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JUIK (PEUPLE)

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savoir gré à M. Helin de lui avoir rendu toul le prestige dont on avait cherché à la dépouiller (Heun, op. latid., p. 36^-393 ;. C’est Moïse qui a fait de la religion de Yaliweh le lien qui devait grouper les tribus en un peuple ; c’est lui qui a fixé les traits essentiels du caractère du Dieu unique ; il est vraiment le fondateur du Yalnvisnie. Ses véritables continuateurs sont les prophètes, dont la série se poursuit dans toute l’histoire d’Israël, mais dont le rôle grandit aux époques didiciles, au temps de l’établissement de la royauté, puis du neuvième au septième siècles, enfin pendant l’exil et dans le siècle qui le suivit. — / ?) Mais comment ces hommes se sont-ils élevés si haut au-dessus de leurs contemporains’? Il faut d’abord noter qu’ils n’ont jamais présente leur doctrine, à la façon des philosophes grées, comme le fruit du travail de leur esprit, d’une spéculation quelconque. Il est d’ailleurs certains prolilémes qui ne se posaient ni pour eux, ni pour leurs auditeurs ; tous croyaient en l’existence d’un Dieu, qui n’avait rien d’abstrait, mais qui portait un nom rcfu de tous, Yahweli. La divergence entre les prophètes et la masse tenait uniquement à la manière dont on concevait le culte dû à ce Dieu, par conséquent h l’idée pratique que l’on se faisait du caractère et des exigences de ce Dieu. — v) Rien ne prouve qu’en elfet les prophètes aient puisé dans les résultats de leurs spéculations l’enseignement religieux qu’ils proposaient au peuple. D’abord ils ne manifestent nulle part une connaissance du monde jdiysique qui dépasse celle de leurs contemporains, ils n’ont aucune idée des lois générales et du système de l’univers ; à leurs yeux, la divinité est immédiatement derrière les phénomènes, derrière les plus ordinaires (la pluie, la sécheresse) comme derrière les plus rares (tremblement de terre) ou les plus miraculeux (arrêt du soleil). Ce n’est donc pas à raison d’une science plus profonde de la nature qu’ils ont une idée si juste du souverain domaine que Vahweh y exerce. — ô) Ils n’ont pas non plus une vue plus vaste de l’histoire que l’ensemble de leurs contemporains ; leur attention, à eux aussi, se concentre sur Israël, et ils ne s’occupent des nations <jue dans la mesure où elles intéressent Israël. Et pourtant, les jugements qu’ils portent sont tout autres que ceux de leurs aiidileurs..Vvant le désastre de 586, ceux-ci se révoltent contre la pensée que Yahweh puisse permettre la destruction de son peuple ; comme on le fait dans les pays voisins, ils estiment qu’un dieu ne peut se passer de ses adorateurs sans compromettre sa propre existence. De là, aux heures d’angoisse, cet optimisme, dans lequel d’ailleurs les faux prophètes les confirment (1 Reg., xxii, 1 1, 12 ; A/i., 11, 7 ; III, 5 ;./er., XIV, 13, lô ; xxiii, ij ; xxviii. i-4 ; Ez., xiii, 10, 16). Après la ruine de Jérusalem, tandis que les uns se contentent de dire que Yaliweh a abandonné le pays et s’en désintéresse (Ez., viii, 12 ; 1.1., xLix, i/|), se résignent à la ruine d’Israël (Ez., xxxvii. m), il en est qui vont beaucoup plus loin : ils regrettent d’avoir obéi aux prophètes et cessé d’invoquer des dieux plus x>uissants que Yahweh (1er., xLiv, 15-if)). En conformité avec les idées du temps, l’histoire leur semble proclamer la déchéance, la défaite, le néant de leur Dieu. Si les prophètes parlent autrement, c’est que leur foi, loin d’être le fruit de spéculations basées sur l’histoire, est antérieure à ces leçons de l’histoire, et leur permet de les mieux saisir que ne le fait la masse. Avant .586, ils ne se raidissent pas contre la logique des faits qui doivent aboutir à la catastrophe. Mais leur foi leur fait trouver l’explication de ces désastres dans les exigences de Yahweli châtiant son peuple rebelle et obstiné..près 586, ils n’ont pas un instant la pensée de traiter Yahweh comme un Dieu vaincu.

