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1895

LIGUE CATHOLIQUE (LA SAINTE)

1896

Il est vrai que rinstruction, ajournée à juillet, était à longue ccliéance, et la conférence put discuter à loisir les conditions sous lesquelles la royauté du converti serait reconnue. L’archevêque de Lyon, orateur des catholiques, déclara qu’on devait attendre l’absolution du pape. G était l’aboutissant naturel de leur politique, endehors de toute arrière-pensée ambitieuse ou égoïste, et ils auraient renié leur passé, s’ils s’étaient contentés d’une simple bénédiction, comme le prétendaient les royalistes. La conférence se perdit en débats oiseux, mais les événements allaient leur donner raison.

Le 13 mai, l’ambassadeur espagnol, duc de Féria, présentait aux députés la candidature de l’infante Isabelle. Le sentiment national se réveilla aussitôt ; un ligueur exalté, l’évêque de Senlis, Guillaume Rose, réclama le maintien de la loi saliquc ; à deux reprises, le procureur général Mole requit le parlement de s’élever contre des prétentions injurieuses pour la monarchie. Le i"^ juin, le président Vêtus vint, au nom de Mayenne, exprimer devant les Etals le voeu que Navarre changeât de religion et le 3 ceux-ci le transmettaient aux royalistes, en exprimant le regret de ne pouvoir continuer les négociations avant la conversion reçue et approuvée par le pape. La réponse à cette lin de non-recevoir renouvelait la ferme résolution du roi de contenter ses sujets sur la religion, respect et obéissance à Sa Sainteté. Le aS, revenant à la charge, les royalistes suppliaient encore leurs adversaires, dans un appel pathétique, en bons amis, frères et compatriotes, de s’unir tous ensemble pour sauver l’Etat.

Les catholiques n’avaient plus qu’à attendre la parole de Home, mais ces avances produisaient à Paris l’elTet qu’en attendaient leurs auteurs. Les maladresses des Espagnols ne profitaient pas moins à la cause d’Henri IV ; ils proposèrent successivement l’élection de l’infante in soliduni avec l’archiduc Ernest d’Autriche, puis avec un prince français que leur souverain désignerait. Rien ne pouvait plus déplaire aux Français soucieu.x de l’honneur national, que de dépendre ainsi d’un roi étranger, odieux ou suspect. Le a8 juin éclata la protestation qui se préparait depuis un mois au parlement de Paris. Celui-ci rendit un arrêt contre toute manoeuvre attentatoire aux lois de la monarchie, la déclara par avance nulle et non avenue. Le 3 juillet, les Etats rejetèrent la dernière motion des Espagnols.

Ceux-ci firent alors patronner par le légat la candidature du jeune duc de Guise, mais Mayenne arrêta l’élection en objectant qu’elle ne pourrait aboutir que si le roi catholique l’appuyait de forces suffisantes. Les Etats ne tardèrent pas à se dissoudre. Le 25 juillet, Henri IV abjurait à St-lienis, et ses évêques l’absolvaient ad cautelam, oh nécessitaient, la guerre le mettant en perpétuel danger de mort. Le 31, la trêve était étendue à tout le royaume. Ces divers faits rendaient le converti maître de la situation.

Le pape en restait cependant l’arbitre, juiisque la sentence d’absolution réservait tous ses droits. Le 8 août, le roi lui écrivait une lettre autographe de déférence filiale, lui annonçant l’envoi d’une ambassade solennelle d’obédience, que dirigeait le duc de Ncvers. Glkmknt VlIIjugeala démarche insullisante et refusa de recevoir l’ambassade. Il exigeait que le roi sollicitât de lui une autre absolution, et donnât en attendant des signes sullisanls de pénitence dans sa conduite comme dans ses paroles. Le néophyte y condescendit de son mieux, supporta avec patience les rebuffades et les atermoiments do Homo ; il faisait ordonner par les parlements des i)rières publiques et processions pour le bien et repos du royaume. Les

secours lui venaient de ses ennemis eux-mêmes. En mars lôgi, le baron de Sennecey, conûdent et ambassadeur de Mayenne, eliargê par Clément VUI de lui présenter un mémoire sur la situation, lui démontrait que le bien de la religion exigeait qu’il reconni ! it Navarre, qu’un traité général pouvait seul lier ; autrement les catholiques s’accommoderaient avec lui chacun en particulier, sans souci de la religion.

