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LIEUX SAINTS (AUTHENTICITE DES)

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Il y aurait encore un mot à ajouter sur ce qui subsiste encore au juste du terrain ou du rocher contemporain de Jésus. Le petit massif du Golgotha est encore facilement reconnaissable. Constantin, en l’isolant, en accentua plutôt la saillie, tout en nivelant sans doute le sommet pour obtenir une plateforme (cf. DE VooiiÉ, Eglises Je Terre Sainte, p. 135). Quant au Sépulcre lui-même, il a subi des remaniements beaucoup plus considérables (de VoGiiii, Oj>. cit., p. 12^ sq.) ; et il faut avouer que peu de chose en a subsisté jusqu’à nous (P. P. H. Vincent et F. M. Abel :.lérusalem, t. 11, fasc. 1-2 ; pp. 181-189). Sbfp (Jérusalem, t. I, p. 501) nous rapporte le témoignage du P. Paul de Moketa, Franciscain, qui, un des derniers, put se rendre compte de l’état exact des lieux en 18 ]0, avant la dernière reconstruction de l’édicule : « Du roc primitif, dit-il, il ne reste plus aujourd’hui qu’un morceau dans la Chapelle de l’Ange (vestibule du S. Sépulcre), plus la saillie, haute d’à peine deux pieds, que cache le revêtement de marbre du sépulcre lui-même et où le roc présente un creux d’un pouce de profondeur. Toute la chapelle du sépulcre, avec la porte où se lit la date de 1810, est en maçonnerie, et n’a gardé que la forme de la caverne primitive taillée dans le roc. »

IV. Le Cénacle. — De Vogué dit en parlant du Cénacle : « La tradition qui fixe sur le mont Sion l’emplacement du Saint Cénacle est une des plus anciennes et des plus authentiques de toutes celles qui donnent un nom à chacun des points de la Ville Sainte. (Eglises de T. S., p. 822.) Et Sanday, qui, au sujet du Saint Sépulcre, ne concluait qu’à une grande probabilité, écrit en parlant du Cénacle : « Je crois que, de tous les Lieux Saints, c’est celui qui possède en sa faveur les plus forts arguments, à tel point que, pour ma part, je me sens disposé à y donner une adhésion sans réserve. » (Sacred sites, p. 77). Et il ajoute plus loin fort justement (p. 81) :

« Il faut nous rappeler qu’il ne s’agit pas ici d’un site

enfoui ou caché, mais d’un lieu bien visible, et fréquenté d’une manière constante par les chrétiens. »

De fait, il n’y a pas à proprement parler à démontrer l’authenticité du Cénacle, mais plutôt à la préciser.

Une critique tant soit peu maussade commencerait peut-être par dire que l’accumulation des souvenirs est une présomption contre leur authenticité. En fait, à en croire les pèlerins, on a vénéré dans la basilique de Sion, à un moment ou à l’autre, les reliques les plus diverses : colonne de la flagellation, couronne d’épines, pierre angulaire, tombeau de saint Etienne et pierres de sa lapidation, tombeaux de David, des Rois, de Siméon, de Gamaliel, de Nicodcme, etc. Nous laisserons de côté ces points secondaires, du reste oubliés aujourd’hui, et qui n’ont jamais eu pour eux aucune tradition ecclésiastique officielle. Tenons-nousen aux trois grands souvenirs : la Cène, la Pentecôte, la mort de Marie.

D’après l’Evangile, Jésus célébra la dernière Cène et institua l’Eucharistie dans la salle haute (md-/ « i^-j /U/v., Me., XIV, 15 ; te., XXII, 12) de la maison d’un de ses disciples : c’est aussi dans une salle haute (ri Cmp’Zo-j, Act., I, 13)quese retirèrent les disciples après l’Ascension, et que descendit l’Esprit Saint le jour de la Pentecôte (Act., ii, i). L’Ecriture afTirme-t-elle l’identité de ces deux salles ? Le texte des Actes semble l’insinuer, en appelant le lieu de la Pentecôte To ÛTTî^wwavec l’article, comme un endroit précédemment connu. L’argument est sérieux, sans être péremptoire, car il se peut que saint Luc veuille indiquer, par l’article, non un lieu connu des Apôtres, mais le lieu de la Pentecôte, connu de ses lecteurs.

