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JUDITH

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ou plutôt elle n’a pas empèclié qu’ils ne l’aient faite. En effet, on en a les preuves les plus positives dans des auteurs contemporains, tels que Ilérodole el Xénoplion… "(pp. 62-63). Puis l’auteur explique longuement et solidement les expressions relatives à la ruine du Temjde de Jérusalem et à la captivité de Babylone (Judit/i, iv, 3, v, ig). De plus « dans le livre de Judith il n’est question d’aucun roi des Juifs… C’est le grand prêtre seul qui agit, ordonne, gouverne : on y voit avec lui les anciens du peuple, et même, suivanlla version grecque, le Sénat résidant à Jérusalem » ; cet élat de choses convient seulement à l’époque qui suivit l’exil, et non au temps de la captivité de Manassé oude laminorité de Josias (pp. G8-70). l’oint de prêtre du nom dejoakim avant l’exil de Ual>ylone (p. 70-71). La réunion des Mèdes et des Perses aux Assyriens dans l’arniée d’Holopherne {Judith, xvi, 10, Vulg., 12) n’est possible qu’après la captivilé(p. 71-7’. !). a Il est encore bien dillicile de ne pas reconnaître les successeurs de Gyrusà cette formule singulière par laquelle le Nabuchodonosor de Judith, pour annoncer son dessein aux nations qu’il veut attaquer, lem’envoie d’abord demander par ses hérauts / « terre et l’eaa [Judith, ii, 7 ; cf. lIÉnoDOTE. VI, xlviii, ir, ]. On sait qu’on n’a dans l’histoire aucune trace de celle formule avant Cyrus, tandis que rien au contraire depuis Darius et Xerxès n’est plus commun ni plus connu » (p. 73).

Trogub Pompée el Diodore db Sicile parlent d’une guerre d’Ochus contre les Cadusiens ; « or, les Cadusiens faisaient p.irlie des Mèdes n ; ils sont fort bien désignés dans Judith, i, 6 sous le nom d’habitants de la région montagneuse, et peut-être par l’expression

« iils de Xc/cîv/ (ou Xz/ionô) » : « ceux que les

Grées appellent Cadusiens, dit Pline, se nomment Gelæ «. Gibhiit conjecture qu’Arphaxad, roi des Mèdes, <( était l’Arbacas qui gouvernait la Médie au temps où Xénophon y passa avec les Grecs dans sa fameuse retraite » (pp. 7^1-77).

Cette opinion a aussi l’avantage d’expliquer mieux plusieiu’s autres points. La longue période de paix fiui suivit l’exploit de Judith (xvi, 26) est plus facile à placer après l’exil. Le silence des autres livres de la Bible sur Judilh se comprend plus aisément. De même certains détails sur l’observation de la Loi, etc.

M. Fr. Steinmetzer, actuellement professeur à la Faculté catholique de l’Université <le Prague, a publié, il y a quelques années, une étude approfondie du livre de Judilh (voir liibliogi-.). Il admet un texte composite, un noyau primitif développé à diverses époques, en tout cptatre couches ou phases successives de développement, allant du temps d’Assourbanipal à l’époque des Machabées. On aurait donc un ainalgaïue de données historiques appartenant.i des époques différentes ; ce nesei’ait pas de l’histoire proprement dite. Mais, suivant la ccmviclion ferme de l’auteur, Judith est un personnage historique ; elle a vraiment délivré liéthiilie, en coupant la tête du chef ennemi. La façon dont il explique les additions successives faites au texte piimitif, où elles auraient pénétré insensiblement et n’importe comment, ne semble pas conciliable avec l’inspiralion divine du livre. (Cf. Kncycl. I’a.>cendi dominici gregis, Denzinger-Bannwart, n. 2100.)

Que coiulure de tout cela ?

Si l’on apportait des |ireuves fraimenl solidespoiir démontrer le caractère fictif de tout le récit, cela ne compromettrait en rien l’insjjiralion du livre ; il appartiendrait à un genre littéraire différent, voilà tout : ce serait une parabole, une liction parénélique, un récit édiliaut ; il n’y a rien là qui répugne à l’ins piration’, « et bien peu de théologiens, pensons-nous, même parmi les plus conservateurs, oseraient soutenir qu’il y ail là-dessus une tradition catholique obligatoire » (J. GalI’S, /. c, p. 533).

