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JUIF (PEUPLE)


t) Mais à partir de l’Exode, ce nom, très précis, très personnel, remplacera les appellations génériques et vagues sous lesquelles le Dieu des pères était honoré. Ce nom groupera les tribus pour la sortie d’Egypte ; il maintiendra entre elles un lien lorsque dans ledésertle liasard des migrations les dissociera ; il les groupera à nouveau pour la conquête du pays qu’elles convoitent ; c’est lui aussi qui rattachera à la nation les divers éléments étrangers qui voudront s’y associer (Ex., xii, 38 ;.Xiim., x, 29-32 [cf. Jiid., I, iGJ). Bref, le nom de Yahweli prcnd une place essentielle aux origines de la nation Israélite ; c’est par lui que ses divers éléments sont unis ; il est le garant de leur permanence dans l’unité ; c’est vraiment par lui que le peuple existe. Israël est une unité religieuse avant d'être une unité nationale, et c’est le cas de rappeler le mol de M. IIbun (np. luud., j). a^'j) : a La coalition du Sinaï est l’araphiotyonie <les adorateurs de Vahweb. »

h) — a) Si tel est le lien qui unit Yaliweh à Israël, tout relâchement de ce lien aura pour conséquence un alïaiblissement proportionné de la vie nationale. Israël ne saurait, sans détriment pour sa propre existence, surtout à une date où elle est encore précaire, partager son culte entre Yaliweh et d’autres dieux : Yaliweh doit lui apparaître essentiellement jaloux, ainsi qu’il est dit dans le Décalogue (A>., xx, 3, 5). La siluatioanechangerapas quand le peuple entrera en Canaan, et rien ne mettrait davantage son avenir en péril que la séduction du culte de Baal, ainsi que le déclare le Deutéronome (Dent., vii, 4 ; xii, 2, 3). Dès l’origine donc s’affirme, comme nécessairement, l’exclusivisme de Y’ahweh. Mais en même temps, son caractère et sa transcendance se manifestent. — ; 3) Le fait même qu’il porte un nom propre contribue déjà à lui assurer une personnalité très tranchée et très vivante. De plus, il se distingue nettement de ces divinités naturistes qui émergent si peu au-dessus des phénomènes qu’elles personnifient. Israël ne l’honore pas comme le Dieu d’un pays déterminé, puisqu’au moment où il entre en relation avec lui, il est encore sans patrie. Bien que les manifestations du Sinaï aient pour cadre une série de prodiges qui rappellent l’orage ou même l'éruption volcanique (Kx., XIX, 16-19 ; cf. £3., !, 4 ; /-"s. xvni, 8-16 ; xxix), Israël n’adore pas Yahweh comme le principe de tels ou tels phénomènes célestes ou terrestres. Il l’adore à la suite d’une intervention personnelle, qui a pris place à un moment déterminé de l’histoire et dans laquelle Yahweh a fait acte d intelligence et de volonté, de sentiments analogues à ceux qui caractérisent l'être le plus personnel et le plus vivant ici-bas, l’homme. — y) La manière dont Yahweh se manifeste sur la montagne ou dans le buisson montre à quelle distance il se tient de la nature et de l’humanité ; seuls quelques privilégiés peuvent l’approcher (/T.r., m ; xix, io-15,.>.i). et moyennant des précautions particulières (E.r., iii, 5 ; XIX, 22). D’ailleurs, il ne revêt dans son apparition aucune figure que l’on puisse caractériser (Dent., iv, 15) ; on use, pour en parler, de termes vagues, tels que a gloire (Ex., xvi, 7, 10 ; xxiv, 16, 17 ; xxxiir, 18, 22), la face (Ex., xxxiii, 14, l5 ; cf. xxxiii, 20 |qui sans doute explique xxxiii, 11]) ; ou bien l’on fait intervenir V ange de Yalmeli, forme plus précise, il est vrai, mais qui déjà n’est plus tout à fait identique à Yahweh lui-même (Ex., iii, 2 ; xxiii, 20 ; xxxiii, 2). Aussi le Dieu d’Israël interdit-il qu’on le représente sous quelque forme que ce soit (A'.r., xx, 4 ; xxxiv, l’j ; iJeiit., IV, 15-18 ; v, 8). Il ne reconnaît qu’un symbole légitime de sa présence, l’arche qui trouve place en son sanctuaire officiel et ne peut prêter à équivoque. Notons encore ce fait très caractéristique, en

