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LIEUX SAINTS (AUTHENTICITÉ DES)

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avec une ingéniosité peul-olre excessive, que le lit sur lequel était morte Marie aurait été conservé dans une sorte de « musée religieux » annexé à l’église de Sion, et aurait fait attacher à la salle elle-niême le souvenir de la mort de la Vierge.

V. Le Prétoire et la Voie douloureuse. — L’exercice du CUemin de laOoixest aujourd’hui, de toutes les pratiques de dévotion en l’honneur de la Passion, la plus répandue et la plus olliciellement consacrée par 1 Eglise. Mais c’est à son sujet surtout qu’il faut rappeler la distinction capitale que nous taisions plus haut entre l’approbation donnée à la pratique pieuse et l’approbation de la tradition historique qui la fonde. Aucun document quelconque ne prouve que l’Eglise ait entendu engager son autorité au sujet de cette dernière.

La discussion historique touchant le Prétoire et la Voie douloureuse est la plus délicate et la plus compliquée de la question des Lieux Saints. Il nous est impossible de l’entreprendre ici dans tous ses détails ; dans le Dictionnaire de la Bible de Vigouroux, Mgr Lkgendre a résumé en un excellent article l’état de la question et les principales données documentaires. (T.V., col. 621-63g.) Nous nous bornerons ici à suivre l’évolution de la tradition, en indiquant les sources auxquelles on devrait se reporter pour une discussion plus minutieuse.

Pendant toute la scène du jugement chez Pilate, les Juifs restent hors du Prétoire (/o., xviii, 28.38 ; XIX, 4) ; c’est hors du Prétoire aussi que se trouve le tribunal du Procurateur,.^ij/ja (Jo., xix, 13 ; Mt., XXVII, ig), en un lieu élevé (Gabbatha), et dallé (Lithoslrotos ) (fo., XIX, 13). C’est à l’intérieur du Prétoire au contraire que Pilate entre par deux fois avec Jésus pour l’interroger (./o., xviii, 33 ; xix, g) ; c’est également à l’intérieur du Prétoire, éîw t/ ; ç aù/ » ï ; , 5 imiv T.pyAT’Sipio’j (Me, XV, 16 ; cf. jW/., xxvii, 27), que les soldats emmènent Jésus pour le couronnement d’épines.

L’Evangile nous raconte dans un grand détail les scènes qui se sont déroulées au Prétoire, mais ne nous donne aucune indication pour situer celui-ci dans Jérusalem. On sait que la tradition actuelle le localise à l’angle N.-O. du Temple, à la forteresse Antonia. D’autres auteurs désignent l’ancien palais d’Hérode, sur la colline occidentale ; d’autres enfin placent le Prétoire quehiue part sur le versantE.de la vallée centrale de Jérusalem.

L’opinion qui le place au palais d’Hérode s’appuie surtout sur ce fait que celui-ci a été en réalité plusieurs fois la résidence des procurateurs Homains : Sabinus, en l’an 4 (Josûpiie. B. J., Il, 11, 2 ; A. /., XVII, IX, 3), Gessius t’Iorus en 66 (fi. J., II, xiv, 8). Mais il resterait à prouver que l’habitation de Pilate à Jérusalem doit être nécessairement identifiée avec le Prétoire oii il jugeait : de plus, nous savons par Josèphe (B. J., V, v, 8) qu’IIérode avait fait si magnifiquement aménager l’Antonia, qu’elle était à la fois palais et forteresse. Enfin et surtout, la tradition ancienne tout entière est contre la localisation du Prétoire au palais de la colline occidentale.

En 333, le Pèlerin de Bordeaux écrit : « Inde ut eas foris ruurum de Sion, euntibus ad porta Neapolitana, ad partem dextram deorsum in valle sunt parietes, ubi domus fuit sive prætorium Ponti Pilati. » (Ed. Geyer, p. 22.) Quinze ans après, saint Cyrille connaissait encore l’emplacement ; mais, sans le désigner topographiquement, il nous le représente comme désert et abandonné (Catech, , xiii, 39, P. G., XXXIll, Sao A).

Une église pourtant y fut bfttie dès le v’siècle

(cf. la Vie de Pierre libérien.

