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JUIFS ET CHRETIENS

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exercer les fondions publiques, Décret., V, vi, 16 (IV* concile de Latran), iS (GiiiiGoinE IX) ; cf. saint Thomas, 11^11 » =, q. lo, lo. En dopit de ces défenses, promulguées fréquemment, encore par Benoit XIV (bulle A quo printum, 14 juin lySi), ils ont été parfois fermiers ou collecteurs d’impôts, péagers, trésoriers des princes, leurs représentants auprès des cours étrangères, baillis dans le midi de la France, etc. Ils ne sont ni juges, ni accusateurs publies, ni avocats ; ils sont exclus de la profession des armes.

Ne nous attardons pas à la longue liste de professions qui leur furent interdites parla bulle, inexécutée, Z^f/tiam ad rtostram, d’EuoKNE IV. PAULJVleur défendit déposséder des biens-fonds ; Innocent XIII (bulle li.i- iiijuncto, 18 janvier i^a^) d’en louer. Paul IV défendit également tout autre commerce que celui du bric à brac, des vieux chiffons et de la vieille ferraille. Une série de décrets ultérieurs spécilia la défense de trafiquer des objets servant au culte et des livres d’église et de religion.

Les médecins juifs avaient de la vogue ; les grands, les rois, les papes eux-mêmes, recouraient volontiers à leurs offices. G. Marini, Degli archiatri pontijicj, Rome, 1784, t. I, p. 134-135, dit : « Le très renommé canoniste et archidiacre de Bologne Jean d’Anagni, dans ses commentaires sur le titre des Décrétales, De Judæis, se demande si un juif peut être médecin du pape ou de l’empereur, et, comme Bartolo, dont il approuve les subtilités légales, il se croit autorisé à répondre que non ; puis il conclut tout joyeux : ceci est à noter contre maître Elle, qui fut médecin des papes Martin [V] et Eugène |IV|. Mais cet Eliè, que Jean connut peut-être, se moquera des jurisconsultes et prouvera le contraire par son fait propre et par celui de tant d’autres de sa religion, qui furent médecins des papes, des empereurs et des rois. » En effet, plusieurs papes eurent des médecins juifs, et accordèrent des faveurs à eux et, plus d’une fois, par égard pour eux, à la nation juive. Citons Alexandre III, CLli.MENT III. HoNIFaCE IX, INNOCENT VII,

Martin V, Eugène IV, Pie II, Jules II, Paul III, Jules IU, Sixte-Quint. Paul IV, Pie V, GBÉGoinE XIII, défendirent aux médecins juifs de soigner les chrétiens et à ceux-ci de recourir à eux, hors le cas de nécessité. Les chrétiens ne recourront pas non plus aux chirurgiens, pharmaciens, sages-femmes, hôteliers, ou agents de mariage juifs. Les Juifs ne leur enseigneront pas les sciences ou les arts. Paul IV a ce détail : ne se a pauperibus christianis dominos vocarl paliantur.

b) Familiarité avec h’s chrétiens. — Innocent III, Décret., V, vi, 13, avait statué que, si les Juifs ne cessaient pas d’avoir des nourrices et des serviteurs chrétiens, il faudrait défendre aux chrétiens d’avoir des rapports avec eux. Honorius IV (bulle Xiniis in partibus, 18 novembre 1286) et d’autres papes s’étaient préoccupés de parer aux maux résultant pour la foi des chrétiens de leur familiarité avec les Juifs. Paul IV statua : cuni i/isis clirisliani.s liidere aut comedere vel fainiliariialeni sea conversalioneni habere nullalenus præsumant. Même dans les services que les chrétiens furent autorisés à leur rendre, H titre d’ouvriers louant leur travail au jour ou à l’heure, ils doivent éviter ce qui serait dangereux ou trop abaissant pour les chrétiens ; ils ne mangent pas chez les Juifs et n’entrent pas dans leurs maisons. Dans les relations entre Juifs et chrétiens, les chrétiens ne paraîtront pas favoriser la religion juive. Défense donc d’acheter ou de recevoir en don leurs pains azymes et leurs viandes immolées à la juive ; d’aller à leurs synagogues, à leurs fêtes, à leurs cérémonies, à moins qu’il n’y ait ni scandale