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rapport avec la transcendance de Yaheh : seul peut-être entre tous les dieux, il n’a pas de déesse parcdrc. Enlin, il alliriue sa supériorité en disposant, en faveur de son peuple, des territoires dont les autres dieux sont censés les maîtres (.uiii., x.xi, 21-35 ; Deut., II, 26-m, 5) ; comme les événements justilient ses prétentions, les Israélites en garderont le souvenir, et leurs ennemis en ressentiront de l’eUroi (Vos., II, g-u ; cf. IX, 9, 10).

c)Lapluparl des exégètes reconnaissent que le fond au moins des préceptes du Décalogue remonte à Moïse (cf. STEt/KRNAGiîi, , Lchrbuch der Einleituiig in dus Alte Testament, p. 269 sv.). Or les commandements dits de la secoiule table (Ex., xx, 12-1^) représentent ce qu’il y a de plus essentiel dans l’idéal moral si cher aux prophètes du huitième siècle, et ils en font la règle, non seulement des actes extérieurs, mais des pensées elles-mêmes et des sentiments (£.r., xx, 17). Beaucoup de critiques font aussi remonter aux temps mosaïcjues, sinon la rédaction, au moins la forme traditionnelle d’une partie du code de l’alliance (Ex., xx, 22-xxiv, 3) ou du petit code yahwiste de la rénovation de l’alliance (Ex., xxxiv, 10-27). On a pu rapprocher ces deux documents du code de Hammiirapi. Si la loi babylonienne atteste une civilisation plus avancée, la loi israéli’LC témoigne d’un sens religieux et moral plus élevé ; en entremêlant les préceptes moraux et les ordonnances religieuses, le Décalogue, le Code de l’alliance, comme aussi le Deutéronome, expriment déjà cette idée sur Ijiquelle reviendront si souvent les prophètes : dans la religion de Yahweh, le culte extérieur est absolument inséparable de l’observance morale.

B. Au temps des Juges et des premiers liais. — rt) Comme l’atteste le livre des Juges (Jud., 11, 10-19 ; m, 7, 12 ; IV, I ; X, 6 ; xiii, i), la période de l'établissement en Canaan fut un tempsde dégénérescence religieuse. Sur la terre de Baal et d’Aslarté, les Israélites se laissèrent entraîner à leurs autels (Jud., 11, 1 1, 13 ; lu, 7 ; x, 6). En même temps, ils admirent dans le culte de Yahweh des emblèmes et des usages empruntés aux rites païens : éphod (Jud., viii, 24-27), objets cultuels du sanctuaire de Michas (Jud., xvii, 2-5), sacriOces humains (Jud., xi, 31) ; par surcroît, l’influence cananéenne amollit siugulièreiuent les mœuis. Mais tandis que la masse apostasie et, en adoptant les usages du pays, risque de perdre le sens de sa vie nationale, des âmes plus élevées gardent fidèlement la religion du Sinaï. Aussi, quand le danger est particulièrement menaçant, c’est au nom de Yahweh que les libérateurs soulèvent les tribus pourun elVort commun (Jud., IV, 6, 9, 14 ; V, 31 ; VII, 18). Avant de partir en guerre, Gédéon détruit l’autel de Baal (Jud., VI, 25-32). Quant à la manière dont Jephtè parle de ChainosdeMoab(.A<rf., xi, 24), on pourrait lui trouver des analogies dans des livres qui sûrement ne sont pas suspects d’h'énolhéisme (Deut.^ iv, 19 : xxxii, 8 [d’après le grec]) ; on pourrait dire aussi que Jeplité emploie ici le langage communément reçu ; il n’est pas nécessaire d’ailleurs de prouver que tous les juges avaient des idées orthodoxes. D’autre part, après que les Hévéensde Gabaon se sont unis à Israël [Jos., ix), leur haut-lieu devient l’un des principaux sanctuaires de Yahweh (I Reg., iii, 4)- Enfin, même au temps des.luges, la résidence de l’arche demeure le premier lieu de culte en l’honneur du Dieu d’Israël (yos., xviii, i ; Jud., xxi, 19 ; I..Sam., i, gsv.).

li) — a) C’est au nom de Yahweh que les Juges s’efforçaient de ranimer dans les tribus le sentiment de l’unité nationale. C’est aussi en son nom que fut réalisée l’inslitution qui devait rendre cette unité plus compacte et plus stable. Les deux premiers rois sont sacrés par un prophète de Yahweh

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