488, éd. R. Raabe,

Leipzig, 1895, texte syriaque, p. gg, trad. p. g4. — ou trad. CiiADOT, /{. de l’Ur. lai., 1896, p. 381-382). Elle était sous le vocable de l’Ilagia Sopliia. Théo-DosK, vers 530, la vil, et la place à rai-route entre la maison de Caïplie et la Prol)atique(vii-viii, éd. Geyer, pp. 141-142). La basilique disparut, sans Ijiisser de traces, au vii^ siècle, lors des invasions persane et arabe : l’itinéraire d’ANTONiN la signalait encore vers 570 (xxiii, éd. Geyer, p. 176) ; un siècle plus lard, Arculfe ne semble plus l’avoir vue, non plus que WiLLiBALD d’Eiciistabtï vcrs 726. Puis, le souvenir même de son emplacement se perd si bien qu’on ne l’a pas encore retrouvé. Après le Conimemoratorium de casis Dei, au début du ix" s. (éd. Tobler-Molinier, p. 301), un bon nombre des pèlerins des siècles suivants placent le Prétoire à Sion, près du Cénacle et de la maison de Caiphe : ainsi Vlnnoininatus VII, vers 1140 (éd. Tobler, p. io3-io4), Jean de WlkzisoURG, vers 1165 (ih., p. 138-141), Epipuane l’Haqioi-oLiTE, à la fin du xii" s. (P. G., CXX, 261), et d’autres encore.

Quelle fut la raison de cette localisation bizarre ? Fut-ce, dans Ju., xviii, 28, la leçon « ad Caïpham in prætorium », qui tourmentait déjà saint Augustin (In Jo., cxiv, I, P. /,., XXXV, ig36 ; — De consens. Etang., lii, VII, 27, P. L., XXXIV, 1174), et subsistait encore au temps de saint Thomas (In Jo., xviu, g) ? Peut-être, mais probablement aussi la tendance à grouper commémorativement autour de l’église de Sion des souvenirs dont la localisation précise s’était perdue.

Même à celle époque, cependant, quelques auteurs continuent à placer le Prétoire dans la direction de l’Antonia : ainsi, v. Il 15, l’higoumène russe Daniel (éd. de Norofl’, p. 2g), v. 1281, Ernoul (xxii, éd. Michelanl-Raynaud, p. 49). Depuis la fin du xiii’s., c’est cette opinion qui a définitivement triomphé : cf. RicoLDo DE Monte Croce (vi, éd. Laurent, p. Il 1112), Marino Sanuto, etc.

Il faut donc avouer que la tradition actuelle du Prétoire à l’Antonia n’est vieille que de 600 ans ; les plus anciens témoignages lui semblent contraires ; du viiauxiii’s., la tradition est perdue ou s’égare ; et beaucoup des pèlerins de cette époque, attentifs aux moindres souvenirs, ne parlent même pas du Prétoire. Ajoutons que, même au moment où la localisation est approximativement fixée au N -O. du Temple, on place le Prétoire, non à l’Antonia actuelle, mais plus au N.. de l’autre côté de la rue : ainsi Ernoul, et, encore en 1486, Brbydknbach ; de même aussi, parmi les plans publiés par Roehrieht, ZDPV, XXI, II, 1898, les n" 4, 8, 10.

Resterait à discuter les données archéologiques. On les trouvera exposées dans Clermont-Ganneau, Archæological researches, I, pp. 49-77, — Wilson et Warren, Becoi’ery of Jerus., pp. ig8-203. que l’on pourra compléter, avec quelques précautions, par la première partie du livre du P. Barnabe d’ALSACB (Meistermaxn) : f.e Prétoire de Pilate et la forteresse Antonia, Paris, igoa. En somme, l’archéologie, pas plus que l’histoire, ne nous fournit une solution certaine. Il semble néanmoins plus probable qu’au temps de N.-S. la seconde enceinte suivait à peu près la Voie douloureuse actuelle pendant lés six premières stations. Il s’ensuivrait que l’Arc dit de l’A’cce Homo, s’il était contemporain de Jésus, se serait trouvé dans le fossé de la citadelle, dont la contrescarpe est encore nettement visible dans l’église des Dames de Sion ; par conséquent, il « est bien postérieur à la mort du Christ, et n’a pu jouer aucun r(Me dans les épisodes sanglants de sa Passion » (Db Vooiié. le Temple de Jérus., Append., p. 120 ; — cf. P. P. H. Vincent, et F. M. Abbl : Jérusalem, t. II,