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1795

LAICISME

1796

En mars igoS, la Chambre refuse de discuter les demandes d’autorisation qui lui ont été adressées par plusieurs Congrégations.

Le 7 juillet 190^, toutes les Congrégations enseignantes, même autorisées jusque-là, sont dissoutes. M. Combes se vante, avant de quitter le ministère, d’avoir en deux ans expulsé plus de 16.000 congréganistes. Il ne parle que des exécutions qu’il a présidées lui-même. Les lois votées par son parti de 1901 à 1906 ont fait bien plus de victimes. Il n’est pas exagéré d’évaluer à plus de 100.000 le chiffre de ceux et de celles qui ont eu à souffrir de la spoliation de leurs biens, de l’exil ou de la dispersion. Ce qui est étrange d’ailleurs dans cette persécution, ce n’est pas le nombre des persécutés. L’histoire en a compté bien d’autres. Mais les persécutés l’avaient toujours été au nom du bien public. Même en 1798, où l’on parlait déjà de liberté, c’était le comité du Sahit public qui envoyait à la mort ou à la déportation. Les laïcisateurs de laïu’Républiqueont frappé leurs victimes au ; iom (/e la liberté. Dans la même loi où ih ont libéré les associations, ils ont créé le délit de congrégation. Deux citoyens français, convaincus d’avoir constitué une congrégation — et il suflit, pour en faire la iireuve, d’un acte qui révèle entre eux des rapports de supérieur à inférieur par obéissance religieuse — peuvent être poursuivis par le parquet, traduits devant les tribunaux et condamnés à l’amende ou à la prison.

Il y a dans tout le système une apparence de logique. N’est-ce pas le devoir d’un régime, institué pour faire régner la liberté absolue, de la défendre au besoin contre lescitoyensqui abuseraientdela leur pour la limiter ?….

III « Partie

RÉFUTATION DU L.ICISME

L Réfutation négative. — Les objections contre le laïcisme. — On peut dire du laicisme ce que Pie X a dit du modernisme : c’est le rendez-vous de toutes les hérésies. C’est pourquoi on en trouvera la réfutation à plusieurs endroits de ce dictionnaire. Nous nous attacherons ici aux lignes essentielles que nous avons dégagées dans l’exposé du système.

i) Contre l’idéal laïque. — L’idéal laïque apparaît de plus en plus comme une simple construction de l’esprit, faite en dehors de toute observation de l’humanité telle qu’elle est. Les formules dont il se sert : l’homme ne doit relever que de sa raison et de sa conscience — il doit s’appartenir et n’appartenir qu’à lui-même — c’est à lui de procurer son propre salut et de se suffire — apparaissent aujourd’hui, malgré les applaudissements qui les ont accueillies durantces dernières années dans des milieux soi-disant cultivés, comme des symboles surannés, une phraséologie vide de signification réelle.

En effet, l’idéal laïque : a) est en désaccord avec l’observation psychologique la plus élémentaire ; b) avec les lois de la vie ; c) il aboutit à des résultats contraires à ceux qu’il i)rétend obtenir ; d) il part d’un principe faux et il implique des contradictions.

a) /.’idéal laïque est en désaccord avec l’observation psychologique ta plus élémentaire. — Il n’est pas vrai que l’homme est libre de penser ce qu’il veut. Rien n’est (ilus faux dans l’ordre des connaissances usuelles. On n’est pas libre de penser que deux et deux font cinq, que la ligne courbe est le plus court chemin d’un point à un autre, que Louis XIV n’a jamais existé et qu’Aïuslerdain est la capitale de la France. Dans l’ordre des connaissances scientifiques, le postulat de la libre pensée paraît dénué de sens.

Que signifie le mot de libre pensée, en face du moindre manuel de géométrie, de chimie ou d’histoire naturelle ? Celui qui sait, n’a pas la tentation, dans le domaine où il sait, de se déclarer libre penseur. Il dit : a Je sais ; il en est ainsi » ; et voilà tout. Le rôle de la librepenséeest de disparaître devant la science. L’idéal, le but de l’intelligence humaine, n’est pas d’augmenter sa liberté, mais de la réduire à s’eiTacer de plus en plus devant la rigueur et la précision du savoir. Ce qui est aussi, à proprement parler, une liberté, la seule et vraie liberté, celle qui délivre de la servitude des préjugés, de l’ignorance et de l’erreur. La vérité, en effet, est comme un cran d’arrêt pour l’esprit humain, mais à la façon de l’objet lumineux qui fixe le regard, tandis que les ténèbres lui permettent de s’égarer à droite et à gauche, indéliniment.

Il n’est pas vrai non plus que l’homme doive désormais ne relever que de sa propre raison, ne faire appel à d’autres lumières qu’aux siennes et tout tirer de son propre fonds. A mesure que les branches du savoir se diversifient et se distribuent en des spécialités plus nettement séparées, il est nécessaire, à moins de consentira tout ignorer, de faire crédit aux lumières d’autrui. L’historien, le naturaliste, le physicien se cantonnent sur des terrains de plus en plus limités : c’est la condition de la compétence sérieuse. Mais il en résulte aussi la nécessité d’accepter, en quelque sorte les yeux fermés, les conclusions des savants, quand ils se maintiennent strictement dans leur domaine. Entre la réalité et nous, se multiplient ainsi les intermédiaires par lesquels nous arrivons à la connaître. Plus le passé se livre à nos recherches, plus augmente le nombre des manuscrits et des témoins auxquels il faut faire apjiel et en même temps crédit. Le présent, depuis l’humble fait divers jusqu’aux plus dramatiques catastrophes, ne nous parvient de même que parla presse. Or nous pouvons la soumettre au plus exigeant contrôle, et nous le devons. Maisà mesure que se développent enéleiidue et en rapidité ses moyens d’information, la presse n’en prélève pas moins sur notre confiance un crédit, qui s’accroît chaque jour et lui permet d’exercer dans notre vie publique et dans notre vie privée un rôle d’une incalculable portée. Ainsi, le progrès semble consister, non point à se passer de plus en plus d’autrui, mais à multiplier nos ressources en multipliant du même coup nos dépendances.

Ce qui est vrai dans l’ordre des connaissances scientifiques et de l’information quotidienne, ne l’est pas moins dans l’ordre religieux et moral. « Tout, écrit l’un des protagonistes de l’idéal laïqvie, doit pouvoir se penser, se dire, s’écrire sans qu’aucune contrainte restrictive ou répressive n’intervienne. L’idée subversive et abominable d’aujourd’hui sera peut-être la légalité de demain, et la conscience des honnêtes gens du siècle prochain aura peut-être pour contenu ce que les honnêtes gens d’aujourd’hui appellent des rêves fous ou des doctrines scélérates. » (Lanson, Hevue de métaphysique et de morale, nov. 1902, p. 762.) De telles déclarations, qui n’ont pas été rares dans le parti laïque, se prétendent inspirées par une large confiance dans la bonté de la nature humaine et dans le progrès. Elles en sont en réalité la négation. L’humanité n’aurait donc rien appris depuis tant de siècles et après tant d’expériences ? Aux générations qui viennent, elle n’aurait point de leçons, point de conseils à donner, point de vertus à enseigner ? Elle ne saurait pas plus aujourd’hui qu’il y a vingt siècles ce qui est bien, ce qui est honnête, ce qui est beau, ce qui est le devoir ? Elle serait, dans le domaine religieux et moral, sans accpiis,