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JUIFS ET CHRÉTIENS

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der Julien und ihren f.iigen (1542), Simon Majoli (M.vJoLUs), évéque de Volturara, avec ses Bies caniculares. Home, 1585, et ensuite un Piuhre de Lan CRE, un ElSENMENGKR, Un FRANÇOIS DE ToRREJONCILLO,

un ScuuDT, un Voltaire, etc., ont été antijuifs à des degrés divers. Les Juifs, émancipés par la Révolution française, entrèrent dans la société moderne

« non comme des hôtes mais comme des conquérants

», dit B. Lazare, Vantisémitisme, p. 223. Il y eut, pour s’en plaindre, leurs concurrents et leurs victimes. L’anlijudaïsme se mua en antisémilisme.

Une théorie d’allure scientili([ue et des circonstances historiques spéciales aidèrent à la transformation. La théorie est celle de l’antagonisme, de la lutte pour l’existence, des races, de l’opposition essentielle des races « sémitique » et « indo-germanique 1 ou « aryenne », que Renan, sous l’intluence de Hegel, avait érigée, sauf à l’ahandonner sur le tard, en une sorte de loi de l’histoire. Les circonstances propices furent, en général, le mouvement nationaliste, la tendance à l’unité, qui caractérisa les peuples d’Europe dans la seconde moitié du xix’siècle, et, en particulier, après 18 ; o, l’enivrement du germanisme, exaltant tout ce qui lui semblait teuton, répudiant le reste. Plus rien que d’allemand en Allemagne, tel fut le mot d’ordre. Donc, guerre au romanisnie ! Loin d’y contredire, les Juifs donnèrent l’assaut à l’Eglise catholique. Mais aussi, guerre au judaïsme ! A la presse juive dénonçant les catholiques comme des étrangers soumis à un chef étranger, coniment ne pas répondre que les Juifs étaient des intrus de race étrangère, sans patrie et patriotisme ? Les protestants, à leur tour, s’insurgèrent contre Israël, dont les coups atteignaient, par-dessus la hiérarchie catholique, la croix et l’Evangile. Le Juif fut dénoncé comme un danger pour la civilisation allemande et, en compagnie du Juif, tout sémite. Le mot i< antisémitisme » fut forgé, qui élargissait la lutte des Juifs et des chrétiens et lui donnait une signilîcation savante.

B. Les principales formes de l’antisémitisme. — a) L’antisémitisme ethnologique et national. — C’est celui que nous venons de décrire. Il dit que le Juif, en sa qualité de sémite, est inassimilable et dénationalise les peuples au milieu desquels il se trouve. Parti de Berlin, cet antisémitisme franchit d’un bond les frontières de l’Allemagne, avec cette dill’érence que le germanisme fut remplacé en Autriche-Hongrie par le magyarisme, en Russie par le slavisme, en France par la civilisation française. Citons, parmi ceux qui l’ont propagé, en Allemagne W. Mahr, qui le premier systématisa ces idées dans son livre Der iSieg des Judcnlhiinis iiher das Germanenthum vom nicht confessionnellen Stnndpnnht aiishetrachtet, Berne, 1879, H. db Treitschkk, E. Duhring, le pasteur Stocker ; en Autriche-Hongrie. Pattaï et LuR-GER ; en Russie, Aksakof et Mkchtc.iiehsky ; en France, K. Drumont, avec une verve et un talent qui en ont fait un propagandiste redoutable.

b) l’antisémitisme économique el social. — Il voit dans les Juifs une race qui fuit les professions utiles et n’exerce que celles où l’on prospère aux dépens des autres. Elle accapare le momie desall’aires et d «  la linance. Le capitalisme juif se propose et réalise

« la conquête juive ". Ce grief s’ajoute d’ordinaire au

précédent et a été développé par la plupart des défenseurs lie l’antisémitisme ethnologique el national. E. Drumont est au premier rang. Deux de ses prédécesseurs furent A. Tousseniîl, Les Juifs rois de l’époque, Lfintoire de la féodalité financière, Paris, 1847, ^- CAi’nuGUK, Histoire des grandes opéralions financières, Paris, 18.'>.5.

