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que des décrets disciplinaires, censurant ou proliibant certains ouvrages ; elle est incompétente pour qualilier une doctrine.

Il l’aut faire ici une remarque importante : les considérants de tous les décrets, quels qu’ils soient, ne font jamais partie intégrante et essentielle du décret ; ils expriment l’esprit du législateiu-, ses motifs d’agir ; ils n’expriment pas sa volonté. Les considérants peuvent donc être erronés et la sentence rester obligatoire ; ils peuvent être d’ordre doctrinal et la sentence demeurer purement disciplinaire.

Ceci posé, quelle adhésion est due par les fidèles à ces dififérentes sortes de décrets ?

Aux décisions doctrinales duSouverain Pontife qui ne sont pas des décisions infaillibles, tout fidèle doit, d’obligation stricte, l’adhésion intérieure.

Aux décrets doctrinaux du St.-Office approuvés in forma speci/ica, nous devons naturellement, la même adhésion qu’aux décrets précédents, puisqu’ils n’en ililTérent pas.

Quant aux décrets doctrinaux du St.-Office, approuvés in forma communi, nous leur devons, proportion gardée, un assentiment intérieur de même genre que celui que nous devons à ces mêmes décrets pontificaux.

Enfin, aux décrets disciplinaires est due l’obéissance extérieure.

Une difficulté spéciale peut se présenter au point de vue de l’adhésion intérieure qui est due aux décrets doctrinaux non infaillibles ou aux décrets du St.-0 ! iicc approuvés in forma communi, lorsqu’il se présente c’.cs doutes sur la doctrine imposée.

Dans le cas de simple difficulté, la présomption reste en faveur de l’autorité. Si quelqu’un avait des raisons sérieuses de douter, il pourrait proposer ses doutes, mais il devrait, néanmoins, continuer à incliner son jugement du côté de l’autorité.

Si enfin il arrivait qu’un fidèle eîit l’évidence objective de la vérité d’une proposition réiirouvée ou de la fausseté d’une proposition jugée vraie, il est clair qu’il ne pourrait plus accorder à la décision doctrinale aucune adhésion intérieuie ; mais il devrait encore garder à son sujet un silence respectueux.

1° Valeur des décrets de 1616 et de 1633. — Examinons d’abord la valeur canonique des décrets proprement dits.

Le décret rendu par la Congrégation de l’Index, le 5 mars 1616, est de soi un décret discipUnaire.

Le décret rendu par le St.-Oflice, le 22 juin 1 633 est également un décret disciplinaire. Sur ce point, aujourd’hui, l’accord est fait : ce décret a seulement pour but de condamner un livre et son auteur.

A ces décrets il n’était dû, par conséquent, qu’une obéissance extérieure.

Quel est, en second lieu, le sens et la portée des considérants motivant ces décrets ?

Le considérant unique du décret de 1616 est celui-ci : La doctrine du mouvement de la terre, fausse et contraire à l’Ecriture, se répand et fait courir des dangers à la foi catholique’… » C’est un considérant d’ordre doctrinal.

Les deux considérants du décret de 1633 sont les suivants : i" Galilée a cru et tenu une doctrine fausse et contraire à l’Ecriture ; 2° Galilée a soutenu que l’on peut défendre une opinion comme probable, après même qu’elle a été déclarée contraire à l’Ecriture^… » Ce sont des considérants doctrinaux.

Ces considérants n’empêchent pas les décrets de rester disciplinaires.

A ces décrets, Galilée, comme tout fidèle, devait

1. Gai. e. riiKj.. p. 63.

2. Gai. e. Vlnq, , p. 145.

obéissance extérieure complète ; il ne pouvait donc ni enseigner le système de Copernic, ni publier des ouvrages pour le défendre.

Les décrets disciplinaires, n’ayant pas pour but de qualifier)ine proposition ou une doctrine, ne peuvent le faire olficiellement. On peut cependant se demander quelle note théologique les auteurs des décrets de 1616 et de 1633 associaient, dans leur esprit, au système de Copernic. La chose n’est pas évidente ; il seudile pourtant ressortir de l’examen des divers documents annexés aux décrets, que le système de Copernic était considéré comme hérétique’.

Aujourd’hui le mot hérétique a un sens très net : il n’est strictement api)licable qu’à quiconque nie une vérité de foi définie, c’est-à-dire une vérité révélée et proposée comme telle par l’Eglise enseignante ; dans un sens plus large il peut cependant s’entendre de celui qui nierait une vérité de foi divine, c’est-à-dire une vérité révélée, mais non officiellement proposée comme telle. A l’époque de Galilée, ces deux sens n’étaient peut-être pas toujours aussi nettement distingués. En tout cas, c’est évidemment dans le sens large que l’opinion de Galilée était taxée d’hérésie. Les qualificateurs de 1616 et lesjuges qui adoptèrent leurs conclusions, crurent que cette proposition Sol sietit, entendue au sens propre, était une proposition de foi divine ; en cela ils faisaient erreur, puisque celle proposition, bien que révélée, ne l’est que dans son sens métaphorique. Mais, pour eux, Galilée était hérétique, puisqu’il niait précisément, dans son sens propre, sans motifs suflisants. cette proposition révélée. Si Galilée fut condamné seulement comme suspect d’hérésie, ce n’est pas que ses juges doutassent de la fausseté de sa doctrine, mais c’est que la preuve juridique n’était pas faite que l’accusé eût réellement adhéré à cette doctrine.

Notons encore que, outre les décrets officiels dont nous avons parlé, il existe un document d’ordre privé qui concernait Galilée seul : nous voulons parler de la défense qui lui fut faite, en 1616, par les commissaires du St.-Office, sur l’ordre de PaulV. Cette défense, bien que de la catégorie des actes administratifs, obligeait Galilée en conscience ; de plus. Galilée avait promis expressément d’y être fidèle. Ce n’est donc pas sans motif que l’acte d’accusation de 1633 relève la transgression de cet ordre.

Avant de terminer l’examen delà question canonique, il nous reste quelques mots à dire de l’acte d’abjuration qui fut imposé à Galilée et qu’il dut lire et signer devant les Inquisiteurs, après avoir entendu prononcer leur sentence. Dans cet acte, Galilée déclarait considérer le système de Copernic comme hérétique, en tant que contraire à l’Ecriture ; il regrettait de l’avoir enseigné malgré les défenses qui lui avaient été faites et prolestait de sa soumission filiale à l’Eglise. Cette alijuration n’a rien qui puisse choquer : le prévenu, pendant toute la durée de son procès, avait protesté de l’orthodoxie de ses intentions, atlirmé que, s’il avait enseigné une doctrine considérée comme hérétique, c’était que les mots l’avaient trompé et que, dans l’ardeur delà discussion, il avait dépassé sa pensée intime. En signant un acte dans lequel il ne faisait que répéter ces affirmations et regretter les préventions d’hérésie relevées contre lui, Galilée était conséquent avec lui-même et donnait au

1. Nous parlons des auteurs dos décrets, exclu : ml, parle fait, les Souverains Pontifes Paul Y cl Urbain VIII. qui n’en sont pas les auteurs juri’liquement resjionsables. Quelle étnît la pensée personnelle du Pape Urbain Vfll sur ce point de la note à attribuer an système de Copernic ? La chose n’est pas nette, el les diverses paroles prononcées par lui peuvent s’entendre dans des sens assez différents.