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JUIFS ET CHRETIENS

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style mordant. Isaac den Moïse, plus connu sous les noms de Puoi-iat Uuran et d’Eroui, baptisé (13gi) puis retourné au judaïsme, lança une satire virulente contre les Juifs baptisés ; de lui est probablement la Confusion des nations. Après la conversion de Paul DE Sainte-Marie, de Burgos, appelé antérieurement Saloiion Halévi (13gi), un de ses disciples, Josuii BEN Joseph de Lorca, lui écrivit une lettre oii, sous prétexte d’exposer simplement ses doutes, il attaqua les dogmes chrétiens. On s’est demandé si ce personnage doit être identilié avec JosuÉ Lorca qui embrassa le christianisme, prit le nom de Jérôme de Sainte-I’oi, défendit contre les rabbins la cause catliolique au colloque deTorlose (ilii’i-iltil)) et publia le Traclatus contra perfidiam Judacorum que nous retrouverons. La question est pendante. Deux des champions du judaïsme à Tortose publièrent, l’un, Vidal Bbnve-NisTB iiiN Labi, le Saint des saints contre Jérôme de Sainte-Foi, l’autre, Joseph Albo, une controverse (en langue espagnole) soutenue contre un haut dignitaire de l’Eglise, et ses fameux Fondements ou Principes où la polémique antichrélienne reparait sous une forme moins accentuée. Hayim ben Juda ibnMusa (+ vers 1450) écrivit Bouclier et lance contre Nicolas de Lire. Un autre juif originaire d’Espagne, mais qui était allé se fixer en Algérie, après 1871, Simon BRN Cémah Duran avait écrit.4rc et hoaclier, et son lils Salomon Duran la Guerre de la loi (contre Jérôme de Sainte-Foi). En Italie, deux polémistes méritent une mention : Salomon ben MoïsB BEN Jekuthiel, à Rome, et Moïse ben Salomon, à Salprne (lin du xiii" siècle).

Restent des écrits attaquant la foi chrétienne ou indirectement, par la manièie dont les croyances juives sont exposées, ou par des allusions directes et des fragments de polémiques : ce sont des midraschim, par exemple, ou ce Zohar, le plus célèbre des livres cabbalistiques, édité par Moïse de Léon (-J- 1305) comme l’oeuvre du docteur tannaïte Siméon ben Yokhai (lin du 11’siècle), mais probablement composé par Moïse lui-même avec îles éléments de date etd’origine iliverses. Et il y a, avec le ïalraud, des ouvrages dont les titres parvinrent, bien ou mal, à la connaissance des chrétiens. Benoît Xlll (Pierre de Luna) condamna le Talinud, et, en même temps, libelluin illum qui apud cos Mur Mur Jesu nominatur, quique in contumelinm Redemploris nostri affirmatur compositus, elquemc unique libruni, hrei’iarium seu scripturam, matedictionem, vituperia seu contumelias contra Sulvatorem noslrum Christum Jesum, sacratissiniam Virginem ejus matrem, aliquem sanctoram, seu contra /idem catholicam, ecclesiastica sacranienta, sacra vasa, lihros vel alia ecclesiastica nrnamenta seu ministeria, aut contra christianos q’ioslihet continentes, bulle Etsi doctoris geniium (3 mai 1415)> dans Bartolocci, liihliotheca magna ralliinica, t. III, p. 73^. Enfin le Toledot Jesu a une diffusion scandaleuse.

19. De l : ’, Ol) à 1789- — l. Lokb, Hevue de l’histoire des religions, Paris, 1 888, t. XVIII, p. 1 55, mentionne, parmi les polémistes juifs k les plus remarquables de cette période, Isaac Orobio de Castro, Saïjl Lrvi Mortera, Elie Montalto, Abuaham ("iEr, et l’auteur du Danielillo », édité à Bruxelles, en 1868, et rattache à ces écrits les apologies d’.BOAB cl de Samuel UsQUE. Ajoutons Salomon ibn Vkrc.a, <|ui achève la Verge de Jacoh au commencement du xvi" siècle, et le caraïte Isaac ben Abraham Troki ([- vers 15g4), originaire <le Trok, près de Vilna, auteur de L’affermissement de lu foi, livre i>cu original, dont les arguments sont empruntés à des écrivains judéoespagnols, mais qui a été traduit en espagnol, en latin, en allemand et en français ; reproduit par

