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1791

LAICISME

1792

les chefs spirituels de la communauté et les séparer des fidèles.

J) Mesures contre l’Eglise catholique. — Elle est frappée dans les deux foruies extérieures qui peuvent garantir sa liberté : les privilèges des clercs ; son droit de propriété.

a) Suppression des prii’ilèges des clercs. — Les cardinaux sont dépouillés de leur titre de sénateurs de droit, qu’ils avaient sous l’empire. Les évêques et les prêtres sont exclus des conseils auxquels des lois précédentes leur avaient accordé une place de droit, du Conseil supérieur de l’Instruction [jublique et des Conseils départementaux (1880, 1886), des commissions administratives des hospices, hôpitaux, bureaux de bienfaisance (1879).

La loi du 15 juillet 1889, aggravée ensuite par celle de igoô, a supprimé toutes les exemptions qui avaient été accordées aux membres du clergé, relativement au service militaire.

Il faudrait ajouter la suppression de plusieurs privilèges de moindre importance, soit en vertu de décrets particuliers, soit par une conséquence de la loi de igoS : suppression des honneurs rendus aux évoques, de toute place oHîcielle réservée au clergé, des permis de circulation accordés aux missionnaires sur les vaisseaux ou les chemins de fer des compagnies liées à l’Etat par des contrats, etc., etc.

//) Suppression de la propriété ecclésiastique. — En 1882, une circulaire du ministre Humbert interdit l’ouverture d’aucun lieu de culte, même d’un oratoire privé, sans son autorisation préalable. En 1884, le culte est interdit dans la Chapelle expiatoire ; en 1885, l’église Sainte-Geneviève est désalïectée et devient le Panthéon, où sont inhumés les grands hommes, spécialement les ennemis de la religion.

En 1 881, les cimetières, lieux bénis par l’Eglise, sont sécularisés. La loi y établit la promiscuité des tombes.

En 1881, la loi sur l’organisation municipale accorde au maire une clef de l’église (art. 100), pouvoir sur les cloches (art. ici), droit de police à l’intérieur de l’édilice (art. io5) ; reconnaît auxcoramunes le droit de désalTectcr les bâtiments non concordataires, mis à l’usage du culte (art. 107).

Du budget des cultes, le gotivcrueinent dispose comme d’une propriété Perpétuellement, sur de simples dénonciations, sous le prétexte de réprimer des excès de langage, il supprime le traitement des prêtres et des évéques. De 1856 à 1902, ce budget descend de 53 à.37 millions.

En même temps qu’il relient à sa fantaisie sur ce qu’il doit à l’Eglise, le gouvernement établit le contrôle des biens dont elle-même a directement la gérance. En 1892, un article de la loi de finances soumet les budgets des Fabriques à toutes les régies de la comptabilité des autres établissements publics, et un règlement d’administration statue que les comptes des Fabriques seront jugés et apurés par le Conseil de préfecture ou par la Cour des comptes.

Cette législation, a-t-on dit avec raison, tendait à substituer, dans l’administration temporelle des paroisses, le percepteur au trésorier de Fabrique, le fonctionnaire public et le conseiller municipal à l’auxiliaire du curé, la préfecture et la Cour des comptes à l’évêque, l’Etal à l’Eglise. (Jean Lefaure, La Persécution depuis ÎSan.’i, p. g^.)

Depuis quelques années, le gouvernement a fait plus. Il a dissous à peu près totalement la propriété ecclésiastique. En vertu des lois de 1901 et de igoi, il a liquidé tous les biens des congrégations religieuses auxquelles il a refusé l’autorisation, et le produit de celle liquidation a clé versé au Trésor <j)ublic. A peine une petite part a-l elle été prélevée

pour constituer une pension de retraite aux vieillards séparés de leur famille religieuse. Encore faut-il ajouter que cette pension, très modeste, a été le plus souvent gaspillée par les frais de la liquidation ou refusée.

Eniin les lois de Séparation, celle de igoô notamment, ont totalement spolié l’Eglise catholique. Non seulement le budget des cultes a été supprimé ; mais les menses épiscopales, les biens curiaux, les fondalions de messes en faveur des défunts, tout a passé aux mains de l’Étal. A la suite des Inventaires, les catholiques ont, il est vrai, conservé la jouissance des églises qu’ils occupaient. Mais cette jouissance elle-même n’a aucun titre juridique. Elle dépend du bon plaisir du gouvernement. (Lois du 9 déc. i go5, du 2 janv. 1907, du 1 3 avril 1908.)

B) Mesures contre l’autorité spirituelle et toute communauté religieuse. — L’Etat et tous ses services laïcisés, l’idéal laïque n’est pas réalisé. L’autorité ecclésiastique peut subsister : elle a donc des sujets. Dès lors, le devoir de l’Etat laïque est de les libérer de celle domination. Il faut, dans la société imbue des principes du laicisme, que disparaisse toute autre souveraineté que la souveraineté de l’individu, incarnée soi-disant dans la souveraineté populaire. La religion, comme tout le reste, ne doit relever que de la conscience individuelle, dans tout son domaine. Au congrès de la Libre pensée en igo^, on a rappelé le mot de Co.vdorcet : « Toute croyance religieuse est un objet qui doit être laissé, sans auoir.e influence étrangère, à la raison et à la conscience de chaque individu. » (Foi laïque, p. 203.)

Ce n’est pas qu’on refuse à l’individu le droit de s’associer, même pour une fin religieuse ; mais l’association doit demeurer une association entièrement libre, ce qui veut dire sans autorité proprement dite, sans lien réel, sans support ellicace.

Tel est le plan que semblent avoir eu devant les yeux les législateurs français, spécialement ceux qui ont rédigé la loi dite de Séparation et les lois contre les Congrégations religieuses.

Loi de Séparation. — La loi promulguée le 9 décembre 1905 est la plus vivante expression de l’esprit laïque appliqué au gouvernement de la cité. C’est la négation du gouvernement ecclésiastique, sous les deux formes que nous signalions au début de cet article : distinction du pouvoir spirituel et du pouvoir civil ; distinction hiérarchique, dans la société religieuse, des laïques et des clercs.

La double thèse formidée dans la loi de Séparation, c’est : 1) qu’il n’y a pas de pouvoir spirituel effectif àcôtédupouvoirci il ; 2) qu’il n’y a pas dans la société religieuse une hiérarchie véritable de chefs et de simples fidèles.

i) A’égution de l’existence du pouvoir spirituel à coté du pouvoir civil. — En effet :

rt) La loi a été faite sans aucune entente préalable ni avec le Pape ni avec les évoques de France. L’ambassade auprès du Valicau avait été supprimée l’année précédente. On avait demandé le rappel du nonce. Durant tout le temps que dura la discussion de la loi, il n’y eut aucuns pourpnrlers ni avec le Pape ni avec les évêques. Le pouvoir civil a légiféré sur la Séparation des Eglises et de l’Etat et toutes les questions afférentes, comme sur une question qui relevait exclusivement de sa compétence.

h) Une fois votée, la loi ne fut pas davantage notifiée aux représentants de l’autorité spirituelle.

[) Pas davantage il n’en est fait mention dans le dispositif de la loi. Le législateur y règle l’attribution des biens ecclésiastiques, la police des cultes, l’administration de tout ce qui concerne les édifices et l’exercice du culte. Pas une fois il ne nomme les