Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/845

Cette page n’a pas encore été corrigée
1677
1678
JUIFS ET CHRETIENS


à ce que nous apprend le concile d’Elvire, c. 49 (vers 300-303). Saint Augustin, Episl., i.xxxii, 15, cxcvi, 16, s'élève contre ceux qui unissent au culte chrétien les observances mosaïques. Nousavons huit discours que saint Jban Chrysostome prononça (IJS^-SiSS) contre les chrétiens d’Antioche qui assistaient aux fêtes juives, les uns par religion, les autres par curiosité, et qui jeûnaient selon les prescriptions rabhiniques ; nous y voyons, entre autres choses, qu’un chrétien, qui avait un différend avec une chrétienne. vovUaitla contraindre d’aller à la synagogue et d’y prêter serment au sujet de la contestation pendante parce qu’on lui avait dit que les serments qu’on y faisait étaient plus inviolables que ceux que l’on faisait à l'éf^lise. Saint Grégoire le Grand, Epist.. XIII, I, prémunit les Romains contre l’habitude qui s’implantait de garder le sabbat. Même avertissement dans le concile de Leptines {"jft’i), c. 5. A Lyon, au ix’siècle, des lidèles vont entendre prêcher les rabbins et prétendent que leurs sermons valent mieux que ceux du clergé catholique ; ils fréquentent les Juifs, les servent, mangent de leurs mets apprêtés à la juive, éprouvent pour eux une sorte de vénération religieuse.

La magie contribue à l’inlluence des Juifs. Ils passaient pour y exceller. Saint Jean Chrysostomiî, Ornt.i"-^ ^ et vin^, 7, dénonce, dans les remêdesqu’ils oITrent, des enchantements diaboliques. Il serait oiseux de relever les textes qui les présentent comme magiciens. Il sullira d'évoquer la légende de Théopliile, fameuse au moyen âge ; c’est un juif qui sert d’intermédiaire entre "Thcopliile et le démon.

Le judaïsme (H, dans les rangs des chrétiens, des recrues importantes. Nous avons mentionné Vecelinus, chapelain du duc Conrad ; Bodon, clerc du palais de Louis le Débonnaire ; un évêque énigmatique de l’Orient. Le juiflsAAO, baptisé, attaché à l’antipape Ursin. calomniateur desaintDamase, exiléen Espagne (vers 3'7g) et retourné au judaïsme, doit-il être identilié avec le mystérieux personnage connu sous le nom d’AsinRosiASTER ? Dom G. Morin, qui avait proposé cette identification, dans la Bévue d’histoire et de littérature religieuses, Paris, 1899, t. IV, p. 97128, y a renoncé décidément, /?ei' » e /(e’fiérficdHe, igi^,

t. XXXI, p. 34.

86. De 1100 à 1500. — Des Juifs feignent de se convertir. Les conversions forcées étaient contre la volonté del’Eglise. Il ne futpas sans exemple qu’elles fussent imposées par des laïques, principalement sous cette forme indirecte qui consistait à condamner à l’exil et à la perte de leurs biens ceuxqui n’auraient pas reçu le baptême. Plutôt que d’abandonner leur foi, des Juifs acceptèrent l’exil, la spoliation, la mort. La plupart se convertirent en apparence, uniquement en apparence. C'était une faiblesse humainement explicable, qu’on voulut ériger en ligne de conduite légitime. Un écrivain « d’une piété outrée ii, dit Grætz, trad., t. IV, p. 189, « d’une orthodoxie farouche)i, dit L.G. Li' ; vv, Maimonide, p. i i, ayant prétendu que les Juifs attachés à leur religion mais professant extérieurement l’islamisme devaient être traités en apostats, Maïmonide, dit encore L.-G. Lévy, s’appliqua à établir la fausseté de celle conception outranciére et à calmer l’agitation des consciences » par sa Lettre sur Vupostasie ; il justilia les Juifs qui simulaient l’islamisme. Qu’il s’agit de l’islamisme ou rlu christianisme, le principe était le même, et pareille en fut l’application. En Espagne, pendant la tourmente de iSgi, des milliers de Juifs demandèrent le baptême. La plupart gardèrent l’apparence du catholicisme, mais accomplirent en cachette les rites juifs. Le peuple, qui ne se trompait pas sur leurs sentiments intimes, appelait ces nou veaux chrétiens marranes, ou « excommuniés »

« damnés)i, et les haïssait encore plus que les Juifs.

