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LAICISME

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uncauloritc ? Mais une aulorité qui promulffue des lois, en assure l’exécution et réprime Us délils, goiiveriic. Or, là où quelqu’un gouverne, (|iulqn’un aussi esl gouverne. Etre gouverné, c’est ol)éir. Obéir, c’est accepter la volonté d’un autre. Ne voit-on pas reparaître ici ce que l’esprit laïque avait le plus rigoureusement réprouvé? Oui accepte la volonté d’uu autre, redevient en elTct un citoyen « mineur » ; il ne veut plus par lui-même, il pense et veut " par procuration ». Et qu’est ce que le mandataire, le député qui fait les lois, et le ministre qui en assure l’exécution, si ce n’est un « remplaçant » ? Vainement on objecte que, dans la démocratie, l’autorité de celui qui gouverne, grâce au sulTrage universel, émane de celui <[ui est gouverné. Ce n’est pas l’origine, c’est l’essence et la notion de l’autorité qui importent ici. Celte aulorité est-elle réelle ? Lui reconnait-on le droit dt' faire des lois, d’en requérir l’application même par la force, d’exiger le respect des décisions prises [lar elle ? Dès lors, d’un côté, il y a un vrai maitre ; et de l’autre, un vrai sujet. D’avoir été choisi par ce dernier, de n’avoir qu’un pouvoir limité dans le temps et dans ses attributions, importe assurément. Dans la sphère néanmoins où le maitre exerce son autorité, en réalité^ là, (7 est le maitre : il tranche, il décide, il commande, et celui qui obéit est un sujet ; il a un « remplaçant » qui veut pour lui ; il est, relativement à son chef, un citoyen mineur.

Pour répondre aux requêtes de l’esprit laïque, il faudrait imaginer une société où ce qu’on appelle

« la volonté générale », c’est-à-dire les décisions des

mandataires du peuple, législateurs, ministres, chef de l’Etat, juges, serait toujours en parfaite conformité avec les volontés particulières des individus ! Ouelle uniformité dans l’intelligence, la culture, les goûts, les aspirations et les intérêts, ne faudrait-il pas chez ces derniers ? Et si le fait venait à se produire, quel besoin les individus, groupés en société, auraient-ils encore de se choisir des mandataires ? Us n’auraient qu'à se gouverner eux-mêmes. C’est alors, mais alors seulement, que la nation serait vraiment souveraine.

Mais où a-t-on vu une nation se gouverner ainsi elle-même, sans roi ni président, sans ministre ni parlement, sans tribunaux, sans administration, sans quelque trace d’autorité?

Car, en bonne logique, tous les principes qii’on fait valoir, au nom de la dignité humaine et de la liberté individuelle, contre toute autorité religieuse, militent avec autant de force contre toute autorité purement civile. Sans doute on prétend que l’Etat, grâce à la liction du suffrage universel, c’est encore moi, tandis que l’Eglise est un pouvoir étranger et extérieur. Mais à ce pouvoir, est-ce que je ne me soumets pas lilirement ? La foi n’est-elle pas un acte libre ? L’autorité de l’Eglise est, en un sens très vrai, une autorité coHseH/ie, voulue par une décision émanée des profondeurs de la conscience individuelle. En quoi serait-il plus contraire à la dignité humaine de s’aflilier aune congrégation que de s’allilier à un syndicat, d’entrer dans une administration quelconque, où la liberté individuelle, en échange d’avantages inliniment moindres, risque d'être iuQninient plus contrariée et molestée que dans un couvent ? Et que dire de l'état militaire, des fonctionnaires de tous ordres, des employés des postes, des chemins de fer, des tramways, ou de n’importe quelle exploitation industrielle ou commerciale ? Ouoi ! partout l’association, et tout ce qu’elle comporte, la discipline, l’obéissance, l’oubli de soi-même seraient un droit, un devoir, auraient d’indéniables avantages ! L’individu pourrait à son gré les utiliser ! Et rien de tout 1 cela ne serait ni encouragé, ni même toléré dans le '

