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JUIFS ET CHRÉTIENS

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IV.

Le Talmnd

S I. Le contenu du Taintud.

§ H. Ce que l’Eglise a pense du Talmud.

% I. Le contenu du Talmud

33. L’état de la question. — Le ïalmud, livre peu accessible iiièræ pour ceux qui savent l’iiébreu, écrit dans une langue obscure et s’oUrant à nous dans un texte défectueux, est une vaste compilation d’éléments souvent contradictoires, de diverses écoles et de diverses époques. Le noyau primitif, la Misclina, constitué avant l’an 200 de l’ère chrétienne, contient les décisions rabbiniques anciennes relatives à la Loi ou J’Iiora. Autour de la Mischna se sont amoncelés, sous le nom de Gliémara et sovis la forme de procèsverbaux des séances tenues par les académies de rabbins, de. ; commentaires, annotations, gloses et discussions de toutes sortes, renfermant de tout : dogme, morale, casuistique, politique, juris[)rudence, liisloire réelle et légendaire, médecine, pliysique, astronomie, formules magiques, etc. Il existe deux Talmuds : celui de Jérusalem, composé au iir’et au iv’siècles, par les docteurs de Palestine, et celui de Babylone, beaucoup plus développé, qui date du y* et du VI* siècles. Deux parties s’y distinguent : la halahha, c’est-à-dire les lois et les discussions qui ont abouti à les établir, et la ha^gada. c’est-à-dire tout ce qui n’appartient pas à la discussion légale.

Les Juifs ont tenu en singulière estime le ïalmud. Il est vrai que les caraïtes ou « scripturaires », ces

« protestants du judaïsme », apparus vers le milieu

du viii’siècle, n’admirent que l’Ecrilvire ; mais ils n’ont jamais été que le |)elit nombre. Dans le feu de la polémique, gênés par l’objection clirétienne, des rabbins consentirent à voinlans la. Iiaggada d’innocents badinages ou lui dénièrent carrément une autorité religieuse ; le grand courant du judaïsme accordait à la haggada et à la halakha une autorité égale. Ou s’en aperçut quand Maïmonide promit un traité avec ce titre : u Qu’il n’est pas obligatoire d’interpréter partout le Talmud à la lettre ». L’opinion unanime des rabbins s’allirma contraire, et le livre ne fut pas publié. La hitle entre maimonistes, ou partisans des études philosophiques, et antimaïmonistes, ou obscurantistes, ne porta pas directement sur la valeur du Talmud, que les maïmonistes eux-mêmes ne mettaient ])as en cause. Les Juifs ont beau faire, observait Ric.HAnn Simon, qu’on n’accusera pas d’être aveuglé par le préjugé antijuif — et qui, en cela, répétait ce qu’avaient dit un PiRnuB le Vknkrable, Tractalns adi’crsus Judneorum invetevatatn duriliem, v, et un JÉRÔME DE Saintk-Foi, Conlm Jiidæorum per/idiain et TItiihnul, 1. 11, introd. —, ils seraient excommuniés de la Synagogue le jour où ils voudraient secouer le joug de ce subtil et absurde radotage. Cf. H. Mahgi-VAL, Ilicliard Simon, dans la lies’ue d’histoire et de littérature religieuses, Paris, 1896. t. I, p. I^O. L’attachement au Talmud, pour ne pas dire son culte, fut, sauf exce|)tious rares, sans réserves.

Aujourd’hui, on fait des réserves. Des écrivains juifs déclarent qu’il y a, dans le Talmud, « du bon, du médiocre, du mauvais », I. LoKn, Réflexions sur les Juifs, p. g2, et « la bouc et le limon comme le Ilot limpide et pur », A. Dakmkstbteu, Revue des études juives, 1881), t. XVIII, p. CD. Depuis l’invasion du rationalisme le plus accentué, le Juif est eu train de s’affranchir de l’autorité du Talmud. C’est justice de ne pas rendre solidaires de tout ce qu’il y a dans le Talmiiil les Israélites contemporains ; mais l’exactitude histori(iuc demande de ne pas prêter aux Juifs d’autrefois les façons déjuger et de sentir qui tendent à prévaloir maintenant. Si le Talmud s’exprime en

termes malsonnants sur le compte des chrétiens et du christianisme, nous avons le droit de considérer ces passages comme l’expression de la pensée juive ou, du moins, comme ayant agi sur elle.

