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JUIFS ET CHRÉTIENS

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sinon légale, du moins morale. Le Juif talmudisle qui les rencontra, leur attribua une valeur permanente. .. ; il en lit une règle générale vis-à-vis des étrangers à son culte, à sa loi, à ses croyances… Le giiy des Macclial>ées, le niinéeu des docteurs, devint le chrétien, et au chrétien on appliqua toutes les paroles de haine, de colère, de désespoir furieux, qui se trouvaient dans le livre ». Seml>lal)leincnt, que les « idolâtres > du Taluiud aient été, à l’orijjine, les seuls païens, c’est possiI)le ; peu à [leu et assez vite, le pafranisme disparaissant, les Juifs entendirent des chrétiens ce que le Taluind disait des idolâtres, chose d’autant plus facile qu’ils les croyaient idolâtres : ils leur reprochaient, faute de comprendre le dogme de la Trinité, d’ajorer plusieurs dieux, et, confondant le cvdte de latrie et celui de dulie, ils taxaient d’idolâtrie le culte de la Vierge et des saints.

Kn outre, le Talmud isola les Juifs du reste des hoamies. Pour ce motif, 15. Lazare — c’est là le leitmotiv de son ouvrage — soutient, l.’antiaêmilisme, p. l’i, que le Talmud fut néfaste. Les ral)l>anites, en l’imposant, retranchèrent Israël de la comuiunauté des peuples, et en firent « un solitaire farouche…, une nation misérable et petite, aigrie par l’isolement, abêtie par une éducation étroite, dénuiralisée et corrompue par un injustiliable orgueil ». Le résultat de leur victoire fut, pense-t-il, la persécution otlicielle.

« Jusqu’à cette époque, il n’y avait guère eu que des

explosions de haines locales, mais non des vexations systématiques. Avec le triomphe des rabbanites, on voit naître les ghettos, les ex])ulsions, et les massacres commencent. Les Juifs veulent vivre à part ; on se sépare d’eux. Ils détestent l’esprit des nations au milieu desquelles ils vivent ; les nationsleschassent. » Des admirateurs du Talmud n’hésitent pas non plus à reconnaître qu’il creusa plus profondément l’abîme qui séparait le judaïsme du christianisme : plus le christianisuie s’élargissant ouvrait son ample sein aux nations païennes, plus le judaïsme se renfermait en lui-même, se resserrait avec un soin jaloux ; « il restait isolé au milieu des nations ennemies, et cet isolement faisait sa force », dit A. Darmksteter, Le Talmud, p. CDXXXiv. Alors on vit ce phénomène, étrange et unique, je crois, dans l’histoire, d’un peuple dispersé aux quatre coins du monde et toujours un, d’une nation sans patrie et toujours vivante. Un livre accomplit ce miracle, le Talmud. Le Talmud a fait la force du judaïsme, mais en l’isolant. Retenons cette formule.

35. I-e Talmud contre le christianisme. — L’altitude du Talmud envers le Christ est fâcheuse. Les grossièretés blasphématoires que nousavons rencontrées déjà s’y retrouvent comme chez elles : naissance illégitime de Jésus, insultes à sa mère, usage par le Christ de la magie. Hérétique, excommunié, pécheur et entraînant à pécher la multitude, il si’serait fait une vie douce au moyen du nom inelTable lahvé qu’il aurait eu l’adresse de dérober dans le saint des saints du temple ; il serait à jamais x)uni en enfer dans l’ordure bouillante. Pour défendre le Talmud, R. Yehiel prétendit que ce livre distingue deux Jésus, et que les textes incriminés ne se rapportent pas au Jésus des chrétiens, mais à l’autre. De vrai, le Talmud embrouille la vie de Jésus, et sa chronologie est défectueuse et contradictoire. Les Juifs, insouciants d’histoire précise, ont déformé les Evangiles ou plutôt l’enseignement oral chrétien. Mais, en dépit de l’ambiguïté de deux ou trois textes, il est clair que le Jésus dans lequel le Talmud voit l’ennemi, qu’il abomine et salit, c’est bien le fondateur de la religion qui a supplanté le judaïsme, et les talmudistes confondirent avec le Christ le Jésus, lils de Panlhéras, du Talmud. Qu’on lise d’affilée tous les textes

