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LOI DIVINE

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des motifs eulièrement désintéressés seraient inniuissants à faire sortir de la voie du péché ; or l’Église s’adresse à tous les hommes et elle travaille à empêcher 11’mal, autant qu’à faire pratiquer le bien. a° L’Eglise propose aux âmes tous les motifs raisonnables qui peuvent les porter à la vertu, sans en exclure aucun. Avec la perspective des châtiments et des récompenses de l’autre vie, elle offre à nos méditations tout ce qui peut nous donner l’horreur du péché ou nous exciter à l’estime de la vertu et à l’amour de Dieu. 3" Du reste, la sanction de la vie future, telle que l’iiglise la propose, ne consiste pas seulement en douleurs et en jouissances ; ce qui fait la plus grande peine de l’enfer, d’après la doctrine catholique, c’est la privation du bien suprême, c’est-à-dire de Dieu ; ce qui fait l’essence du bonheur des élus, c’est la vue et l’amour de ce même Dieu..-Vussi, quand les prédicateurs de l’Évangile excitent à la pratique du bien par la crainte des peines de l’enfer et par l’espérance des joies du ciel, chaque lidèle trouve en ces considérations des motifs d’autant plus élevés et d’autant plus désintéressés qu’il est lui-même plus avancé en vertu. Pour les saints, il n’y a rien de si redoutable dans l’enfer que la perle éternelle de Dieu, et rien de si désirable dans le ciel que la possession de ce bien inlini. Ainsi, ces motifs tirés de la sanction éternelle se présentent principalement sous leur aspect désintéressé aux âmes capables d’une vertu plus parfaite ; au contraire, c’est plutôt ce qu’ils offrent d’intéressé qui frappe les àræs qu’il faut amener à éviter le péché mortel. Ils s’accommodent donc aux besoins variés de toutes les àræs qui forment l’Église. Ajoutons que l’homme, créature raisonnable, doit tendre à sa lin dernière, c’est-à-dire doit la désirer et chercher à l’obtenir. ( ; ’est la première obligation de tout être humain. L’Église, en nous excitant à l’observation de la loi morale par la considération de notre lin dernière, nous pousse donc à des sentiments et à des eft’orts que la raison et la nature nous prescrivent.

111° — Comment connaissnns-noiis la loi morale ?

Les lois positives, qu’elles soient divines ou humaines, ne peuvent être connues que par un enseignement formel ; par conséquent, la révélation était nécessaire pour nous manifester les lois positives renfermées dans la Révélation chrétienne. (Voir l’art. Religion.)

Pour les lois naturelles, la raison laissée à elle-même ne sullit pas à les faire connaître toutes à la grande masse des hommes avec une pleine certitude, facilement et sans mélange d’erreur. Aussi la révélalion est-elle presque nécessaire aux hommes pour la pleine connaissance de leurs obligations même naturelles.

Néanmoins notre raison abandonnée à ses seules ressources suffirait à nous manifester les premiers principes de la morale. Telle est la doctrine de saint Thomas et de tous les théologiens, et lorsque les traditionalistes l’ont combattue, ils se sont mis en opposition avec l’enseignement de l’Eglise.

Mais, à l’aide de quelles facultés arrivons-nous à cette connaissance rationnelle de la loi naturelle ? D’après saint Thomas d’Aquin, le premier principe de la morale II faut faire le bien et éi’iler le mal nous est manifesté immédiatement par notre intelligence (qui envisagée sous ce rapport s’appelle syndérèse) comme les premiers principes de l’ordre spéculatif (I^ II", q. 9^, art. i, ad 2">). Seulement notre intelligence ne nous manifeste ce premier principe qu’en face et, si je puis ainsi dire, à la suggestion de cas particuliers auxquels il s’a|iplique. C’est ainsi que Iti connaissance de Dieu nous donne sujet de comprendre que nous sommes sous sa dépendance ; c’est

ainsi que nos rapports avec notre père, notre mère, et les autres hommes nous manifestent nos obligations envers nos semblables. Il faut ajouterque nous avançons d’autant plus vite et que nous allons d’autant plus loin dans cette connaissance rationnelle des premiers principes et des applications de la loi naturelle, que les instructions de ceux qui nous entourent et que les enseignements de la religion nous y aident plus puissamment. C’est parce qu’il faut que nous soj’ons aidés de cette manière, que la révélation chrétienne est moralement nécessaire au genre humain, pour le mettre et le maintenir en possession de toutes les vérités de la morale naturelle, bien qu’aucune d’elles ne soit au-dessus de la portée de notre raison.

IV" — Hase de la loi morale.

Nous avons indiqué plus haut quelle est la nature et quels senties caractères de la loi morale ; il ne nous sera pas dillicile d’en conclure qu’il faut chercher la base de cette loi en Dieu et non en nous-mêmes. Sans doute, les facultés par lesquelles nous connaissons la loi morale sont en nous ; mais la loi morale est distincte et indépendante de ces facultés ; elle est l’objet, non l’effet de notre connaissance ; notre entendement la connaît, mais il ne la fait pas ; il n’y a qu’en Dieu qu’on puisse en trouver le fondement.

1) — Nous avons vu, en effet, que cette loi découle de l’essence des choses, que c’est pour cela qu’elle est immuable, universelle, absolue, indépendante de notre volonté. Or quelle est l’intelligence qui est la règle de l’essence des choses ? C’est l’intelligence divine. Pourquoi l’essence des choses est-elle immuable et éternelle ? A cause de l’intelligence divine.

C’est donc dans l’intelligence divine ou, pour parler avec les théologiens, dans la loi éternelle qu’il faut chercher la règle suprême du bien et du mal, et le fondement de la loi morale dont notre conscience alfirme l’existence. Nous ne disons pas que cette règle dépend de la volonté de Dieu, non ; car selon la doctrine de saint Thomas, elle est dans l’intelligence divine qui est la règle du bien, et si la volonté divine veut le bien, c’est parce que l’intelligence voit qu’il est le bien. Sans doute, parmi les créatures dont il voit l’essence dans sa pensée infinie, il était en la puissance de Dieu d’appeler à l’existence celles qu’il voulait (voir l’art. Crkation) ; mais du moment qu’il s’est déterminé à les créer, les lois qui les régissent se trouvent fixées par la conception qu’il a nécessairement de leur essence. La loi naturelle se règle donc sur la pensée même de Dieu, qui en est le fondement. Telle est, du moins, la doctrine de saint Thomas d’Aquim, I" U", q. gS, art. 3 : /ex importât rationem quandam directii’am actuuni ad fincm. fn omnibus autem moventibns ordinalis^ oportet qiiod i’irtiis secundi moventis derirctur a virtate nioyenlii primi : rjuia moi’ens secundum se non movet nisi in quantum movetur a primo… Cnm erf : o le.r neterna sit ratin gubernationis in supremo i^ubernante, necesse est qiiod omnes raliones gubernationis, quæ sunt in inferioribus gubernantibus, a lege aeterna deriventur.^

a) — Ainsi s’explique ce que les théories erronées que nous exposerons plus loin sont impuissantes à justifier, savoir que nous ayons des obligations morales, non seulement envers nous-mêmes et envers notre Créateur, mais encore envers nos semblables. En effet, d’après le plan divin, les hommes doivent vivre en société et avoir les uns avec les autres les rapports que l’état social comporte. Ce plan de Dieu est imposé à nos volontés libres par la loi morale ; d’où il suit que cette loi nous oblige d’aimer tous les hommes, et de respecter leurs droits. Quand nous I remplissons ces devoirs, ce n’est donc pas aux