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JUIF (PEUPLE)

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précision de pensée que l’on ne trouverait pas ailleurs. Au juste leslongs jours, la santé, larichesse, le bonlieur, une nombreuse postérité, et, après sa mort, une mémoire do bénédiction ; au méeliant les niallieurs, les maladies, les catastrophes soudaines, la mort prématuiéc, une mémoire maudite.

— d) Toutefois cette idée même qu’ils avaient de la justice de Yabweh devait, avec le progrès des révélations, amener les Juifs à reconnaître l’insuffisance des rétributions terrestres. Ce ne fut pas du premier coup, ce ne fut jias de bonne heure ; on peut même dire que le grave sujet des sanctions fut l’un de ceux qui bénéficièrent le phis tard des lumières surnaturelles de la révélation. Un bon nombre de Psaumes s’en tiennent encore, à propos du juste et du méchant, à l’idée des rémunérations d’ici-bas ; cette conception apparaît à l’exclusion de toute autre dans les Proverbes et 1 Ecclésiastique.

— e) Déjà pourtant, à des heures particulièrement douloureuses, un Jérémie avait posé à Dieu lui-nu"-me le problème des souffrances du juste et de la prosI)érité de l’impie (./er., xii, i-/l). La question fut reprise dans le livre de Job. Ses amis ne trouvèrent rien de mieux, pour soutenir Job dans son épreuve, que de lui rappeler les antiques solutions, de blâmer l’orgueil avec lequel il allirmait son innocence, de l’exhorter à regretter ses fautes pour se rendre digne de la faveur divine (Joh, iv, v, viii, etc.). Job. n’en persista pas moins à se déclarer innocent, à protester en tout cas que son épreuve était hors de proportion avec ses manfpiements, à mettre en contraste avec sa misère la prospérité des méchants (hh, VI, vii, IX, X, XIX, etc.) ; finalemenlilenappelait à Dieu lui-même (/oli. xix, xxvi-xxxi). La réponse de Dieu n’a rien de définitif ; elle consiste à proclamer combien téméraire est l’homme qui veut discuter des problèmes trop forts pour lui et s’en prendre à un Dieu infiniment sage et infiniment puissant ('oh, xxxviii-xi-i). Cependant le prologue du livre {.loh, i, II) et l'épilogue (, /oi., xLii, 7-17) témoignent que la souffrance du juste est une épreuve, que Dieu la permet afin d’expérimenter et de fortifier la lidélilé de ses serviteurs, quitte à rémunérer largement dans la suite leur persévérance. Les discours d’Eliu (/ « /'. xxxii-xxxvn) ajoutent à la solution quckpies données secondaires concernant l’inlluence éducatrice de Kl douleur. — /') De son cùté, l’auteur de VEcclcsidstc aborde le grand problème de la vie humaine, mais il l’envisage surtout à un point de vue pratique : puisque aucun des biens dont on peut jouir ici-bas, plaisirs, richesses, sagessse même et vertu, ne sulliscnlà l’homme pour le rendre heureux ; puisipie, relativement au bonlieur, il n’y a guère de distinction entre le juste et rim|)ie, le plus sage est que chacun profite de son mieux du peu que Dieu lui donne : conclusion pratiipie de résignation qui certes a bien sa valeur. — fO II n’en est pas moins surprenant que, ni dans Job, ni dans l’Ecdésiaste, on ne f.isse appel aux grandes solutions que donne à ces problèmes la perspective des rémunérations d’outre-tombe ; tout au iilus peut-on dire que dans ./o/), xix, 23-27, l’hypothèse est faite d’un retour j)ossiblc à la vie pour entendre le jugement de Dieu. Peut-être que certains Psaumes, le Lxxin' par exemple, vont un peu jilus loin. En tout cas, la Sagesse palestinienne n’aboutit pas à donner pleine satisfaction aux problèmes qu’elle avait posés ; le livre lie Tobie (/'o/ ;., iii, 6, 15, 20-9.3 ; iv, 12, 28) s’exprimera sensiblement comme l’Ecclésiastique. — h) Deux ouvrages proenant du milieu alexandrin feront davantage avancerla question. Le dcuxièmelivre des Macchabées insiste beaucoup sur l’action [irovidcnlielle de Dieu ici-bas et sur la rétribution terrestre

