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LAICISME

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mentirait à elle-iuèuie, à sa mission, aux intérêts dont elle à la ganle. Ses prêtres ne sont pas des professeurs de sagesse : ce sont des ministres, qui ont à gérer les choses de Dieu, lisent à faire respecter son nom, à faire connaître ses œuvres, à promulguer ses commandements. Ils ont à faire valoir le sang de l’Homme-Dieu, répandu pour le salut du monde. Us ont à conduire les âmes de leurs frères à la vie éternelle.

Voilà ce qu’il ne faut pas oublier quand, sous le nom de cléricalisme, les adversaires de l’Eglise essayent de flétrir, avec Tapprobation parfois de quelques catholiques, ce qui n’est que l’expression d’une foi sincère et loyale, l’esprit de zèle et d’apostolat. Sans doute, les excès sont toujours possibles. Mais il ne faut pas facilement préjuger les intentions. Un clergé entreprenant vaut mieux qu’un clergé endormi. Ceux qui ont vraiment souci de l’impartialité ne doivent pas accorder le bénélice des circonstances atténuantes aux laïcisateurs qui ont dénoncé, puis condamné les « moines ligueurs ». N’avait-on pas dit jadis du Sauveur du monde : Commoyet popuhnn ! Seducil turl/as.’… Il séduit, il accapare, il trouble, il est l’ennemi de César…

Pour défendre le clergé français et lui rendre justice, c’est dans cette haute région des principes qu’il faut se maintenir. Prêtres et moines n’ont pas là besoin d’excuses. Ils sont des victimes, contre lesquelles, coûte que coûte, on voulait trouver des griefs. De ces griefs, nous allons faire un examen sommaire. Ils peuvent se ramener à trois catégories.

B) Griefs particuliers. Réfutation. — i) Les prédicateurs ne songeaient qu’à organiser « la croisade de Dieu, et partaient, quelques semaines après, avec des sommes élevées, où l’obole de la veuve voisinait avec l’olfrande du riche et la rançon du péché. Des faits analogues se répétaient dans dix, dans cent, dans des milliers de communes ». P. Sabatieu, L’orientation religieuse de la france actuelle, p. 51.

Réponses. —. B. Cette accusation est portée sans aucune preuve, sans aucune référence. Qu’est-ce que des « milliers » ? Est-ce lo.ooo ?… L’accusation, même fondée, et elle ne l’est pas, loin de là. n’atteindrait pas plus d’un prêtre sur dix. Est-ce suffisant pour calomnier le corps tout entier ? L’ouvrage de M. P. Sabatier a des prétentions scientifiques. II a été publié dans la collection « Le Mouvement social cjntemporain ».

a) Il ne faut pas oublier que le clergé assumait à peu près seul à ce moment la charge de l’Assistance publique, qu’il défrayait pour une large partie budget de V Instruction puhlique, que les missionnaires catholiques — la Mission laïque ne s’est fondée que vingt ans plus tard — étaient alors les seuls ou à peu près à propager la civilisation chrétienne, la littérature et le bon renom de la France à l’étranger.

Le clergé recueillait des sommes pour édifier d’immenses basiliques, Montmartre, Fourvières, la cathédrale de Marseille, X.-D. de Lourdes, etc. Mais cathédrales et églises ne sont pas seulement pour le clergé ; elles sont aussi et d’abord pour les fidèles. Et ce n’est point là une mesquine sollicitude !

b) Enfin, au lendemain dp la Séparation, en 1906 et 1907, le clergé français a sullîsamment montré qu’il savait faire passer, bien avant les soucis financiers, le souci de la fidélité aux obligations de la conscience et au devoir religieux. Or, ni parle recrutement, ni par l’éducation, le clergé de 1870-1878 ne ditTérait sensiblement du clergé qui devait accepter avec tant de magnanimité les lois de Séparation.