De ce côté-ci, le mouvement était commencé et se précipitait : de notables ligueurs, Villeroy, Vitry, avaient donné l’exemple avec plus ou moins de fracas. Lyon se prononça dans une émeute, le ai février. Le sacre du roi â Chartres, le 27, lui amena la soumission d’Orléans, Bourges, Péronne, etc. A Paris, les modérés ou politiques, maintenant soutenus par le parlement ligueur, qui se mit à leur tête, avaient dès le i"’janvier redoublé leurs efforts, en appelant au roi et insistant pour la paix auprès de Mayenne. Le prévCit des marchands lui-même, Lhuillier, pratiquait nombre de personnes de qualité. Le gouverneur Brissac s’entendait avec les agitateurs, et le 22 mars des bourgeois introduisirent les troupes royales. Le roi promulgua une amnistie générale et y promit encore de vivre catholiquement. La Ligue lîerdait son foyer, son centre de résistance, avec l’appui des Espagnols que le roi renvoya, etdu légat qu’il ne retint pas. Les prévisions du baron de Sennecey s’étaient réalisées un peu partout, mais il restait encore des catholiques fidèles au programme ancien : ceux d’Abbeville déclaraient ne pouvoir j reconnaître le souverain, tant que le pape ne l’au- I rait pas admis. Ceux de Marseille difTéraicnt même’jusqu’à ce que celui-ci eut ratifié les clauses de son absolution, et n’ouvrirent leurs portes qu’en février 1696, le roi ayant déjà réalisé une partie de ces clauses. Mayenne, le chef du parti, s’était trop souvent réclamé de l’autorité pontificale pour ne pas attendre qu’elle eût prononcé en dernier ressort, son honneur et son intérêt à la fois y étaient engagés. Après avoir longtemps débattu les avantages personnels qu’il exigeait, il sollicitait, le 28 octobre iSgS, de Chàlons, les bonnes grâces du roi, et traitait comme chef de la maison de Guise, représentant des catholiques, en un mot d’égal à égal, au nom du gouvernement que la Ligue avait opposé au roi orthodoxe, puis au prétendant hérétique.

Le pape venait de réconcilier celui-ci avec l’Eglise. S’il avait tant tardé, nous savons pourquoi, niaisla mauvaise volonté gallicane, avec ses prétentions, lui en donnait un motif de jdus. Pour eux, l’absolution de St-Denis suthsait, ils avaient toujours aflirmé la nullité des excommunications de Sixte-Quint et de Grégoire XIV, et ne voulaient pas soumettre la monarchie au jugement d’une autorité étrangère. L’expulsion des Jésuites faisait éclater cette mauvaise volonté, de la part du parlement de Paris reconstitué. Tout cela compromettait la cause du roi en cour de Rome, mais on y était persuadé que le temps prouverait le sérieux et la constance de son retour, en tout cas consoliderait sa foi. Il s’agissait de chercher une combinaison qui permit de coneilier les droits du tribunal suprême de l’Eglise avec les ménagements dus au pouvoir temporel, à la dignité royale et à celle de la monarchie.

Clément VIII trouva lui-même le moyen terme : il pouvait admettre la validité de l’absolution de Saint-Denis, mais seulement pour la conscience et dans le cas de nécessité que les prélats y invoquaient. En vertu de cette distinction, il déclara valides tous les actes de religion que Henri IV avait faits depuis, ou qui avaient été accomplis pour lui et dans sa personne. Il consentit à ne ])as parler de réhabilitation, et renonça à tout ce qui marquait une