Wagenseil dans ses Tela ignea Satanae, il fut réfuté par lui et par divers controversistes chrétiens. S. Khauss, Hevue des études juives, Paris, 1904, t. XLVII, p. 82-ij3, a étudié un ouvrage satirique de JoNA Raha, qui vivait à Casale, vers le milieu du xvi° siècle. J. Bergmann, Hevue des éludes juives, Paris, igoo, t. XL, p. 188-ao5, a fait connaître deux polémistes juifs italiens, Elie de Genazzano (dernier quart du xv’siècle) et nn anonyme (iGi^). Au xviii* siècle, polémiquent David Nieto (J-i^aS), né à Venise, rabbin à Londres ; Juda Léon Bribli ("j- vers 1722), rabbin à Manloue, et Moïse Mendelssohn (-{- 1786), la gloire du judaïsme moderne, qui, provoqué maladroitement par Lavaterà réfuter des arguments en faveur du christianisme ou à devenir chrétien, défendit « la religion méprisée des Juifs)) et déclara considérer le christianisme comme une erreur.

Il se rencontra, pour combattre le christianisme, mais non au profit d’Israël, deux écrivains d’origine juive : Ubikl da Cosia et Spinoza. Uriel da Costa, descendant de marranes, vint à Amstenlam, où il adhéra au judaïsme, attaqua le rabbinisnie, et, deux fois excommunie, déchargea un pistolet sur un parent qu’il croyait l’instigateur de la persécution qui le poursuivait, et se donna la mort (1640) ; il laissait une autobiographie, intitulée Spécimen d’une vie humaine, qui était une vive diatribe contre les Juifs et contre toute religion révélée. Baruch Spinoza, également excommunié par la synagogue d’Anistei’dam (1656), cf. T. de Wyzewa, La jeunesse de Spinoza, dans la Hevue des Deux Mondes, 15 mars 191 1, p. 449-4C0, se détacha du judaïsme extérieurement, mais il resta essentiellement juif. La pensée de Spinoza prit sa source dans le judaïsme même, surtout dans la cabbale, autant et plus que dans la philosophie cartésienne ; il ne faut pas hésiter à reconnaître que certains principes de VEthique constituent « un acte d’hostilité formelle contre le christianisme, un déli lancé [)ar un révolté juif au xvii= siècle croyant », et que Spinoza tranche « dans un sens juif les grands problèmes que l’homme se pose de toute éternité)j, M. Muret, L’esprit juif, 2° édit., Paris, 1901, p. 86.92.

Pour apprécier <i le rôle idéologi([ue du Juif » à partir du xvi= siècle, n’y aurait-il pas lieu de tenir compte de ce que Montaigne, ce « demi-juif » — sa mère,.Vntoinette de Louppes ou Lopez, était d’une famille de marranes de Bordeaux — doit de son sce])licisme et de son incrédulité relative à l’atavisme juif, cf. B. Lazare, L’antisémitisme, p. 335 ; E. Dnu-Mo. NT, La France juive, t. I, p. 225-326, et, d’autre pari, de l’influence de Monlaigne sur les destinées de l’anticléricalisme’.' Cf. E. Fagukt, L’anticléricalisme, Paris, 1906. p. 8-9, 53, 58-60.

Enfin, au xvii" siècle, les Wagenseil, les Bartolocci, les WoLF, etc., étudièrent ces vieux livres de polémique héhraïque. « ceux qui attaquaient la Trinité, l’Incarnation, tous les dogmes et tous les symboles, avec l’àpielé judaïque et la subtilité que possédèrent ces incomparables logiciens que forma le Talmud. Non seulement ils publièrent les traités dogmatiques et critiques, les.V/ ;  : a(/io ;  ; et les Chizuh Emuna l’affermissement de la foi de Troki], mais encore ils traduisirent les libelles blasphématoires, les Vies de Jésus, comme le Toledot Jesu, et le xviri’siècle répéta sur Jésus et sur la Vierge les fables et les légendes irrespectueuses des pharisiens du 11= siècle, qu’on retrouve à la fois dans Voltaire et dans Parny, et dont Pironie rationaliste, acre et positive, revit dans Heine, dans Boerne et dans d’israëli », dit B. Lazare, L’antisémitisme, p. 337. Sous cette forme indirecte, la littérature juive étendit son action autichrétienne.