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JUIFS ET CHRÉTIENS

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soient l’œuvre d’une collectivilc humaine lant soit peu dégagée de la baiharie. Puis, il exista toujours une tendance à attribuer à ceux que l’on déteste l’usage du sang ennemi dans un but superstitieux et religieux. Qu’on se rappelle les prrmiers chrétiens : ils passèrent pour manger des enfants dans leurs réunions secrètes, et cette calomnie — lancée parles Juifs, au dire d’Origèue — eut une diffusion prodigieuse. Aujourd’hui encore, en Chine, les missionnaires sont accusés de recueillir des enfants pour leur arracher les yeux et le cœur alin il’eu composer des philtres. Il est d’une sagesse élémentaire, non moins que d’une justice stricte, de ne pas accepter trop facilement sur le compte des antres des récits qui nous révoltent quand ils s’appliquent à nous. (I De voir réapparaître cet antique grief avec une ténacité si persistante dans les temps et les civilisations les plus divers, et cela presque toujours sous la forme d’un « on dit » plus ou moins aveuglément accepté, voilà qui incline au donte ou commande en tout cas le y. ! uTr, 7c à7r(7T-<v I), dit P. de L| ABnioLi-E], /.e ineuiire rituel, dans le Bulletin d’ancienne littérature et d’archéologie chrétiennes, Paris, iy13, t. III,

p. 2O2-203.

Les idées juives sur l’usage du sang rendent l’accusation spécialement invraisemblable quand elle vise les Juifs. La Loi ancienne décrète la peine de mort contre quiconque mange du sang des animaux, I.ei’it., XVII, ! 0-14. La législation rabbinique entre dans de minutieux détails pour interdire tout emploi du sang : l’aliment qui en contient, ne serail-ce qu’une goutte, est impur ; il est défendu de le prendre. Les premiers chrétiens chez qui subsistait la tradition de s’abstenir « des viandes étoulTées et du sang », Act., xv, 20, répondaient à leurs accusateurs : n Comment les chrétiens mangeraient-ils des enfants, eux à qui il n’est pas même permis de manger le sang des animaux sans raison ? » Cf. la lettre des églises de Lyon et de Vienne, dans Euskbe, //. E, , Y, 1, ?(’i, et MiNucius FÉLIX, Octavius^ xxx. Cet argument, les Juifs le répètent : comment, avec leur aversion pour le sang, prescrite par la Loi et passée dans les mœurs, seraient-ils coupables des meurtres rituels qu’on leur impute ?

Toutefois, « le vrai peut n’être pas vraisemblable ». Si, d’une part, l’accusation de sang se discrédite par l’abus qui en a été fait si souvent, en général contre des adversaires, et. en particulier, par le paganisme contre l’Eglise naissante, il est établi, d’autre part, que la préoccupation et la superstition du sang ont liante l’esprit des peuples. H.-L. Strack, Dns liliit im Clanhen und Alierglaulien der.Ven^chrit, Munich, 1900. p. 1-85, consacre la moitié de son livre contre l’existence du meurtre rituel à l’examen des préjugés si répandus d’après lesquels le sang des animaux et des hommes assurerait la guérison d’une foule de maladies ou ajouterait une vertu singulière à des talismans. Des aberrations étranges eurent une vogue qui déconcerte. Le meurtre rituel, supposée démontrée son institution, serait une monstruosité de plus.

Et la défense du Lévitique de se nourrir de viande non saignée ne serait-elle pas une précaution contre la volupté du sang, propre « aux sémites ? Toute l’histoire d’Israël fut une lutte de lalivé contre les divinités corruptrices des pays voisins, contre Moloch, avide de chair humaine, le dieu sémiticpie par excellence. Une thèse, chère à beaucoup d’antisémites, et que l’ancien membre de la Commune de Paris, G. Tilinox, /)(( molochîsme juif, Bruxelles, 188^, a vulgarisée, c’est que les Juifs ont suljstitué au Dieu de Moïse l’infâme Moloch de Phénicie.et que, cédant à l’impression première de la race, ils sont retournés

nu sacrifice humain. En outre, même si l’ensemble des Juifs répugne à l’emploi du sang, ne pourrait-il I)as se trouver, parmi eux, quelque secte qui ait pour règle de l’employer dans un but de religion ou de superstition ? D. (_)invoi, soN, Oie lllutankluge, p. 339, déclare l’avoir fréquemment ouï dire en Russie. Naguère, au cours du procès de KiefT, on l’a prétendu. Cf. Le procès Berlis. La plus grande infamie du siècle en Jtussie, Varia (igi/i), p. 30, /(2-/|.’J, Oi, G7.

