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JUIFS ET CHRÉTIENS

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convertir… Mais, si on supporte les Juifs, ils ne doivent i> ; is oublier que leur crime les a condamnes à un perpétuel servage, ils sont esclaves des clirctiens, qui les nourrissent comme « un serpent dans le giron et un tison dans le sein ».

B. Lfs e.ipressioiis dures contre tes Juifs. — 11 est vrai que souvent les Juifs sont qualilics durement dans les bulles des papes, comme dans les écrits des Pères et des écrivains ecclésiaslii]ues. Cela s’expli(]ue par les excès réels des Juifs, et aussi par les habitudes d’alors ; pendant des siècles, le latin et même le français ont eu des audaces qui ne sont plus autant de mise aujourd’hui. Encore conviendrait-il de nepasaltérer le sens des formules poutillcales. Quand, par exemple, Loeb résume en ces ternies :

« elle (l’Eglise) veut bien les laisser végéter alin ([u’ils

soient comme un éternel témoin de la vérité chrétienne », deux passages de Paul IV et de Pic V, il s’en faut qu’il rende exactement la pensée des deux papes. Paul IV (bulle Cum niinis absurdum, 14 juillet 1555), dit : Considérantes Ecclesiam liomanam eusdem Judiieos tolerare in lestinionium-eræ fidei christianae, et ad hoc ut ipsi, sedis upostolicæ pietate et beni^nitale allecti, errores suos tandem reco^noscant. Et PiK V (bulle Ilebræorum gens, 26 février iSGg) : Clirisliana pietas, hune ineluctabilem casurn in pritnis conuniserans, illam humanius satis apud se passa est ditersari, ut scilicet crebro illius inluitu, passionis doniinicæ memoria fidelium oculis frequenlius olnersetur, simulque[IIebræorum gens] ex exemplis, doctrina, monitis, ad conversionem et salutem. .. anifilius in’itelur. Nous sommes loin du sec

« veut bien les laisser végéter j’.Graktz assure que

la protection accordée par Innocent III aux Juifs est motivée par cette considération que « les Juifs doivent vivre, et vivre dans l’abjection et la misère, pour la plus grande gloire du christianisme ». Or, Innocent III dit, Epist., II, cccii, que par eux notre foi est établie, car ils portent inintelligents la loi de Dieu dans des livres intelligents, qui empêchent les chrétiens de l’oublier, mais aussi que, en dépit de leur obstination, quia tanien nosirac postulant defensionis auxilium, ex christianæ pielalis niansuetudine, à l’exemple de ses prédécesseurs, ipsorum pelitionem admittimus eisque proteclionis noslrae clypeum indulgemus. Grælz a donc faussé la pensée du [)ape.

G. La i< perfidie » juive. — Cette qualification est courante ; elle est devenue comme classique. Il semble que. dans les textes anciens, « perlide » signifie Cl incrédule », « incrédule qui s’obstine » ; « qui s’aveugle volontairement », ou simplement infidèle ». Ce serait un synonyme de la generaiio infidelis et perversa de l’Evangile, f.uc, ix, 41. C’est ainsi que l’entend .SinoiNiî Apollinaiub, Epist., II, xi : n Les hommes de cette race sont souvent honnêtes dans les affaires ou selon les jugements terrestres ; c’est pourquoi vous pouvez, tout en réprouvant la perfidie de ses croyances, protéger la personne de ce malheureux. » Même sens dans saint Ambroise. Enarrat. in ps. xLvii, 25 (il a aussi l’expression : infidæ piebis, E.rpos. Evang. secundum f.ucam, iv, 5^) ; dans la Præfatio de judaica incredulitaie âeQ.v, vs, R, ,-j, le traducteur de VAltercalio Jasonis et Papisci, etc. Saint Grkooire le Grand, Mural., IV, iv, parle des Hébreux superbes qui, in Ucdemptoris adventu, ex parte maxiina in perfidia rémanentes, primordia fidei scqui noluerunl. Cf. IX, VII, VIII ; XI, xv ; XIV, XXXIX, xLvii, xLviii, et Ilomil. in Evang., x, 2, où nous lisons : infidelium Judæorum corda, qui équivaut manifestement aux a perfides » des Morales. Cf. V. TioLLiKR, Saint Grégoire le Grand et tes Juifs, p. 9-10, 63. Le concile d’Agde (506), dans un canon

