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JUIFS ET CHRÉTIENS

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de ces calomnies qui ont été si funestes au christianisme et qui le sont encore. Il spéoilie que l’accusation de manger, dans les réunions nocturnes, des enfants ég^orgés rient d’eux ; celle accusation de meurtre rituel, dont ils ont tant soulTert, les Juifs l’auraient donc forgée et dressée en machine de guerre contre les chréliens. Ecsébb reproduit les dires de saint Justin. Assurément, tout cela est fort grave.

Les païens étaient habitués à accueillir les Juifs par des plaisanteries d’un tour grivois ou obscène, et, entre autres choses, ils les accusaient d’adorer une tète d’àne. Faut-il admettre, avec Dom Leclerco, L’Afrique c/ire/i’enne, Paris, igo/i, t. I, p. 116, que

« ceux-ci, vexés, s’étaient ingéniés à reporter sur les

chréliens cette imputation », et qu’ils y avaient réussi, à preuve le « crucilix » du Palalin et autres caricatures analogues qui nous sont parvenues à plusieurs exemplaires ? Faut-il rejeter sur les Juifs le scandale de l’exhibition, à Carlhage, par nn valet d’amphithéâtre, juif d’origine mais renégat, d’une peinture munie de cette inscription dégoûtante : Deus christiaiiorum ivîxîirv ;  ; (et non iv^st/irv ;  ; , odieux mais moins révoltant)’? Cf. Dom H.Lkclercij, dans le Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, Paris, igoVigOy, t. I-, col. 2041-20117 ? En l’absence d’arguments qui s’imposent, nous aimons mieux croire que les Juifs ne furent pour rien dans ces horreurs.

Ce qui précède suffit, et au delà, pour s’expliquer le mot de saint Justin, Dial., ex : « Pour autant qu’il dépend de vous et de tous les autres hommes (les païens), chaque chrétien est banni non seulement de ses propriétés à lui, mais du monde entier, car à aucun chrétien vous ne permettez de vivre. » Même note dans VEpitre à Diognéte, v ; « Les Juifs font la guerre aux chréliens et, pendant ce temps, les gentils les perséculent » ; dans saint Hippolyte, In Dan., 1, xxi. Tebtl’llien dégage à sa manière l’impression qui résulte de toute leur conduite, Apol., vu : Tôt hosles ejus quoi extranei, et quidem proprii ex aemulalione Judæi.

§ m. L. POLKMIQDB

Sous ce titre, nous comprenons toute lutte, quelle que soit sa forme, qui ne tend pas directement à faire malmener ou mettre à mort les contradicteTirs, et donc les attaques de tout genre contre la foi chrétienne, les divers modes du prosélytisme juif et ses résultats. Quant aux controverses orales entre les Juifs et les chréliens, elles seront exposées lorsque le moment sera venu d’étudier la polémique anlijuivc des chréliens.

9. Les dit-erses formes de la polémique. — Il }’a l’enseignement otiiciel des rabbins s’elTorçanl de prémunir leurs coreligionnaires contre le christianisme par leurs discours et par les pratiques de la liturgie. Et il y a les écrits. Ils n’abondent pas. Et même nous ne possédons aucun écrit de polémique directe. I. LoEB, Revue de l’histoire des religions, t. XVII, p. 31/i, dit que « les chrétiens étaient obligés d’attaquer le judaïsme : l’avenir de la religion nouvelle en dépendait. Ils se mirent à l’iruvre avec acharnement ; on les vil fouiller la Bible, tourner et retourner cliaf |ue mot et chaque lettre du texte… Les Juifs furent d’abord stupcfails et ahuris de celle tactique aventureuse, il leur fallut du temps pour s’y habituer… Il send)Ie que les Juifs, à celle époque, n’aient ])as un goiil prononcé pour ces luttes ». L’observation est juste. Peut-être faul-il la compléter en disant que, après la ruine de Jérusalem, le judaïsme a systématiquement ignoré le christianisme ; pour

empêcher la pénétration, on préférait s’abstenir de tout échange de pensées.

