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GALILEE

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coperniciennes exposées dans le Sidereiis A’unciits un écrit intitulé Diaiioia astronoinicn, dans lequel il rejetait ces idéesau nom de la tradition. Nous avons dit plus haut comment, en 1613, Galilée réfuta Sizi dans sa lettre au P. Castelli, puis, en 1615, dans son opuscule à Christine de Lorraine. Après avoir montré, dans ce dernier ouvrage, que c’est une erreur de vouloir toujours prendre les paroles de l’Ecriture au pied de la lettre, l’auteur exposait les raisons pour lesquelles elle adopte le langage comuiun et concluait, avec plusieurs Pères et docteurs, qvi’il était très naturel que les auteurs sacrés aient employé le langage des apparences, en parlant du soleil.

Le fond de ces idées étaient juste et sage ; si quelques expressions manquaient de clarté, on ne pouvait guère en faire un crime à Galilée, qui n’était pas théologien de profession. On s’en rendit compte à Rome ; mais des adversaires du grand homme n’eurent point la même modération et interprétèrent ses expressions dans un sens défavorable ; d’autres, bien intentionnés pourtant, se crurent obligés en conscience de signaler l’auteur à l’autorité ecclésiastique ; Galilée lui-même mit cette autorité en mesure de se prononcer.

Du moment qu’il s’agissait de l’interprétation des textes de l’Ecriture, l’Eglise pouvait didicilcment ne pas intervenir, alors surtout que l’on en référait à son magistère. Ses décisions constituent le fond du procès de 1616.

La question, à cette époque, présentait deux aspects bien différents :

I" Le système de Copernic est-il suffisamment prouvé pour qu’il y ait lieu d’abandonner le sens traditionnel des textes de l’Ecriture qui lui semblent opposés ?

a" Supposé que ce système doive être admis, quelle est l’interprétation qu’il conviendrait de donner aux textes ?

Si quelques esprits outranciers voulaient a priori maintenir le sens propre des passages discutés, d’autres, plus clairvoyants, se rendaient compte de la nécessité qu’il y avait à séparer ces deux questions et à répondre à la première avant d’aborder l’autre. Le 12 avril 1615, le cardinal Bellarmin écrivait à Foscax’ini :

« Je dis que, s’il y aune vraie démonstration

que la terre tourne, alors il faudra apporter beaucoup de circonspection dans l’explication des passages de l’Ecriture qui paraissent contraires et dire que nous ne les entendons pas, plutôt quede déclarer faux ce qui serait démontré. Mais je ne croirai pas à l’existence d’une pareille démonstration, avant qu’elle m’ait été faite et, dans le cas de doute, on ne doit pas abandonner l’interprétation traditionnelle’. » Le P. Grienberger, Jésuite du Collège romain, disait de son côté à Mgr Dini, un ami de l’astronome :

« QueGalilée nous apporte d’abordquelques preuves

scienliliques convaincantes ; il lui sera ensuite loisible de parler de la Sle.-Ecriture^. » Tout ceci était fort juste, car c’est un principe fondé en raison qu’il ne faut s’écarter du sens ])ropre que lorsqu’on a des motifs positifs de le faire.

Nous pensons l’avoir suffisamment montré, le système de Copernic était loin de se présenter, à l’époque dont nous parlons, avec des garanties seientiliques sérieuses ; il se présentait même assez défavorablement. Dès lors, à juger la première question du point de vue auquel se plaçaient les juges de 1616, onne pouvait lui faire qu’une réponse négative. Du moment que le principe de l’emploi du lan 1. Op. Gal., l. XII, p. 171.

2. On pourrait, sur ce point, accumuler les références. Citons ; Op. Gal., t. VUl, p. 366, 375.

gage courant, par les hagiographes, n’entrait pas en ligne de compte, il eût été irraisonnable et antiscientilique d’abandonner le sens reçu pour un sens que rien ne semblait juslilier. On peut en dire autant pour les juges de 1633 et leur manière d’interpréter les textes : les probabilités apportées alors par Galilée ne constituaient pas encore des preuves suffisantes.

Ajoutons que, I)ien qu’on répondit négativement à la première question, on faisait à la seconde une réponse fort correcte. Sur ce point, tout le monde est d’accord.

De tout ce qui précède, il semble que l’on puisse conclure ceci : les théologiens, dont les consultations furent la base des décrets de iC16 et de 1633, eurent tort de ne pas appliquer au passage discuté le principe formulé par St. Augustin et St. Thomas, à savoir qu’en ce qui concerne les choses de la nature, les données de la Hihle ne doivent pas être prises avec une rigueur scientifique. Leur erreur, du reste, est assez excusable ; on pourrait même dire que l’engoûluent péripaléticien de l’époque, sans ])arler d’inévitables rivalités personnelles, la rendaient prati(iuement insurmontable.

IV

QUESTION CANONIQUE

I* Nature de la question’. — Les objections populaires, faites à l’Eglise à propos de Galilée, se tirent des circonstances extérieures du procès ; elles sont peu sérieuses. Plus graves sont les objections que les gens instruits formulent à propos de la valeur juridique des décrets de 1616 et de iG33. Il importe donc de préciser la question et de rappeler certaines notions théoriques sur la valeur des décisions de l’Eglise.

Le Souverain Pontife peut promulguer deux sortes de décret : les uns, infaillibles, sont des décisions e.r cathedra : les autres, tout en étant des documents pontiûcaux, ne portent pas un jugement déûnitif et absolu.

L’Eglise représentée par ses évéques, sous la présidence du pape, i^eut promulguer des décrets conciliaires qui jouissent également du privilège de l’infaillibilité.

De plus, l’Eglise enseignante peut également, par la voix du magistère ordinaire, imposer des vérités d’une manière infaillible.

La Congrégation du St.-Offîce peut rendre deux sortes de décrets : décrets doctrinaux ou décrets disciplinaires. Les décrets (/oc(ri>ia » j’renferment les décisions de la Congrégation sur un point ayant trait au dogme ou à la morale ; ils sont toujours soumis à l’approbation du pape, lequel est, de droit, préfet de la Congrégation. Celui-ci peut les approuver in forma conimuni ou in forma specifica. Si le décret est simplement approuvé dans la forme commune, il est et reste un décret de la Congrégation, ni plus ni moins. Au contraire, l’approbation en forme spéciale transforme la décision en un acte pontifical, dont le pape devient juridiquement responsable, mais qui n’est pas infaillible pour autant.

Les décrets disciplinaires du St. -Office, de beaucoup les plus fréquents, n’ont jamais pour but de qualilier une doctrine, mais seulement de faire acte de police doctrinale, en iirohibant un ouvrage ou une catégorie d’ouvrages, ou en condamnant personnellement un individu.

La Congrégation de l’Index ne peut promulguer

1. Cf. L. Choupin, Valeur des décisiom doctrinales et disciplinaires du St.-^iège, Paris, lyu".