ni péril de perversion ; de leur acheter ou vendre, et de les faire travailler, le dimanche. Les femmes chrétiennes n’iront jamais au ghetto, les hommes jamais de nuit. Les médecins chrétiens ne soigneront pas les Juifs, si ce n’est en cas de peste, à défaut de médecins juifs. Juifs et chrétiens ne mangeront ni ne se livreront ensemble à des jeux, danses, etc. Les Juifs ne peuvent apprendre des chrétiens les sciences, les lettres et les arts, sans une permission, qui portera qu’ils soient instruits en dehors du ghetto, dans une maison privée, où il n’y ait pas d’enfants chrétiens, non les jour » de fêtes, par un maître dont la suffisance et la piété soient reconnues. Les Juifs ne peuvent être promus à un doctorat dans une Université catholique.

Toutes ces mesures tendent à isoler des chrétiens les Juifs et à supprimer un contact où la foi des chrétiens courrait des risques, ainsi que le prouve l’expérience. Posé de bonne heure par les conciles particuliers et les écrivains ecclésiastiques, le principe en a été officiellement adopté par l’Eglise à dater d’iNNocENT III et consacré par les Dérrétales de Grégoire IX. L’application a été élargie et accentuée par Paul IV. Pratiquement, les sévérités de ce pape n’ont pas été maintenues telles quelles, sauf par intervalles.

§ III. La « SERVITUDE » JUIVE

68. Jusqu’au xiu’siècle. — Les textes de la Genèse, XXV, 28, sur Esaii serviteur de Jacob, et de saint Paul sur ce verset de la Genèse, Rom., ix, 13, et sur les deux Testaments figures par Agar et Sara, sur les Juifs lils de la servante, donc serviteurs eux-mêmes, et les chrétiens, lils de Sara, libres comme elle. Gal., rv, 22-81, eurent auprès des chrétiens un succès qui se comprend. Ils y virent la proclamation de la supériorité du christianisme. Tertullien, Adversus Judæus, i, disait : Procul dubio, secundum edictum divinæ locutionis, prior et major populus, id est judaicus, seryiat necesse est minori, et minor populus, id est chrisliunus, superet majorent. Il indiquait les causes de la déchéance des Juifs : leur idolâtrie obstinée, leur conduite envers le Christ, xiii. Constantin, dans la lettre sur la célébration de la Pàque, rapportée par EusÈBE, De vita Constantin : , 111, xviii, déclare que ce serait une chose indigne de suivre la coutume de ces Juifs, qui, cum manus suas nefario scelere contaminarint, mertlo impuri homines cæcitale mentis laborant… Aihil ergo nobis commune sit cum inimicissima Judæorum turba. Et, à ce qu’Eusi-BE nous apprend, ibid., IV, xxvii, il lit une loi ne clirisliiinus ullus serviret Judæis, neque enim fus esse ut ii qui a Domino redempti essent prophetarum ac Domini interfectoribus servitutis jago subderentur. Une loi d’HoNORius et de Tiiéodose (/(28). r. theod., XVI, VIII, 26, défendit aux Juifs d’avoir des esclaves chrétiens, car il ne sied pas que des chrétiens soient au pouvoir des infidèles. Conformément à cette loi et dans le même esprit, saint Ghér. oiRK LE Grand rappela aux rois des Francs Théodoric et Théodebert et à la reine Brunehaut que les chrétiens, membres du Christ, ne doivent pas être foulés aux pieds des ennemis du Christ, Epist., IX, cix, ex, cf. III, xxxvm. Et le 1II<= concile de Latran anathématisa ceux qui, préférant les Juifs aux chrétiens, recevraient le témoignage des Juifs contre les chrétiens et non celui des chrétiens contre les Juifs, cum eos christianis subjacere oporteat, Décret., II, XX, 21, Enfin, deux passages d’iNNocENT III, Epist., VII, CLXXXvi ; VIII, cxxi, dont le dernier, reproduit en partie dans les iJécrct., V, vi, 13, c(mtieiit ces mots : Etsi Judæos, quos propria culpa subiuisil pcrpeluae servituti…, pietas christiana receptet, achèvent de