Que la maison où était descendu l’Esprit Saint, appartenant à un disciple et à un ami, ait continué à être le premier sanctuaire chrétien, rien de plus vraisemblable. Saint Epiru.XB (De mensuris et ponderihiis, xiv, P. C.XLIII, 260) nous atteste qu’au temps d’Hadrien, parmi les rares édifices restés debout sur le Sion, était « une petite église chrétienne, bâtie sur le lieu où les disciples, après lvsccnsion du Sauveur, s’étaient retirés dans le Cénacle ». Saint CvHiLLE nous dit (Caiech., : syi, ! , P, G., XXXUI, 92^^ que la Pentecôte eut lieu à Jérusalem, iv -zf, muzifiv 7ÛV à-o3To>cov l/./’/r, <t(y., qui existe encore de son temps, vers 350. Après ces deux premiers témoignages, la tradition donnant le Cénacle comme lieu de la Pentecôte se laisse suivre sans interruption.

La tradition touchant la Cène est moins ancienne et moins ferme. Le plus ancien témoignage est peut-. être celui de la Didascalie d’Addai, syriaque : « De là (après l’Ascension), les disciples revinrent et se j rendirent à la salle haute, celle dans laquelle N. S. avait célébré la Pàque avec eux. Il (C. i, p. aaij, trad. Naii, Paris, 191a.) Pierbe de Sébaste, mort en 892, donne la « chambre haute de Sion » comme celle où Jésus avait célébré la Pàque et était apparu ressuscité à ses Apôtres (édité par J. Marta, Témoignages arabes sur les Lieux Saints de Palestine, dans Al Machriq, Juin 1902, p. 481). Hésychius, vers 420, place à Sion, sans préciser beaucoup, la Cène et l’institution de l’Eucharistie (/ « Ps. cix, 2, P. G., XCIll, 1324 ; Serm., viii, ibid. 1^80). Témoignages non sans valeur, mais qui sont contrebalancés par le silence de Cyrille, de Jérôme dans VEpitaphium Paulae, et de la Pcregrinatio Silviae, d’après laquelle (xxxix, 5, éd. Geyer, p. 92 ; — xLiii. a. 3, p. 98) les offices commémoratifs des apparitions de Jésus el de la Pentecôte se faisaient à Sion, mais l’office du Jeudi Saint à r.

astasis et au mont des Oliviers

(xxxv, p. 85). Des itinéraires du vi’S., Thkodose (x, éd. Geyer, p. 1^2), le Breviarius de Iliernsolyma (p. 155), Antonin de Plaisance (xvii, p. 170), localisent eux aussi la Cène au mont des Oliviers ; erreur évidente d’après l’Evangile, mais qui témoigne au moins d’un flottement dans la tradition. Nous ne trouvons celle-ci délinitivement fixée à Sion que depuis.Vrculfk, en 670 (éd. Geyer, p. 244) Quant à la mort de Marie, les données historiques sont plus rares encore et plus tardives. On sait que les témoignages authentiques et anciens sur ses dernières années font défaut. Les premiers qui placent sa mort à Sion semblent être quelques apocryphes, de date douteuse, peutêlre du v" siècle (cf. C. Burdo, La Ste Vierge et les apocryphes. Eludes, CVIII, 1906, pp. 620, Caà). Il faut descendre ensuite jusqu’à Slo-DKSTE, patriarche de Jérusalem de 61 1 à 634 (Tnconi. in fi. V., IV. IX, P. 6’., LXXXVI, 3288, 3300), et à son successeur saint Sophuone (Anacreontica, xx, 63-66, P. G., LXKXVIl, 38ai). Parmi les pèlerins, c’est encore Arculfe qui, en 670, unit le premier la Dormition de Marie à la Cène et à la Pentecôte ; et, depuis le vin’siècle, la tradition semble établie. Que conclure ? L’authenticité du Cénacle comme lieu de la Pentecôte semble indubitable ; comme lieu de la Cène, elle est traditionnellement moins certaine, mais semble assez probable, d’après Acl., i, 13, et d’après la vraisemblance intrinsèque. Quant à la Dormition de Marie, rien de sérieux ne s’y oppose, mais rien ne permet de l’affirmer. La fixation de ce souvenir au Cénacle peut être due à la confusion entre Marie mère de Jésus et Jean l’Apôtre d’une part, et Marie mère de Jean Marc et Jean Marc, que l’on a souvent désigné comme le disci[)le propriétaire du (Cénacle. Le P. Lagrangr (La Dormition de ta S. J’. et la maison de Jean Marc, /JBjiSgg, p-Sg^) suppose.