des méchants en particulier : la correspondance est rigoureuse entre l’olTense et le châtiment (II Macch., rv, 38 ; V, 9, 10 ; ix, 5, G ; xiii, 4-8 ; xv, 32-35). Il accentue la dillérence entre les Juifs et les païens : le châtiment des Juifs est inspiré par l’amour (Il Macch., VI, 12, 13, 14-16) ; les païens sont voués à l’endurcissement, jusqu'à ce que la mesure soit comble et mérite la suprême destruction (II Macch., vi, 14'). De plus, tandis que pour les païens la ]>erspective s’arrête aux jieines d’ici-bas et à la malédiction de leur race (II Macch., vii, 16-19), elle ira pour les Juifs au delà de la tombe : au milieu des soulfrances qu’ils endurent pour la nation, les justes peuvent se consoler par la pensée de la résurrection (Il Macch., vii, 9, II, 23 ; cf. 30-38 ; xii, 43, 44)- Le.scheol n’est pour eux qu’un séjour intermédiaire ; même, ceux qui y portent encore le poids de quelque faute, peuvent être secourus par des sacrifices pour le péclié, par des prières, par des expiations, olTerts par les vivants (Il Macch., xii, 43-40). Le progrès doctrinal se manifeste encore dans la Sagesse de Salomon. Ici, l'àme a son être tout à fait indépendant du corps, elle peut vivre sans lui, si même sa présence ne la gène pas dans l'épanouissement de ses facultés et de ses actes (.S’fl/?., ix, 15). De l’idée de spiritualité à celle d’immortalité, la transition est des plus naturelles. L'àme ne périt pas avec le corps ; après la dissolution de la chair, elle a peut-être plus de liberté dans l’exercice de ses opérations vitales ; loin d’aller languir au.< ! clieol, elle devient parfaitement apte à porter dans r.u-delà le contre-coup de ce qu’elle a fait ici-bas, à recevoir des récompenses et à subir des châtiments. De ce côté de la tombe, le juste peut être châtié pour ses infractions légères (Sap., iii, 4, &) Dans l’Au-delà il jouit pleinement de la félicité : il vivra à jamais, sa récompense sera avec le Très Haut qui prendra soin de lui. qui l’investira d’une royauté glorieuse et ceindra son front d’une magnifique couronne (.s’n/).. V, 15, 16) ; les justes jugeront les nations et domineront sur les peuples (Sap., iii, 8). Ces rémunérations sont si brillantes que, pour le juste, mourir jeune c’est être l’objet d’une faveur spéciale de Dieu (.Sap., rv, 13, 14). Le sort des impies est peutêtre décrit avec moins de netteté. La mort n’a pas été voulue par Dieu (.Sap., i, 13, 14) ; elle est le fruit du péché et de l’envie du Diable (.Sd/)., 11, 23, 24). Aussi les impies l’appellent-ils par leurs (fuvres ; ils font alliance avec elle (Sap., i, 16). Dieu ne les épargne pas ; il les accable dès cette vie sous le poids du châtiment (Sa p., iii, ii-13, 17, 18). Leur fin sera horrible (Sa p., iii, 19) : Dieu se moquera d’eux et les méprisera ; ils ne seront plus que de vils cadavres, un objet d’ignominie parmi les morts (Sap., iv, 18). Dieu les éhranlerajusqu'à la base ; ils seront plongés dans le chagrin et leur souvenir périra ; quand il leur faudra rendre compte de leurs fautes, la crainte les saisira et leurs iniquités témoigneront contre ewK (Sap., IV, 19, 20 ; V. 17-23). Le contraste établi par le Sage entre le sort du juste et celui de l’impie indique qu’il faut [dacer dans l’Au-delà le terme du châtiment comme celui de la récompense. Le grand jugement du chapitre v, dans lequel les méchants comparaissent en face des justes, semble bien être, lui aussi, une scène d’outre-tombe.

(') Il est à propos de noter que la pauvreté des solutions apportées par les Juifs au proltlème des rétributions, de même que le développement doctrinal relatif à cet te question, on tété parfaitement saisis par nombre d’auteurs ecclésiastiques. On connaît le passage fameux de Bossuet : « La loi de Moïse ne donnait à l’homme qu’une (>remière notion de la nature de l'àme et de sa félicité… Mais les suites de cette doctrine et les iner cilles de la vie future ne furent