Ils comprennent toutefois la dillicultc du problème ; et c’est pour cela que la lin de l’exil leur apparaît comme la revanche nécessaire cle Yahweh, comme le moyen dont il doit en quelque sorte se servir pour sauver l’honneur de son nom et faire valoir sa transcendance aux yeux des peuples. — /) Enfin le caractère si profondément moral de leur monothéisme n’est pas non plus le fruit d’un travail discursif de leur esprit. Ils n’ont pas, ils ne formulent jamais un sjslèræ d’éthique. Leurs réclamations sont toujours très concrètes ; elles portent sur des points censés connus de tous, parce qu’ils figurent dans les codes de lois qui sont en circulation à leur époque. Ce qui est particulier aux prophètes, ce n est même pas d’avoir présenté ces lois comme des volontés divines ; elles étaient connues comme telles. Ce qui constitue le trait distinctif de leur prédication et ce qui provient net liment de leur foi, c’est d’avoir fait de l’observation de ces lois un acte religieux, d’avoir montré que l’exigence première de "Valnveli avait pour objet, non l’accomplissement d’un rituel, mais la fidélité à la loi morale : nulle part cette conception n’apiiarait comme le fruit d’une spéculation (cf. H.-F. IIamilton, op. laud., p. 63161).

3") Conclusions : les déclarations des prophètes.

— Il est temps d’entendre ce que les prophètes eux-mêmes produisent touchant l’origine de leurs messages. Nulle part ils ne s’attribuent la découverte des vérités qu’ils prêchent. Mais en revanche ils font sans cesse remonter à une action immédiate de la divinité les lumières qui jaillissent dans leur esprit. C’est Dieu iqui les éclaire ; et c’est parce que Dieu les éclaire qu’ils ne parlent pas, qu’ils ne jugent pas comme leurs contemporains et leurs auditeurs. C’est Dieu qui les éclaire, et c’est Dieu aussi qui les pousse, parfois malgré eux (Jer., xx, 7, 9), à communiquer au ])cuple les messages qu’ils ont reçus pour lui. L’origine du monothéisme prophétique est à chercher dans ces formules qui si souvent reviennent sur les lèvres des inspirés : Ainsi parle Yalnveh…, Oracle de l’a /aie/i.,. D’autres prophètes San s doute se servent de formules analogues. Mais il y a entre ceux-ci et les autres une double différence. D’une part, les faux prophètes sont toujours en parfait accord avec la masse : ils ne sont au fond que l’écho du sentiment et des idées populaires. D’autre part, aucun d’eux ne témoigne de ce contact immédiat avec la divinité dont les vrais inspirés ont été favorisés en des heures particulièrement solennelles. Les Isaie, les Jérémie, les Ezéchiel peuvent, à l’appui de ce qu’ils annoncent au peuple de la part de S’alnveh, rappeler, entre autres, ces circonstances particulières de leur vocation, dans lesquelles ils n’ont pas seulement entendu Yahweh, mais ils ont eu la vision de sa majesté.

Il semble donc que l’on puisse arriver nettement à cette conclusion : le monothéisme hébreu n’est pas seulement transcendant [)ar son contenu ; il l’est encore par son origine, et la religion dont il est le centre est, selon toute la force du terme, une religion voulue par Dieu, révélée par lui.

DEUXIÈME PARTIE

L’i ; SPi ; HA>T.E MESSIANIQUE

I. Remarques préliminaires. — 1°) Les prophètes ont proclamé que le monothéisme prêché par eux était la seule religion digne de Yahweh. Mais ils ont en même temps <léclaré que celle forme religieuse n’était pas définitive et qu’une autre plus parfaite devait lui succéder. En ctTel, bien qu’ils aient sans cesse et unanimement regardé Yahweh comme le seul