talmudiques relatifs à Jésus, non pas dans une édition expurgée, mais dans les éditions couqjlètes, ou dans les extraits qui ont été groupes par G. Dal-MAN, dans II. Laible, ^esKS Christus im’/'lialmud, lierlin, 1891, p. 5’-19% cf. 9-88, et par li.-L..Strack, /cshs, die Uæreliker uud die Chvtsten nacli den dltestun judischen Angalien, Leipzig, lyio, p. 1-21, cf. iS’47’, ou encore dans lasynthèse qu’en a tracée R. Travers HBRi’ORn,.-/ diclionury of Christ and the Guspels, t. II, p. 877-878 ; on se rendra facilement compte que c’est au Jésus des chrétiens qu’il s’en i)rend. Que si, après cela, on passe à ces lignes d’I. Lomi, Jlefiie des études juix’cs, t. I, p. 25(1 : « Qu’y a-t-il d’étonnant <iu’il se trouve dans le Talmud quelques attaques contre Jésus ? Il serait singulier qu’il en fût autrement, et, s’il faut s’étonner de quelque chose, c’est (pi’il n’y en ait pas davantage », on mesurera la distance qui sépare de celle d’un chrétien la mentalité de l’un des plus intelligents et des plus instruits |>armi les Juifs modernes.

D’autres énormités déparent le Talmud, par exemple des expressions méprisantes pour l’I-^glise, ses saints, ses sacrements, ses cérémonies. Tranchent, particulièrement, des passages qui concernent Dieu, des indécences et « immondices ». Sans doute le Talmud est d’un temps et d’un pays qui n’avaient ni le même tour d’imagination ni les mêmes pudeurs que nous, et nous serions mal venus de lui reprocher des anlhropomorphismes et des crudités de langage que nous acceptons dans la Bible. Mais quelle différence entre les anlhropomorpliismes bibliques et quelques-uns de ceux du Talmud, qui font jouer à Dieu, devant les rabbins, ci le rôle d’un enfant ou d’un imbécile », J.-II. PiGNOT, Histoire de l’ordre de Chiny, Paris, 1868, t. III, p. 5351 Cf. Bartolocci. flibliotheca magna rabbinica, t. I, p. 552-642, Et, dans le nombre des jeux et fantaisies où se complaisent les rabbins, n’en existe-t-il pas de vraiment inqualifiables ? Faut-il blâmer les chrétiens d’avoir jugé révoltante, entre plusieurs autres, cette idée qui fournit le 34’chef d’accusation dans la controverse de 1240 : dicentes Adam cum omnibus brûlis et serpentem cuni Eva caisse ? Yehiel, de Paris, qui sur d’autres points lit preuve de souplesse et adoucit les assertions talmudiques, fut, cette fois, intraitable : concessit quod Adam coiit cum o/nnibns bestiis, et hoc in paradiso. Cf. Revue des éludes juives, t. I, p. 54, 55.

Il est arrivé que des textes inauthentiques ou mal compris furent allégués dans lapolémique antijuive. C’est regrettable. On a insinué ou laissé croire que le Talmud est tout entier mauvais, immoral, antichrétien. C’est inexact ; les textes dignes de reproche sont comparativement rares. Mais, si le Talmud n’est pas uniquement de la haine contre les chrétiens et le christianisme, il s’y trouve de la haine. Dira-t-on, avec A. D[ahmestktkr], Revue des études juives, t. I, p. 145, qu’il y a lieu de chercher si les opinions incriminées

« n’étaient pas des opinions individuelles, 

sans autorité et perdues dans l’immensité des doctrines talmudi([ues » ? L’autorité du Talmud fut absolue sur la presque unanimité des Juifs d’avant la Révolution. Et, étant donné l’état d’esjiril des Juifs, l’état de lutte sans trêve entre Juifs et chrétiens, on savait découvrir, dans le mare magnum du Talmiul, ce qu’il y avait contre le christianisme, on connaissait les o bons » passages. Qu’on dise moins encore « que, d’ailleurs, les livres juifs ne sortant pas du cercle de la Synagogue, étaient impénétrables au monde chrétien et, par suite, sans action aucune ». Sans action sur les chrétiens, passe ; mais sur les Juifs I Les Juifs d’aujourd’hui, certains Juifs, se désolidarisent d’avec le Talmud. Fort bien. Nous ne songeons pas à suspecter leur sincérité, et nous renonçons à utiliser contre