considérable. Sa philosophie, que les premiers Pères de l’Eglise dénonçaient comme la source de toute incrédulité et, en particulier, des hérésies arienne et monophysite, était devenue, avec St. Thomas, le fondement de la théologie, et elle participait au respect que tous avaient pour cette science des sciences. Seulement, par une exagération regrettable, la faveur dont jouissait cette philosophie péripatélicienne s’était étendue à des théories scientiliques qui, pour être énoncées par Aristote, n’avaient pourtant qu’une assez médiocre valeur. Bien peu d’esprits échappaient à cette contagion de respect ; les coperniciens et Galilée lui-même gardaient d’Aristote bien des idées et bien des principes a priori.

! Ces principes, en eux-mêmes, n’avaient rien d’ab-I

surde, mais, appliqués à la nature, ils étaient absolument stériles, jjuisque ce n’était pas d’après le type lixé par eux que la nature est faite.. Vussi, fatalement, le désaccord devait un jour éclater : u Est-ce que la nature est forcée de s’accommoder à Aristote, écrivait un correspondant de Galilée ; est-ce qu’il ne lui est pas permis de [)roduire quelque nouveauté, si .risfote ne l’a pas décrite’? > En fait, on prétendait bien refuser ce droit à la nature : c’est au nom d’Aristote que l’on contestait l’existence des taches du soleil, des montagnes de la lune, de l’étoileliouvelle découverte par Galilée, parce que ces phénomènes contredisaient ses principes.

Bien qu’acceptant certaines idées d’Aristote, Galilée, vu sa tournure d’esprit, de ait assez vile échapper à son emprise : il a déjà l’esprit moderne ; il ne se demande pas pourquoi les corps lond>ent, mais comment ils tombent ; pour expliquer leur chute il fait des hypothèses, mais il ne se borne pas à les poser, il cherche à les vérilier par l’expérience. Cette conliance dans la méthode expérimentale est caractéristique de Galilée : « Il ne faut pas admettre de principes contredits par l’expérience, écrira-t-il ; Aristote a parlé d’après ce qu’il savait ; il ne savait pas tout, et les nouvelles découvertes changeraient certainement ses idées. Les règles de raisonnement qu’il donne sont parfaites ; je les ai employées pour faire faire de grands progrès aux sciences ; là, je suis j)éripatétieien. Mais maintenir une aflirmation d’Aristote envers et contre tout, c’est extravagant’-. >

Ces idées étaient fort justes, mais un préjugé vieux de plusieurs siècles ne disparait pas en un jour. Les plaintes des péripatéticiens attirèrent prom|)tement l’attention ; elles s’accrurent lorsque, conjointement avec le système de Copernic, Galilée commença à soutenir la théorie copernicienne de la gravité ; elles ne connurent plus de bornes devant les sarcasmes blessants prodigués par Galilée à Aristote et à ses disciples. — En jetant ainsi par-dessus bord les principes cosmologiques d’Aristote, Galilée allait un peu vite en besogne : d’une part, il était assez facile de débarrasser la cosmologie de l’Ecole des explications

1. Op. Gal., t. XV, p. 12.

2. Op. Gai. t. XVIII, p. 2’iS.