Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/956

Cette page n’a pas encore été corrigée

1899

LOI DIVINE

1900

donc n’émane pas nécessairement de l’autorité sociale. Elle difl’ère du conseil, qui n’implique pas obligation, au lieu que l’auteur de la loi iirétend obliger. Elle se trouvedaiislelégislaleur comnieensa source et en son auteur. Elle se trouve dans le corps social, comme dans l’objet qu’elle doit régler. Elle se trouve dans le code, comme dans le signe qui la manifeste.

A raison de sa durée, on distingue la loi éternelle et les lois temporelles : celle-là portée de toute éternité, celles-ci dans le temps. A raison de son auteur immédiat, on distingue loi divine et loi humaine. El la loi humaine, à raison delà société qu’elle est destinée à régir, se subdivise en Xoiecclésiastique et loi civile. A raison de sa promulgation et de sa matière, on distingue loi naturelle et loi positive. Loi naturelle, promulguée par la lumière naturelle de la raison, et distinguant ce qui est bon intrinsèquement de ce qui est mauvais intrinsèquement. Loi positive, promulguée par un signe extérieur, et s’étendani aussi à des objets qui ne sont ni bons ni mauvais intrinsèquement, mais seulement par leur relation à la règle extérieure.

L’existence d’une loi divine, directrice des actes de la créature raisonnable, et imposant l’obligation d’observer l’ordre naturel, est une conséquence immédiate de la sagesse du Créateur. Car un sage ouvrier ne saurait se désintéresser de son œuvre. C’est pourquoi Dieu dirige la créature raisonnable vers la fin de sa création et conformément à la nature qui lui est propre. Le propre de la nature raisonnable étant de s’orienter par son libre choix entre les biens particuliers, Dieu lui prescrit d’observer dans ce choix l’ordre indiqué par la nature.

Cette loi divine et éternelle est déûnie au sens le plus général par saint Thomas, I’II"*, q. gS, art. i : Lex aeterna nihil aliiid est quant ratio divinae Sapientiae, secundum quod est dlrectiva omnium actuum et motionum. En tant qu’elle règle en particulier les actes delà créature raisonnable, saint Augustin l’avait définie plus précisément. Contra Faustum, XXII, XXVII, P. L., lA, ! ii : Ratio divina vel voluntas Dei, ordinem naturalein conservari iubens, perturhari vetans.

La loi éternelle ne saurait atteindre efTicacement la créature raisonnable, qu’autant qu’elle est promulguée à son usage parlalumière delà raison. Cette communication intime de la loi éternelle constitue la loi naturelle, règle prochaine des actes humains, selon la définition de saint Tuomas, I" 11=’, q.91, art. 2 : Lex naturalis nihil aliud est quam participatio legis aeternæ in rationali creatura.

Les notions que nous venons de rappeler d’une manière synthétique sont fondamentales, non pas seulement du point de vue de la religion révélée, mais du point de vue de la droite raison. Elles n’en ontpas moins été obscurcies, et l’Eglise adù les aflirmer. Dans l’allocution consistoriale du 9 juin 1862, Pie IX s’exprimait ainsi : « Des partisans de doctrines perverses soutiennent que les lois morales n’ont pas besoin de sanction divine, qu’il n’est point nécessaire i]ue les lois humaines se conforment au droit naturel ou reçoivent de Dieu la force d’obliger, et ils alfirment que la loi divine n’existe pas. De plus, ils nient toute action de Dieu sur le monde et sur les hommes, et ils avancent témérairement <nie la raison humaine, sans aucun égard à Dieu, est l’unique arbitre du vrai et du faux, du bien et du mal ; qu’elle est à elle-même sa loi, et qu’elle suflit par ses forces naturelles pour procurer le bien des hommes et des peuples. Tandis qu’ils font dériver toutes les vérités de la religion de la force native de la raison humaine, ils accordent à chaque homme une

sorte de droit primordial, par lequel il peut librement penser et parler de la religion et rendre à Dieu l’honneur et le culte qu’il trouve le meilleur selon son caprice. » — Cf. 5) //o/xis (8 déc. 1 864), prop.2.3. 4.15.56 (Dbnzi.nger B., 1702. 1708. 1704. 1716. i ;  ; 56). Les vérités, atUrraées iciparPie IX, ont été constamment enseignées par l’Eglise. Ce sont les suivantes : 1" Il existe de véritables obligations morales, qui s’imposent à tous les hommes. 2° Ces obligations ne dépendent point de la manière de voir de chaque individu ni de la volonté de ceux qui ont lu force en mains, ni de la volonté des masses, mais des règles éternelles du bien et du droit naturel, c’est-à-dire des règles posées par la sagesse et la volonté de Dieu. 3° En vertu de ces règles, l’homme est dans la dépendance de Dieu, qui l’a créé ; il doit, par conséquent se soumettre à toutes les lois divines, même à celles dont notre raison ne voit pas la nécessité ; il doit accepter et pratiquer la religion qu’il a plu à Dieu de nous révéler et de nous imposer.

Ce n’est pas le lieu de démontrer ces derniers points ; nous ne nous occuperons ici que de la nature, de l’existence et des bases de la morale. Nous allons donc établir la vraie doctrine sur ce sujet, et ensuite exposer et réfuter les principales erreurs contemporaines qui y sont opposées.

I. La vraie doctrine sur la loi morale. —

Cette loi existe-t-elle ? Quelle en est la nature ? Comment la connaissons-nous ? Sur quels fondements s’appuie-t-elle ? Telles sont les questionsauxquelles nous allons répondre brièvement.

1° — La loi morale existe-t-elle ?

La loi morale peut se définir : la règle de nos actions libres, par rapport à notre un dernière. Selon qu’elles lui sont conformes ou non, elles sont bonnes ou mauvaises, méritoires ou déméritoires. Or, que cette loi existe, nous en avons pour preuves la conviction de tous les hommes, notre sens intime et diverses autres raisons.

Tous les peuples ont la notion du devoir moral.

« En restant rigoureusement dans le domaine des

faits, dit DE QoATRKFAGEs(r£.s/)èce /iHmfli ; ie, a" éd., Paris, 1877, ch. xxxiv, p. SSg), en évitant avec soin le terrain de la philosophie et de la théologie, nous pouvons aflirmer avec assurance qu’il n’est pas de société ou de simple association humaine, dans laquelle la notion du bien et du mal ne se traduise par certains actes, regardés par les membres de cette société ou de cette association comme moralement bons ou comme moralement mauvais. Entre voleurs et pirates même, le vol est regardé comme un méfait, parfois comme un crime, et sévèrement puni, la délation est taxée d’infamie, etc. » Après avoir rappelé que sir John Lubbock admet que le sens moral manque chez les sauvages, de Quatrefages montre que cet auteur s’est mépris ; il établit qu’on trouve dans les races les plus civilisées des actes non moins immoraux que ceux qu’on reproche aux sauvages, et chez les sauvages des vertus semblables à celles des Européens, puis il conclut :

« En résumé, s’ilestdouloureux de reconnaître le mal

moral eez les races, chez lesnationsqui ontportcau plushaut degré la civilisation sociale, il est consolant de constater le bien chez les tribus les plus arriérées, et de le voir, chez elles, avec ce ([u’il a de plus élevé, de plus délicat. Nulle part, lidenlité fondamentale dr la nature humaine ne s’accused’une manière plus évidente. » Tous les hommes reconnaissent donc l’existence de la loi morale.

Que si chacun de nous s’interroge lui-même, il ne pourra douter un seul instant que cette loi ne s’impose à lui. C’est elle qui souvent nous défend de