L’inquisition d’Espagne fut fondée (i^So) contre les pseudo-convertis du judaïsme et de l’islamisme.

Nousavons vuqu’unde ces marranes. Profiai Duran, se remit promplement à vivre en juif et salirisa les néo-convertis. En dehors des marranes, des Juifs qui avaient été baptisés, que leur conversion efit été ou non sincère, revinrent au judaïsme. Cf. J.-M. Vidal, liullaire de l’inquisition française au xiv siècle et jusqu'à la fin du grand schisme, Paris, 1918, p. 55.'j (à la table des matières). Toutes les fois qu’un juif se convertissait, il y avait une levée de boucliers contre lui pour l’arracher à la foi chrétienne. Làdessus porta le principal reproche de Ferdinand et d’Isabelle dans leur édit d’expulsion dés Juifs d’Espagne (i^ga).

Ce n’est pas tout. Bien que diminuées, les tendances judaïsantes persistaient parmi les chrétiens. Une bullede Nicolas IV, cf. Raynaldi, Annal, eccles., an. 1290, n" 49, nous apprend qu’en Provence ils vont à la synagogue, avec des flambeaux allumés et des offrandes, et y vénèrent le rouleau de la Loi. Des faits analogues se passent en Espagne à la fin du xve siècle. Hubkbtin de Casale, Arbor viiæ crticifixæ Jesu, IV, xxxvi, prend à partie ceuxqui signent les mourants de baume et d’eau en prononçant des formules hébraïques. Richard de SaintVictor, De Emmanuele lihri II, P. L., t. CXCVI, col. 601, 666, réfute des a judaïsanls » sympathiques à l’interprétation juive de YBcce firgo concipirt. Continuellement les papes et les conciles sont obligés de défendre de se marier avec les Juifs, de s’asseoir à leurs tables, de participer à leurs fêtes.

Des chrétiens firent plus que d’incliner au judaïsme ; ils l’embrassèrent. Une bulle de Clément IV (26 juillet 1267), renouvelée par Grégoire X et Nicolas IV, apporte des révélationssurprenanles. Elle commence de la sorte : Turhato corde audivimus et narramus quod quamplurimi reprobi christiani, eritatem catholicæ fidei abrogantes, se ad ritum Judai’orum damnahiliter translulerunt. Un des adeptes du judaïsme fut Hugues Aubriot, prévôt de Paris, qui vivait scandaleusement avec des femmes juives (1381). Cf. E. DÉPRRZ, Hugo Auhricit præposilus Parisiensis et urhanus prætor {1367-1381) que pacte cum Ecclesia atque Universitate certaverit, Paris, 1902. Un juif, le cabbaliste Abraham Aboulafîa, projeta de convertir au judaïsme le pape Martin IV, et, pour y travailler, se rendit à Rome (1281).

Peut-être les succès du prosélytisme juif ont-ils influé sur la formation de la légende d’un pape d’origine juive, qui serait venu d’Allemagne comme la papesse Jeanne. Cf. E. Natali, Il ghetto di Roma, Rome, 1887, t. I, p. 93-9'(. Et l’antipape Anaclet II (1118), de la puissante famille des Pierleoni, pelit-iils d’un juif converti, fut appelé nec judæus qiiidem. « rerf judæo etiam deierior par Arnoil de Lisieux, Trnctatus de schismate nrlo post llonorii II mnrtem, ni.

27. I>e i’Mt à 1789. — Plus que jamais, des Juifs feignent d’adhérer au christianisme, surttmt en Espagne et en Portugal. Il est juste de reconnaître les duretés des édits d’expulsion (1492 pour l’Espagne, 1496 pour le Portugal), les rigueurs implacables de l’inquisition malgré les protestations réitérées des papes, le courage des Juifs qui, au prix d’une partie de leur fortune, partirent pour l’exil plutôt ()ue de recevoir ie baptême ou subirent la mort pour leur foi. La plupart, pour éviter l’exil, simulèrent le christianisme : ceux-là furent des faibles, dont la lâcheté s’explique, si elle ne se justifie point. Ce qui est autrement blâmable, c’est que ces « nouveaux convertis » — non pas tous, il y en eut de sérieux — jouèrent