reproduit par le Décret de Gralien, III », d. iv, 98, règle les précautions à prendre avant d’adinetlre au baptême les Juifs quorum perfidia fréquenter ad voniitum redit. Ici encore il s’agit directement de l’incrédulilé juive ; après avoir embrassé la foi clirctiennc, les Juifs retournent souvent à leur vomissement, c’est-à-dire à leur incrédulité primitive. De là à donner au mot « perfidie » une signification non plus intellectuelle mais morale (conversion simulée, feinte en général, trahison), la pente était facile ; on y arriva, surtout quand les Juifs passèrent pour s’allier avec les ennemis des chrétiens. Toutefois, sauf exception, dans le langage olUcicl de l’Eglise, la « perfidie » juive paraît bien être l’erreur ou l’incrédulilé juive.

Ce que fut le " servage » perpétuel des Juifs, nous le verrons bientôt.

68. La bienveillance pour les Juifs. — A. Les paroles bienveillantes pour les Juifs. — Que les duretés du langage des papes soient adoucies par une bienveillance véritable, on s’en est aperçu en lisant les textes d’iNNocENT lll, de Paul IV, de Pie V. Combien d’autres textes prouvent que, loin d’être étrangères à tout sentiment d’humanité et de justice, les interventions pontificales témoignent de ce double sentiment I Marin d’Eboli, réunissant dans son Formulaire, d’après les registres des papes, les principaux spécimens de bulles relatives aux Juifs, fournit l’exposé des considérants sur lesquels les souverains pontifes basent leurs décisions en faveur d’Israël. Cl Les Juifs, est-il dit, rendent témoignage à la vérité de la foi orthodoxe, tant parce qu’ils conservent les Ecritures pleines des ])rophéties qui annoncent le Christ, que parce que leur dispersion parmi les peuples rappelle le déicide qu’ils ont commis. En second lieu, l’heure doit venir de leur retour à la vraie foi ; leurs restes seront sauvés. Puis, leurs pères furent les amis de Dieu. Eux-mêmes portent la ressemblance du Sauveur, et Dieu est leur créateur comme celui des chrétiens. Au surplus, le Saint-Siège se doit à tous, aux sages et aux insensés. Les chrétiens doivent avoir pour les Juifs la même bénignité dont ils désirent que leurs frères, qui vivent dans des régions païennes, soient l’objet de la part des païens. N’est-il i)as nécessaire que le chrétien haïsse l’iniquité, aime la paix et travaille pour le droit ? » F. Vernet, L’université catholique, 1896, t. XXI, p. 7g. Voici maintenant ce qui se trouve dans les bulles de Martin V. ce L’incipit de la fameuse bulle du 31 janvier 1419 énumère la plupart des considérants. .. La perfidie des Juifs mérite des reproches : ils s’endurcissent dans leur erreur, au lieu de scruter les arcanes des prophètes et des Ecritures et de parvenir à la connaissance de la religion et du salut. Mais ils sont créés à l’image de Dieu, mais encore leurs restes doivent être sauvés à la fin des temps, leur existence est utile aux chrétiens dont elle continue la foi, et ils implorent le secours du Saint-Siège, ils font appel à la mansuétude de la piété chrétienne. Autant de motifs de leur venir en aide. S’il convient de ne pas tolérer que les Juifs empiètent au delà de leurs privilèges, il ne convient pas moins de maintenir ces privilèges et d’en assurer l’exécution. Les i)ontifes romains ont donné l’exemple dans les temps écoulés ; il n’y a qu’à suivre leurs traces. Voilà une foule de raisons qui plaident la cause juive. Il en existe d’autres, également puissantes, que notre pape précise ailleurs. Les Juifs ont droit à la justice, comme les autres ; opprimer l’innocence ne peut que nuire au développement de la vraie piété. Puis, l’Eglise considère les Juifs de ses Etats comme des sujets et, à ce titre, elle veut et procure leur bien. Nous n’aurions garde d’oublier