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LAICISME

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articles du credo calliolique sont-ils en opposition immédiate ? Tel est ce qu’il faut d’aliord préciser, et ce qui relève directement du bul qu’on se propose dans un dictionnaire apt)logétiquo.

2" La doctrine laïque en regard de la doctrine catholique. — Le laïcisme s’est d abord appelé et s’appelle encore parfois Vanticléricalisme. C’est qu’il a été, dès sa première heure, une doctrine d’opposition, une négation ; et il demeure, aujourd’hui encore, dans son fonds substantiel, la négation du i droit de l’Eglise catholique à exister sous la forme d’une société hiérarchique et indépendante dans son domaine.

De là, la nécessité de bien connaître et d’avoir devant les yeux la doctrine de cette dernière sur sa propre constitution. Deux traits en composent l’armature essentielle.

A) La doctrine catholique, a) Distinction des laïques et des clercs. — Il y a dans l’Eglise des laïques et des clercs, et l’un se dit i)ar opposition à l’autre. Dès les premiers temps du christianisme, les liiiéles furent divisés en deux grandes catégories : les clercs, à qui était réservé le sanctuaire ; les laïques, le peuple (du grec / « O qui occupait la nef. Tous étaient des croyants. Mais cette séparation dans le lieu était, elle est encore le symbole d’une séparation plus profonde dans les fondions et les droits. Seuls, les clercs exercent les fonctions spécifiquement sacrées ; seuls, ils sont délciileurs, quoique à des degrés divers, suivant leur place dans la hiérarchie, de la juridiction spirituelle. Dans la société religieuse, telle que la conçoit le catholicisme d’après les préceptes de Jésus-Christ, formulés dans l’Evangile, le clergé commande, le laïque obéit. Les documents les plus modernes sont d’accord sur ce point avec les i>lus anciens.

Nous devons tout faire, écrit au i^’siècle saint C1.KMBXT, pape, dans l’ordre prescrit par le Seigneur. Et adaptant à la Loi nouvelle les prescriptions de la Loi ancienne : « Le Souverain Pontife a ses fonctions ; les prêtres ont leur place, telle qu’elle leur a été assignée. Le laïque est soumis aux lois qui gouvernent les laïques. » Jd Corinihios. XL, P. 6’., I, 288-289. On se rappelle le geste de S. Ambroisb écartant Théodose : « Prince, lui dit il, le sanctuaire ne s’ouvre qu’aux prêtres. Sortez donc, et joignezvoiis aux autres lidèles : la pourpre fait des empereurs, non des prêtres, s Thkodorbt, //. Ii., V, xvii ; P. a.. LXXXII. 1236 D. (Cf. Bacxard. Vie de S.Amhroise. p. lioli.) Les derniers papes ont eu fréquemment l’occasion de rappeler les mêmes principes. LÉON XllI écrivait en 1888à Mgr Meignan, archevêque de Tours : « Il est constant et manifeste qu’il y a dans l’Eglise deux ordres bien distincts par leur nature : les pasteurs et le troupeau, c’est-à-dire les chefs et le peuple. Le premier ordre a pour fonction d’enseigner, de gouverner, de diriger les hommes dans la vie, d’Imposer des règles ; l’autre a pour devoir d’être soumis au ]>remier, de lui obéir, d’exécuter ses ordres et de lui rendre honneur. » (Edition des O : iestions actuelles, t. I-IV, p. 303.)

h) Distinction du poui’oir spirituel et du pouvoir iempiirel. — Hiérarchisée dans son for intérieur par suite de cet te distinct ion entre laïques et clcrcs, lEgïise catholique réclame de plus tous les attributs d’une société parfaite et indépendante dans son domaine. Proposée aux choses divines et spirituelles, elle prétend n’être subordonnée, dans leur administration, à aucun pouvoir terrestre et exercer sur ce terrain une autorité souveraine.

Là encore les lignes essentielles du système n’ont pas varié depuis vingt siècles. Le divin Fondateur avait dit lui-même à Pilale : Mon royaume n’est pas

de ce monde » ; et aux Pharisiens : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » Mais dans l’onlre spirituel, il avait revendiqué pleine puissance : « Toute puissance m’a été donnée dans le ciel et sur la terre » ; et il l’avait léguée à ses apôtres : Comme mon Père m’a envoyé, ainsi je vous envoie ; « tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel ; et tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel. »

LÉON XIII n’a fait lui-même que rappeler renseignement traditionnel de ses prédécesseurs, quand il disait dans l’encyclique Imniortale Dei : a Dieu a divisé le genre humain entre deux puissances : la puissance ecclésiasti<iue et la puissance civile : cellelà préposée aux choses divines, celle-ci aux choses humaines. » Et il ne faisait point dillieulté de reconnaître à cette dernière la plus large indépendance dans son domaine propre : « L’Eglise et la sociélé politique ont chacune leur souveraineté propre ; par conséquent, dans la gestion des intérêts qui sont de leur comi>étence, aucune n’est tenue d’obéir à l’autre dans les limites où chacune d’elles est renfermée juir sa constitution. » (Encycl. Sapientiæ chrislianae.) Mais Léon Xlll ajoutait toutefois avecraison : cr Dans les questions qui appartiennent à la fois au jugement de l’une et de l’autre, bien que sous un rapport dilTcrent, celle qui a charge des choses humaines dépend, d’une manière opportune et convenable, de l’autre qui a reçu le dépôt des choses célestes. » (Encycl. .ircanum di inné sapientiae.) — (Voir lettre du cardinal Merry del Val à Mgr Sevin ; Etudes, 5 novembre 1913.)

Le système catholique implique donc une double organisation : la distinction des clercs et des laïques, la distinction de la société spirituelle et de la société civile. La lilierté des laïques, pleine et entière sur le terrain des intérêts temporels, se trouve du même coup grevée d’une double dépendance à l’égard du clergé : l’une, relative aux choses sacrées, dans l’intérieur du temple ; l’autre, plus nuancée mais réelle encore, relative aux questions mixtes, sur le forum.

Rien de plus conforme à la notion que l’Eglise catholique se fait d’elle-même. Elle se déclare mandatée par Dieu lui-même pour gouverner les hommes et les conduire à leur On dernière. Elle a donc tout pouvoirde subordonner ce qui passe à ce qui demeure, les intérêts de la terre à ceux du ciel, la vie du temps à celle de l’éternité. Elle organise et prépare le Royaume, oii Dieu sera seul Maître et Souverain Seigneur.

H) I.a doctrine laïque. — En face de cette doctrine, le Laïcisme se pose non seulement en contradicteur, mais en adversaire irréductible.

A première -ue, et à ne s’en tenir qu’à la définition suggérée parle mot, le laïcisme est simplement une ingérence des laïques dans le domaine réservé au.^ clercs. En fait, cette ingérence comportedenombreux degrés. Elle peut aller de l’empiétement partiel à la négation totale, non seulement des <lroits du clergé, mais de l’autorité dont il se dit le mandataire.

Tous ces degrés, le laïcisme de la m » République, de 1876 à 1914, les a francliis. De là, les diffcrentes attitudes qu’il a prises. Parfois, dans les premières années surtout, il semblait se proposer seulement de limiter l’inlluence du clergé catholique. Dans la loi sur le régime des.ssociations et la séparation de rE’.rlise et de l’Etat, il a nettement tenté de briser l’organisation de l’Eglise catholique et sa suprématie spirituelle. Tel est. sans nul doute, le but qu’il poursuit. C’estce qui ressort des déclarations lesplus récentes de ses protagonistes. Au sens le plus