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JUIFS ET CHRETIENS

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principe, mais laissa aux évoques le soin de déterminer la l’orme el la couleur du signe diacriliciue. Le concile de Narl)onne (112-j) précisa que les Juifs iii medio pecturis déférant signum rolae, cujus circulus sit latitudiiiis uniKS digiti, tiltitiido’ero iinius dimidii patmi de canna. Le signe était en fornu ; de roue ; de là vint l’appellation de « rouelle ». D’après J. Liivi, liei’ue des éludes /Hncx, 1892, t. XXIV, la roue symbolisa l’hostie que les Juifs étaient accusés de profaner. U. IloBcnT, Mémoires de la société nationale des antiquaires de France, 5" série, Paris, 1889, t. IX, p. 125, exprime, « mais bien timidement il, l’opinion que « la roue peut être considérée comme la représentation d’une pièce de monnaie, allusion à l’àprelé des Juifs pour le gain ou au prix de trente deniers que Judas reçut pour livrer le Christ ». Quoi qu’il en soit, la roucllt ; fut adoptée un peu partout, excepté en Es[)agne. La couleur varia d’une contrée à l’autre ; le jaune prévalut. Dans le Comtat Venaissin, dans plusieurs villes d’Italie, en Portugal, la rouelle céda la place à un chapeau jaune. D’autres modifications eurent lieu. Cette obligation pesait aux Juifs, qui la laissaient volonti<^rs tomberen oubli. Les papes la leur rappelèrent souvent.

Le port de la rouelle aurait, d’après les hisloriens juifs, contribué à l’avilissement des Juifs, les habituant à i)erdre tout amour-propre el toute dignité, les façonnant à « un maintien humble, presque lâche » ; en outre, il aurait été, pour la populace, une invitation à courir sus aux Juifs. Que ce signe d’infamie ait eu une action désastreuse sur la tenue et le caractère des Juifs, cela n’est pas d(uiteux, ni qu’il ait attiré aux Juifs des sévices. Les papes réprimèrent ces mauvais traitements ; leurs pénalités ne furent pas toujours ellicaces. iVIais il est remarquable que, toutes les fois que cette prescription est promulguée, le motif unique allégué par les papes est qu’il importe que les Juifs soient distingués des chrétiens, car, à la faveur de la confusion, les Juifs se sont glissés dans les rangs des chrétiens et ont commis des méfaits qui auraient élé impossibles ou difTiciles si l’on s’était mélié d’eux, si l’on avait su que c’étaient des Juifs.

67. Liberté d’agir. — A. Exercice de la liberté d’agir. — a) Vie juive. — Entre eux, en principe, les Juifs sont autorisés à vivre selon leurs lois et leurs coutumes.

La puissance paternelle, si grande chez les Juifs, n’est pas atteinte par la législation de l’Eglise, sauf les restrictions indiquées en matière de baptême.

Le mariage juif est respecté. Il l’est même dans des conditions à première vue surprenanles. Le pape Martin V (bulle Etsi.ludæorum, i" février 1419) défendit de molester un juif de Kerrare à cause du divorce qui avait suivi son mariage, vu que la loi juive le lui permettait. Nous avons [jublié, dans j.’unii’ersité catholique, Lyon, 18gi, t. Vil, p. G38-647, quatre documents, qui se rattachent aux pontificats de PAtiLlV(i.55ro, l’iH IV (156i), ( ; ui- : < ; oiHiîXlll (1.590) et Gniir.oinE XV (1623), permettant à un juif la bigamie simiUanée. Il est spécilié que la première femme est stérile dans tous les cas, sauf le second. Dans le troisième cas, il est précisé que le juif a le consentement de la première femme, el, dans le quatrième, que la première femme ne donne pas son consentement : pour obvier à l’inconvénient, la concession pontilicale porte que, du vivant de la première femme qui habile Rome, la seconde séjournera hors de la ville. Le motif allégué dans les n" 1,.3, 4, c’est que le juif désire avoir des enfants el, dans celle intention, contracter un second mariage conformément à la loi juive, laquelle, [irécisent les n"* i et 4. permet un second mariage après dix ans d’un premier mariage