c) L’antisémitisme religieux. — Il se subdivise en

deux formes, selon qu’il est hostile ou non au christianisme. L’antisémitisme antichrélien attaque le christianisme en mèiue temps que le judaïsme auquel il se relie. V. Mahr combat, avec Scuopenhauek, l’optimisme de la religion juive. La métaphysique allemande qui s’inspire de Hegel voit dans le judaïsme un stade inférieur de la civilisation ; c’est le passé qui est mort, tandis que l’esprit germanique est le présent qui marche. Max Stirner déclare que l’humanité a parcouru deux âges, l’âge antique, celui de " l’état d’àme nègre », où l’homme dépendait des choses et qui est toujours celui des Juifs, et l’âge du

« mongolisme », où l’homme est subjugué par les

idées et qui est l’âge chrétien ; l’homme s’achemine vers un âge meilleur, où il dominera les idées et libérera son moi. E. Duhring oppose au judaïsme et au christianisme, qui en est la dernière manifestation, les conceptions religieuses des peuples du nord. Nietzsche caractérise la morale juive et la morale chrétienne de « morale des esclaves » ; il exalte la

« morale des maîtres " qui déilie l’orgueil et la force.

En Friince, quelques révolutionnaires athées ont professé un antisémitisme antichrétien : tels G. Tridon, Du molocliisme juif, Bruxelles, 1884 (ouvrage posthume), et A. Regnahd, Aryens et Sémites, Paris, 1890.

Des antisémites non-chrétiens, qui ont gardé, legs plus ou moins conscient de l’hérédité, des sympathies pour le christianisme, font volontiers du Nouveau Testament l’antithèse de l’Ancien. Pour ToissENKL, les Juifs, « qui s’arrogent le titre de peuple de Dieu, ont été le véritable peuple de l’enfer… Le Dieu du peuple juif n’est autre que Satan…, Satan, le Dieu des armées, le Dieu du carnage, le Dieu méchant, le Dieu jaloux, le Dieu unique », tout le contraire du « vrai Dieu, le Dieu de l’Evangile, celui qui se révèle par l’amour », Les Juifs rois de l’époque, 4 « édil., Paris, 1888, t. ii, p. 274, 286.

Des chrétiens authentiques, respectueux de la Bible, dénoncent leTalmud et le judéo-raaçonnisme.

C. Les fondements de l’antisémitisme. — Il y a, dans l’antisémitisme, des éléments divers et même contradictoires. Au point de vue chrétien, nous avons vu ce qui semble pouvoir se dire du judéo-maçonnisme, du Tahnud et de l’antichristianisme juif ; est-il besoin d’ajouter que, loin d’être en contlit, l’Ancien Testament et l’Evangile se ressemblent comme la promesse et son accomplissement, que celui-ci réalise ce que celui-là prépare, qu’ils ont le même Dieu, le même décalogue, la même morale, mais conduite dans l’Evangile à sa perfection, el qu’un chrétien ne saurait oublier que Jésus est issu d’Israël, et sa mère aussi, et ses apôtres qui ont apporté au monde la Bonne Nouvelle chrétienne ?

Aux points de vue scientitique, national et économique, un triage s’impose parmi les allirmations des antisémites. L’antagonisme des deux races aryenne el sémite est factice : ni l’une ni l’autre ne sont des races pures, et des peuples de langue sémiticpie présentent entre eux des contrastes aussi accentués que ceux qui existent entre eux et les aryens : c’est tellement vrai qu’en Algérie l’antisémitisme a patronné, contre les Juifs, les, rabes, sémites comme les Juifs. Par ailleurs, s’il a contribué considérablement à la transformation économicpieetau « règne de l’argent », le Juif n’a pas été seul à produire l’état des choses actuel ; il résulte de la Révolution française el de l’ensemble de changements qu’elle a introduits dans l’organisme social. En revanche, il est exact que les griefs des antisémites sont en partie fondés. B. Lazare le reconnaît sans ambages. Il ne dit pas tout. Il en dit assez pour justilier quelques-unes des positions adoptées par les anlisémiles.