domaine des sentiments religieux ? On ne fait pas un devoir du libre examen et de l’indépendance absolue au soldat, à l’employé, à l’ouvrier, au subalterne de tout rang et de toute condition ; on reconnaît raisonnable qu’ils fassent crédit à leurs chefs ; et sur le seul terrain des réalités religieuses, non moins importantes certes, mais non moins dilliciles à saisir et à coordonner dans leur ensemble que les rouages d’une usine ou d’une administration, la révolte et l’indépendance seraient undevoir ! L’individu serait là érigé en juge universel, et ce serait une obligation que la collectivité aurait le droit d imposer à chacun, au philosophe, au savant comme à l’ignorant, à la fenmie et à l’enfant, au simple artisan, à l’ouvrier, à tant d'êtres qui n’ont ni la culture ni les loisirs sullisants pour ratiociner sur les problèmes moraux et religieux ! On ne voit pas au nom de quel principe la liberté individuelle, qu’on proclame, qu’on exige absolue dans le domaine religieux, subirait tant de contraintes dans le domaine civil. En réalité, c’est que tout gouvernement serait impossible. On se heurte à ce fait, que la Nature a façonné l’homme pour vivre en société, et que nulle société ne peut vivre sans autorité.

Dès lors, tout ce qu’on a pu imaginer pour concilier la liberté absolue, la liberté de l’idéal laïque, avec la vie en société, apparaît comme un leurre. Le suffrage universel ne réalise pas la souveraineté nationale. Il ne réalise pas davantage l'égalité qu’on se llatte d’obtenir par son moyen, et dont il aurait besoin lui-même au préalable pour fonclionner avec équité. Tout l'édilice du régime laïque semblerait près de s'écrouler, s’il n'était soutenu par la foi aveugle de la multitude et le zèle intense et peut-être intéressé de plusieurs. Ils ont réussi à donner à la République démocratique quelque chose d’intangible et de sacré. Elle a sa légende pieuse : à savoir que la Révolution française a créé la liberté. Elle a des idoles dont il n’est pas permis de discuter la valeur : Liberté, Souveraineté du peuple. Démocratie, République. L’intolérance la plus farouche environne ces divinités, devant lesquelles il n’est permis que de s’incliner. La malignité découvrirait aussi dans ce culte nouveau des rites superstitieux, des mythes, une sorte de liturgie et de sacerdoce. On a eu raison de parler de religion laïque. Mais sur ces contins du ridicule, 1 apologétique pourrait encore exercer sa verve ; elle ne rencontre plus d’argument à réfuter.

3) Contre l'œuvre laïque. — Dans ses lignes générales, l'œuvre accomplie pour laïciser les ser^ices publics a été faite, dit-on, pour assurer la liberté la plus sacrée entre toutes, la liberté de conscience, au crojant comme à l’athée. Entre les doix, à cet effet, l’Etat doit rester neutre, e’esl-à-dire indillérent. Il doit s’abstenir et obliger tous ses fonctionnaires, tous ceux qui dépendent de lui à quelque titre, à s’abstenir de prendre parti. « La neutralité est la garantie de la liberté de conscience, n (Poincaré, à Toulouse, sept. igiS.) J. Ferry et Poin’cauk l’ont dit de l'école. C’a été le leitmotiv' de tout le régime, chaque fois qu’on a voulu brutalement écarter l’Eglise catholique.

En effet, dit-on, ne peut-il plaire à un instituteur d’ignorer la divinité et ne pas l’enseigner ? C’est une liberté qu’il faut respecter, et, pour en assurer l’exercice, il est interdit de nommer Dieu dans l'école. Ne peul-il plaire à quelqu’un de prêter serment sans faire appel au nom de Dieu ? C’est une liberté qu’il faut respecter, et, pour en assurer l’exercice, l’Etat enlève les crucifix des prétoires. Ne peut-il plaire à quelqu’un de divorcer ? C’est une liberté qu’il faut respecter ; et pour en assurer l’exercice, le divorce sera inscrit dans la loi. Ne peut-il déplaire.