2) Le clergé semblait n’avoir qu’un désir : celui de créer de vigoureuses haines : haine de l’Italie, maitresse de Rome…. haine de la société la’ique, haine de la forme républicaine.

Réponses. — a) On ne doit pas oublier qu’on venait d’assister à la spoliation du Pape.

h) Les protestations du clergé français à ce moment n’étaient pas plus violentes qu’elles ne l’avaient été sous Napoléon 111, qu’elles ne le sont encore dans les congrès des catholiques anglais, américains, allemands, en face de gouvernements protestants, au milieu de populations assurément plus bienveillantes à l’Italie de la Maison de Savoie que ne l’étaient les masses françaises aulendemain de 1870.

c) Il faudrait démontrer que le sentiment du clergé français ne répondait pas sur ce point à l’intérêt de la France bien compris ; que l’unification de l’Italie importait à la civilisation et à la prospérité générale de l’humanité ; et surtout que cette unilication ne pouvait avoir lieu sans la spoliation du Pai)e : voilà des problèmes historiques qui peuvent paraître résolus à des esprits superficiels, qui laissent néanmoins perplexes des observateurs attentifs..ux élections de 1877, les républicains qui allaient faire triompher le laicisme ont fait grand état de cet argument : nommer des cléricaux, c’est la guerre ! voter pour la République, c’est voter pour la paixl A quelques années seulement de 1870. c’était affoler le corps électoral. De la malhonnêteté de cette manœuvre, M. IlANOTArx, dans son Histoire de la /// « République, a de la peine à justifier les triomphateurs du 16 mai. Les paroles de M de Bismarck qu’il cite :

« Une France soumise à la théocratie papale est

incompatible avec la paix du monde », sont bien près de se traduire ainsi : « L’.llemagne protestante ne peut réaliser son hégémonie dans le monde, en face d’une France appuyée sur le principe d’autorité et le catholicisme. »

« L’Union sacrée » de tous les Français, réalisée

spontanément aux jours douloureux de igi/S- rejettent heureusement bien loin cette sinistre histoire, dont il vaut mieux ne plus faire état.

d) En ce qui concerne la Papauté, le clergé pouvait-il paraître indilférent à la suppression de ce pouvoir temporel, seule garantie qui — au jugement de l’intéressé — puisse sauvegarder l’indépendance de l’autorité spirituelle dans l’exercice de son ministère ? Et plus on paraît s’effrayer des responsabilités (]ue peut prendre la Papauté, plus n’y a-t-il pas d’opportunité à la maintenir à l’abri de toute domestication ? Et que ne dirait-on pas, si, avec la prétention de régenter les consciences et de les libérer de tous les esclavages, elle apparaissait elle-même prisonnière et asservie aux influences et aux pressions d’im pouvoir terrestre ? l.a question des Etats temporels du Pape n’est pas une question d’arpents de terre.

e) Reprocher au clergé français d’avoir lui-même déclaré la guerre à la République, est encore plus vain et ridicule. Il n’y a qu’à renvoj’erà La Fontaine.

« Tu la troubles », disait le loup à l’agneau. Puis, 

quand il serait vrai que la sympathie du clergé pour la République ait été médiocre, au nom de quels principes voudrait-on lui en faire grief ?

Qu’avait été la République dans les tentatives précédentes ? Quels servicesavait-elle rendus ? Qu’est-ce qui la recommandait, elle, ses protagonistes, son programme ? Serait-cele laicisme tel que nous l’exposerons plus loin ? Mais, si beau soit-il aux yeux de ceux qui l’admirent, n’est-il pas la négation radicale du catholicisme ? Et on blâmerait le clergé d’avoir été prévoyant, de n’avoir eu qu’un enthousiasme modéré !

3) Le troisième reproche est plus grave. Le clergé n’aurait songé qu’à ses intérêts, en face des foules qui venaient à lui. Il ne savait parler que de prières, de pèlerinages, de pénitence. Il a méconnu les aspirations de ce peuple qui « revenait vers-sa mère ».