resté stérile. Le pape autorise ce second mariage sicut ou quantum cum Deo et sine peccato pnssumus, disent les documents 1, 3 el 4. Le docuuient i, émané du camerlingue de Paul IV, fut cassé, peut-être par peur du scandale ; une de ses clauses est que la concession ne sera pas valide si le scandale doit s’ensuivre. Il nous révèle que nous n’avons pas ici une innovation, que le camerlingue, agissant au nom de Paul IV, agit sicuti sancla mater Ecclesia et noslri in o//icio camerariatus prædecessores consueverunt nosque cum Deo et sine peccato possumus. Ces textes ont été étudiés par M. Rosset, J)e sacramento malrimonii, Paris, 18g5, t. I, p. 439442. Ils posent des questions qui luéritenl l’examen des canonistes. Disonsencore que les mesures adoptées, pour arrêter le progrès de la poi)ulation juive, par la Prusse(1722), la Bavière, même par Louis XVI dans ses lettres patentes du 10 juillet 1784, libératrices par ailleurs mais défendant aux Juifs d’Alsace de contracter mariage sans la permission expresse du roi, sont contraires à l’esprit de l’Eglise.

Les Juifs ont leur autonomie, leur régime intérieur, leurs tribunaux qui connaissent des délits contre la loi juive.

b) Rapports ayec les chrétiens. — Les Juifs peuvent avoir des ouvriers agricoles. Décret., V, vi, 2, posséder des biens-fonds, acquérir ou échanger des propriétés, sous les réserves que nous verrons tout à l’heure.

Certaines professions leur furent j)erniises : la banque, l’approvisionnement des royaumes, le courtage el le colportage, la joaillerie, en tout temps ; le négoce, sous ses formes diverses, jusqu’au temps de Paul IV ; les arts et certains métiers, dans la limite où les corporations supportaient leur concurrence.

B. Jlestrictions à la liberté d’agir. — a) Vie juive.

— Le mariage entre Juifs est rompu si l’une des parties se fait catliolique et si l’autre partie refuse de cohabiter pæiliquement avec ee, velnullo modo, vel non sine blasphemia divini noniinis, vel ut eam pertrahat ad mortale peccatum, dit Innocent III, Décret., IV, xix, 7. Ce privilégiant paulinum, comme l’appellent théologiens elcanonistes, ne concerne pas seulement les Juifs, mais encoretous les infidèles qui se convertissent.

Les Juifs ne peuvent avoir des esclaves chrétiens. Décret., V, vi, 2, ni des serviteurs chrétiens vivant chez eux, ni des nourrices chrétiennes, Décret., V, VI, 5, 8, 13, 19. Ces défenses, violées souvent, furent souvent renouvelées.

Pour les délits de droit commun, les Juifs relèvent des tribunaux ordinaires. Le IIP concile de Latran, Décret., Il, XX, 21, décréta que le témoignage des chrétiens contre eux serait valable. Sur le témoignage des Juifs contre les chrétiens, des variations se produisirent. Sans parler d’un texte obscur d’ALRXAN-DHB III, Décret., II, XX, 23, Eugénk IV (bulle Dudum ad nostram) statua : Contra eos in quibusvis casibus christiani testes esse possunt, sed.ludæorum contra christianos in casa /lullo testimoniumvaleat. En cela, comme en tout le reste, celle bulle fut peu exécutée. Devant les tribunaux, les Juifs devaient prêter un serment spécial, qui se compliquait parfois de cérémonies bizarres, le serment more judaico, cf. Du-CANGB, Glossarium mediæ et infimæ latinitalis, édit. G. -A. Henschbl, Paris, 1844, t. III, p. 910-911. T. MnNGHiM,.’iacro arsenale overo pratlica delV officio délia.S. Inquisizione, Rome, 16g3, p. 323, 353, parle uniquemenld’un serment suri la sainteLoide Dieu » et noie que leur témoignage est admis contre les chrétiens, même en matière de foi.

b) Professions interdites. — Les Juifs ne peuvent