Mais, en face des vides immenses que présentent soit l’histoire biblique, soit l’histoire profane de l’Asie occidentale pour les trois siècles qui suivent les conquêtes deCyrus, il serait scientiflquemenl 1res imprudent d’opposer, au nom de l’histoire, une lin de non-recevoir à la réalité du fait de la délivrance de Béthulie raconté dans le livre de Judilh. Sciiiirbr prétend arbitrairement qu’à cause du but parénélique manifeste de ce récit a on ne peut pas même admettre un noyau historique ». Nombre de critiques protestants portent le même jugement, sans en donner de raison suffisante. Plus judicieusement, Steuernagbl constate la présence d’  « éléments historiques » du temps d’Arlaxerxès III, et il ajoute : « Dans quelle mesure d’autres motifs historiques de ce temps ont-ils été utilisés ? On ne peut pas le découvrir. Mais il est difficile que le siège de Béthulie, ville d’ailleurs inconnue, ait été inventé de toutes pièces » (l.ehrhuch der Einleitnng in dus Alte Testament, 191 2, p. 786). La description topographique très précise ne ressemble guère aux données généralement vagues d’un récit liclif. De même, il n’est pas vraisemblable que la personne de Judith (on donne sa généalogie détaillée ) et son exploit si vivement dépeint soient une pure ticlion. « Quiconque connaît la littérature apocryphe et pseudépigraphe, dit Gastbr (éditeur d’un midras de Judilh) repoussera cette hypothèse. » Des faits de ce genre sont facilement enjolivés par la légende, mais non point créés e.r nihilo.

L’historicité substantielle du livre de Judith est donc parfaitement admissible. Quant à l’historicité stricte, jvisque dans les détails, c’est autre chose. Mais on aurait bien tort d’exiger de l’auteur inspiré, sous peine d’erreur, une exactitude matérielle qu’il n’a pas voulu mettre dans son livre. D’ailleurs, lui-même indique assez clairement qu’il n’j- a point visé, s’il faut lui attribuer la dénomination de a Nabuchodonosor » pour le roi en question ; or, dans les conditions du texte actuel, « en bonne critique, il faudrait faire remonter la leçon à l’auteurlui-même » (F.Prat, IJict. de la mille, III, col. 182g). On l’a vu plus haut, les Pères n’ont pas hésité à remplacer Nabuchodonosor par un autre roi, mieux en rapport, selon eux, avec la situation décrite dans le livre. D’autre part, certainement ils n’admettaient point d’erreur chez l’auteur inspiré. Ils comprenaient donc que, sous les traits de Nabuchodonosor, un autre personnage réel était caché, et que, sur ce point au moins, la fiction se mêlant au récit, l’auteur n’avait pas voulu écrire de l’histoire stricte. De même, il semble que plusieurs noms de villes soient déguisés sous des noms fictifs. M. Charles C. Torrky, ])rofesseur à Vale University (E.-U. Am.), a fait valoir de bonnes raisons de penser que Béthulie, qui n’est nommée nulle part ailleurs, représente la ville de Sichein (Journal of the American Oriental Society, vol. XX, pp. 160-172.) Dans le Flarileginm Melchior de Vogué, igog, il propose de voir dans Betoniesthaim (iv, 6 ; xv, /j, grec) un pseudonyme de Samaric. L’emploi de pseudonymes pour Sicheu) et Samario s’explique fort bien par la liaine des Juifs pour les Samaritains, (’oir Recherches de Science religieuse, nov.-iléc. 1910, pp. 570-071.)

Moralité. — Au sujet de l’entreprise de Judith, plusieurs critique ; éprouvent, du point de vue moral, des scrupules excessifs. Ils jugent convenable de s’apitoyer

l.Ct.la réponse de la Commission biblique ilu 23 juin 1U05, de indolc historica S, Scripturue.