34. Le Talmud contre les chrétiens. — Or, des textes de ce genre existent. Il y a, d’abord, ceuxqui ont trait aux minini, non seulement la prière Chemuné-esrè que le Talmud enregistre et dont il règle la récitation, mais encore des prescriptions telles que la suivante, Tosefta Bali. nies., II, xxxiii : « Si un gentil, ou un pasteur, ou un éleveur de petit bétail tombe [dans un puitsj, on Vy laisse, mais on ne l’y jette pas ; on y laisse aussi les minim, les apostats et les délateurs, mais de plus on les y jette. » Il y a les textes sur les goyiin, notamment ceux-ci : « On peut, on doit tuer le meilleur des goyim » ; « l’argent des goyim est dévolu aux Juifs, donc il est permis de les voler ou de les tromper ; « ilest défendu de rendre à un goy un objet qu’il a perdu ». Cf. 1. LoEB, Revue des études juives, Paris, 1880, t. I, p. 2.51, 252. Il y a le traité Alioda-Zara et les autres textes contre les idolâtres.

Xous avons vu que le mot minim, quoi qu’il en soit de sa signitication primitive, servit à désigner les chrétiens. Nous en dirons autant du mot goyim. Que les goyim, maudits parle Talmud, aient été anciennement les Grecs d’Antiochus, les Romains de Titus et d’Adrien, les mages des rois sassanides, ceux qui violentèrent Israël dans sa nationalité et dans sa religion, que les duretés duTalmud qui les concernent aient été, plutôt que des règles de conduite, des cris de guerre contre les destructeurs du temple et les oppresseurs de Juda, nous ne faisons pas difficulté de l’admettre. Mais il est incontestable que, dans la suite, éloignés des Grecs, des Romains et des Perses qui les avaient maltraités, ayant à souil’rir des chrétiens, les Juifs prirent l’habitude de leur appliquer les sentences contre les goyim. Non pas tous les Juifs ; il y en eut, dans les controverses entre Juifs et chrétiens, pour affirmer que les Juifs n’obseï’vaient pas ces prescriptions talmudiques, et de divers rabbins nous possédons des textes qui témoignentde sentiments meilleurs envers les non-Juifs. Cf. l’intéressant relevé de D. Chvvolson, Vie Blutanklage und sonstige mitielallerliche heschuldigungen, Francfort-sur-le-Mein, I901, p. G2-81. Honorables exceptions. Les textes du Talmud denu^uraient, avec une autre autorité que celle de ces rabbins dont la parole était fugitive ou sans écho, et le danger subsistait d’assimiler ou d’identifier les chrétiens aux goyim. R. Lazare le constate loyalement, L’antisémitisme, p. 289-292.- Il rappelle que, lors des guerres romaines, « contre l’oppresseur on trouva tout permis, on préconisa toutes lesviolences, toutes les haines, et le Talmud… enregistra préceptes et paroles, et il les perpétua ». Toute la colère et toute la haine se reversèrent ensuite sur les Juifs qui se convertissaient, les minim, et sur les chrétiens. Que si l’on objecte que « ces préceptes ne représentèrent que des opinions personnelles » et qu’on a, dans lalittcrature lalmudique, en particulier dans le Pirké-Aboth, des formules compatissantes et fraternel les, " c’es t exact », répond B. Lazare, et, dans l’esprit des Pores qui écrivirent ces sentences, elles eurent vin sens général, .1 mais le Juif du moyen âge, qui les trouva dans son livre, leur attribua un sens restreint ; il les appliqua à ceux de sa nation. Pourquoi ? Parce que ce livre, le Talmud, contenait aussi les préceptes égoïstes, féroces et nationaux, dirigés contre les étrangers. (Conservés dans ce livre dont l’autorité fut immense, dans ce Talmud qui fut ]>our les Juifs un code, expression de leur nationalité, un code qui fut leur &me, ces affirmations cruelles ou étroites acquirent une force