Pour ces raisons, il ne suilil pas d’arguer de l’invraisemblance alin d’écarter l’accusation de sang.

48. La réalité du meurtre rituel strict. — Si le meurtre rituel existe chez les Juifs à l’état d’institution ollicielle, il faut qu’il soit autorisé par les livres de liturgie juive ou par un enseignement ésotérique non consigné dans les écrits et transmis, de façon orale, aux initiés.

A. Les livres juifs. — Y a-t-il dans ces livres, principalement dans le Talmud, des textes qui autorisent le meurtre rituel ? Jusqu’à ces derniers temps, nul ne l’avait insinué. U en résulte une forte présomption que rien de tel ne s’y lit. Dans les attaques si nombreuses, si vives, sans cesse recommencées, contre le Talmud et autres livres juifs, on les a fouillés dans tous les sens et l’on a publié des volumes groupant et commentant les passages rcpréhensibles. Comment a<lmetlre que les passages approuvant le meurtre rituel, s’il s’en rencontre, aient échappé aux dénonciateurs ?

Cependant, un professeur de l’Université de Prague, le chanoine A. UoHi, iNfi, se flatta d’avoir découvert un texte du Talmud qui permet de conclure que l’on pouvait sacrifier tout enfant juif, non protégé par la volonté paternelle, en guise d’holocauste pascal, et que, puisque les Juifs recrutent leurs holocaustes parmi les mineurs de leur propre peuple, à plus forte raison ils doivent s’en prendre à des nonjuifs. Un écrit de Rohling, Der Tatmudjude, Mïmster, 1871 (Crédit, en 18’77 ; (leux traductions françaises par M. DE Lam ARQUE, Paris, 1888, et par A. Pontigny, Paris, 1889), avait déchaîné une polémique acerbe. Le principal contradicteur fut F. Delit/.scii. professeur à l’Université de Leipzig, qui entra en lice avec son lïohling’s Talmudjude, Leipzig, 1881. Toute une série de brochures suivirent. Cf. II -L. Strack, Bas Blut, p. III. Rohling, en iSyi, jeta dans le débat le texte talmudique. En réalité, ce texte n’a pas le sens que Rohling lui prèle ; il ne parle ni d’holocauste ni de sacrifice humain, ni de non-juifs, mais seulement du cas où des enfants avides de richesse seraient tentés de tuer leur jeune frère pour se partager son héritage, comme cela est arrive la veille de Pâques. Cf. Stuack, /^rtt Ulut, p. 1 16-120, et. iiViiî’, sur deiix autres textes du Zohar et du Replier ha-liqqutin d’I. LuRiA (-{- 15’j2), allégués à tort par Rohling.

Nous avons vu que le Talmud présente, à côté de belles maximes, des expressions haineuses à l’endroit des chrétiens et capables d’exciter l’injustice et la violence. Mais nulle part le crime rituel en vue de la consommation du sang, le crime rituel pascal. le crime rituel strict, sous n’importe quelle forme, n’est prescrit ou légitimé par le Talmud.

B. L’enseignement ésotérique. — A défaut d’un texte officiel, l’ésotérique juive a-t-elle poussé au meurtre rituel ? Les documents abondent qui l’aflirment.

N’insistons pas sur les sources chrétiennes, dont les auteurs parlent au nom des chrétiens. Quand un Robert dh "Torigny, Chron., édit. L. Dki.isle, Rouen, 1873, 1.11, p. 27-28, ayant raconté, à la date de 1171, le meurtre de quatre enfants à Blois, à Norwich, à Glocesler et à Pontoise, ajoute que souvent, à ce qu’on dit, ut dicitur, les Juifs en font autant au