Cependant, un moment ou l’autre, la rencontre était inévitable et l’on éprouvait le besoin de combattre l’objection chrétienne. Les écrits rabbiniques des premiers siècles mentionnent quelques vives ripostes assénées aux partisans de la doctrine nouvelle par les plus savants maîtres. Et, à défaut d’écrits se donnant franchement comme une attaque du christianisme, nous avons, parmi les apocryphes qui pullulèrent alors, plusieurs ouvrages qui peuvent se rattacher à la polémique antichrélienne des Juifs. Tels, dans une certaine mesure, d’après Richard Si.MON, a les pseudo-Evangiles juifs des premiers siècles, où l’on va trop souvent chercher de prétendus récits d’édilicalion », et qui sont a proprement des contre-Evangiles, œuvre de haine antichrétienne au premier chef », H. Margival, Richard Simon, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, Paris, 1896, t. I, p. iS".2-183. Tel encore le Litre des Jubilés, dont l’argumentation « pourrait bien être une apologie passionnée de la Loi dirigée contre le christianisme, les écrits de saint Paul y compris ", M.-J. L.gra>"ge, dans Isl Revue biblique, Paris, 1899, t. VIII, p. 158. Tels sans doute des fragments pseudo-sibyllins. L’éditeur de la meilleure édition des Oracula sibyllina, J. Geffckex, croit, Komposition und £nlstehungs : eit der Oracula sibrllinn, Leipzig, 1902, que les livres xi et xn sont en partie contre les chréliens. Devant traiter séparément du Talmud, nous n’utilisons pas maintenant la partie duTalraud qui fui composée durant cette période. Disons, d un mol, qu’on y trouve des attaques plus ou moins directes contre le christianisme. De même dans les midraschim, dont la série s’inaugure au II" siècle.

10. Le fond de lu polémique. — A. Contre les chrétiens. — « Vous nous haïssez », dit saint Jdstin aux Juifs, Dial., cxxxni, cf. xcv, cxxxvi. El il leur reproche avec insistance de déshonorer les chrétiens autant qu’ils le peuvent, de jeter sur eux les « vêtements sordides » du langage infamant, de les maudire, de les couvrir d’imprécations dans leurs synagogues. XVI, cf. xLvii, xciii, xcv, cviii, cxvii, cxxiii,

CXXXIIl.

C’est une question, et non peut-être entièrement résolue, de savoir comment Justin connut les façons de penser el de parler qui avaient cours chez les Juifs. Probablement il fait allusion à la prière principale du judaïsme, VAmida ou Chemoné-esré, qui était récitée trois fois par jour : le malin, à midi el le soir. Elle se composait de dix-huit bénédictions ou paragraphes. Vers l’an 80 après Jésus-Christ, entre le II’et le 12’paragraphes on intercala une imprécation ainsi formulée : « (^)ue les apostats n’aient aucune espérance et que l’empire de l’orgueil soit déraciné promptemenl de nos jours ; que les nazaréens el les niinim périssent en un instant, qu’ils soient elTacés du livre de vie el ne soient pas comptés parmi les justes ! Béni sois-tu, lah, qui abaisses les orgueilleux !) Dans ce texte, les nazaréens sont nommés en toutes lettres ; mais ils ne sont nommés expressément que dans la recension palestinienne de cette prière, découverte, au Caire, par S. Schechter, publiée par lui dans The je » ish quarterly retie>t, Londres, 1898, t. X, p. 654-659, reproduite par M.-J. Laghangr, Le messianisme chez les Juifs, Paris, 1909, p. 338-3’10. Les autres textes ne mentionnent que les minim.

Qu’est-ce que les miniml Question difficile à résoudre. Etymologiqucment, le min est un hérétique ; les minim sont donc des Juifs de dilTérentes sectes. C’est trop restreindre la portée de l’expression que