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1893

LIGUE CATHOLIQUE (LA SAINTE)

1894

Dreux, Orléans, Amiens, etc., — et la première de ces villes l’arrêta plus de deux mois l’année suivante

— sièges où le zèle des peuples, leur foi ne lui laisseraient que des monceaux de ruines à conquérir.

Il est vrai que l’inlervention étrangère, à laquelle on dut la délivrance de la capitale, apportait de nouveaux embarras aux catholiques ; elle prétendit faire payer ses services. Pris entre deux feux pour ainsi dire, manquant d’union, affaiblis par les ambitions privées, les charges de la guerre, les Ligueurs, ceux du moins que ne guidaient pas les mobiles temporels, ne purent que se retrancher derrière les exigences de la religion, ou s’appuyer sur les directions pontilicales. Ce fut de là que vint le salut et, au milieu du conflit de tant de passions et intérêts, l’intervention de Rome pouvait seule consommer l’œuvre d’union religieuse et politique basée sur la conversion de Henri IV.

Le nouveau pape, Grégoire XIV, estimant que l’équivoque ne pouvait se prolonger sans détriment pour le bien public, se décida à soutenir de tous ses moyens la cause catholique. Il lança un monitoire contre le roi de Navarre, en faisant à ses partisans un devoir de conscience de l’abandonner. Le document fut brûlé par ordre du parlement de Tours, qui déclara le pape hérétique, schismatique, ennemi de la paix, de l’Eglise catholique, du roi et de l’Etat, fauteur des rebelles, etc. (5 août 15gi). Procédés étranges, et bien gallicans, qui ne contribuaient guère à faire prendre au sérieux les assurances de conversion que donnait depuis deux ans celui pour qui on faisait tout ce tapage. Et l’édit de Nantes, du 6 juillet, renouvelant celui de janvier 1561 en faveur des hérétiques, était signé par quatre évêques ; une assemblée épiscopale tenue à Chartres prononçait la nullité du monitoire, le pape ayant été mal informé des affaires du royaume (i" sept), mais quand elle sollicita le roi de se faire instruire, elle n’obtint qu’une réponse évasive et dilatoire. Le nonce Landriano, qui restait fidèle à ses instructions de médiateur, vit sa tête mise à prix et sa mission proscrite et annulée comme perturbatrice de l’ordre public. On ordonna de courir sus au représentant de l’autorité papale.

Une armée pontificale fut chargée de faire exécuter le monitoire, et se réunit aux troupes espagnoles, dont le chef, Alexandre Farnèse, put commander en maître dans le royaume de France, surtout après qu’il eut contraint le roi de Navarre à lever le siège de Rouen. Les exigences de l’étranger s’accroissaient encore de l’affaiblissement que les divisions apportaient dans le parti catholique. Les exaltés ou les Seize jetaient Paris aux pieds des Espagnols, et se soulevèrent contre les modérés ; il en coûta la vie au président Brisson et à deux conseillers du parlement. Maj-enne fit exécuter quatre de ces agitateurs ; mais ce coup de vigueur mit le comble à son impopularité (fin lôgi). Incidents déplorables, qui rendaient irrésistible le désir d’une prompte solution.

En amenant son armée de secours, Farnèse, avec les ambassadeurs qui l’accompagnaient, révéla les conditions auxquellessonconcoursétait subordonné : assurer le royaume à l’infante, fille de Philippe H et d’Elisabeth de France (janvier 1692). Mayenne chercha à gagner du temps ; il fallait suspendre la loi salique, ce serait difficile, d’autant qu’on ne pouvait convoquer de suite les Etats généraux, qui seuls devaient prendre cette mesure. Les Espagnols travaillèrent alors pour leur compte, répandirent l’argent à profusion, gagnèrent le capitaine Saint-Pol, qui commandait à Reims, des habitants de Paris et de seize autres villes. Lyon, Rouen, Orléans, etc., qui envoyèrent des adresses à Philippe II, le priant de

prendre leur ville sous sa protection. Mayenne fit alors ouvrir des négociations avec l’ennemi par Villeroi, son principal ministre. Elles continuèrent sans résultat, après la retraite des Espagnols ; finalement Navarre se décida à envoyer au pape Clément Vlll une lettre qu’emporta le cardinal de Gondi, et qui annonçait son intention dese faire instruire (octobre) dans le plus bref délai. Après les odieux traitements qu’on avait infligés aux actes de Grégoire XIV, lettres et promesses devenaient plus qu’insuffisantes. N’y avait-il pas d’ailleurs quelque inconvenance à ce qu’un prince de l’Eglise se fit le mandataire d’un hérétique ? Le cardinal ne fut pas admis à Rome.

Cependant le pape demandait au duc de Nevers des explications sur les espérances qu’il y avait de voir Navarre se convertir. Il ne décourageait pas les ambassadeurs qui venaient lui recommander la candidature de Mayenne, pressait les Ligueurs de toute manière de se décider dans un sens ou dans l’autre. Il comptait avant tout sur les Etats généraux, mais ne s’opposait pas à une entente entre les diverses fractions de catholiques. Bref, tous ses efforts se concentraient à empêcher que Navarre fût reconnu avant sa complète conversion.

En réalité, la solution avançait : tous la désiraient, parce qu’on était las de la guerre ; le temps, les négociationsrécentes prolongées des mois, des contacts multipliés avaient comblé l’abîme qui séparait les partis. Mais aussi, les modérés de part et d’autre, ceux que choquaient les prétentions espagnoles, s’étaient rapprochésles deux dernières années, groupés en un parti national, le tiers parti, qui proposait, après avoir sommé une dernière fois le prétendant, de choisir à son défaut un catholique de sa maison, le cardinal de Vendôme. Simple combinaison ébauchée, le mouvement en resta à des ouvertures, à des échanges de viies, mais c’en fut assez pour jeter le désarroi chez les anticatholiqpies et dans l’entourage du Béarnais.

A Paris, l’attitude de la population avait changé, et les Espagnols n’y comptaient plus qu’un petit nombre de partisans. Le parti modéré, ayant à sa tête d’Auhray, travaillait à leur ruine : des assemblées populaires, dans treize quartiers sur seize, suppliaient Mayenne de donner un souverain à la nation, de semondre mèmele roideNavarre.Lamanifestation se propageait parmi les corps constitués, parlement, cour des comptes, en présence du lieutenant général, et celui-ci se décida à convoquer les Etats généraux.

La présence à Paris de députés de diverses provinces, qui n’avaient pas épousé les passions et rancunes soulevées depuis dix ans. facilita encore les contacts, ainsi que les manœuvres du tiers parti. Aussi, quand Navarre vit les Etats en disposition de lui opposer un concurrent, il se décida à faire quelques avances qui prépareraient l’opinion publique à sa conversion. Dès les premières séances, le 26 janvier 169.3, les royalistes, sur son agrément, proposèrent aux Etats une conférence où l’on discuterait les moyens de terminer les troubles et d’assurer le maintien de la religion. Bien que la démarche eût pour but d’empêcher l’élection, d’annuler l’autorité des Etats, les députés acceptèrent et les conférences s’ouvrirent à Suresnes le 29 avril. Le 16 mai, le Béarnais annonça à son conseil la résolution de se faire instruire, et il en prit immédiatement les moyens : il invita même plusieurs curés de Paris à venir l’éclairer de leurs lumières, et quelques-uns répondirent à l’appel. Une trêve, qui fut renouvelée indéfiniment, préparait les populations à désirer une paix définitive.