Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/785

Cette page n’a pas encore été corrigée

1557

JONAS

1558

agité par la Icmpèlc de ses pénibles pensées. II est absorbé par la baleine, pnis sauvé : eela signilie simplement qu’il pense à la chute d’Israël et au salut d’un reste élu. La conversion des nations est ensuite prédite en (ifçure ; le prophète n’est pas affligé de leur salut, mais de la réprobation d’Israël, eU-, « Jonas a arrii II i^’éyiix prophétie en disant tout eela d’une façon mystérieuse » (T « ùt « ttkvtc v.ùinôiiivo^’Iwyà^, ovtcj, G(£7-Afjy. ct Ti, i 7r « ç.> ; TS(c<v). Donc, composition libre du prophète, et non sens liguratif attaché à des événements historiques indé|)endants de l’auteur. Théophylacle n’a, pas plus que saint Grégoire, un mot de blâme pour cette inlerprétation { ! ’. G., t. CXXVI, col. 960 Ces témoignag-es sont très importants. Saint Grégoire le théologien, célèbre par son orthodoxie, n’aurait pu parler en ces termes si, de son temps, l’Eglise avait cru fermement à l’historicité du livre de Jonas. Théophylacle non plus.

Quehpics mots de saint Jiîuome, dans la préface de son commentaire, marquent aussi qu’on était loin de s’accorder sur le sens de ce livre, sans dire si c’est pour le fond ou seulement pour les détails : « Scio veteres ecclesiastieos tam græeos quam latinos super hoc libro multa dixisse. et tantis qu.iestionibus, non tam aperuisse quaui obseurassc senlenlias ; ut ipsa interprctalio eorum opus habeat interpretatione, et multo ineertior lector recédât, quam fuerat antequam legeret. » (l /.., t. XXV, col. i 1 17.)

Aussi, par une abstention très sage, en face de ces divergences, et faute de données sullisantes pour résoudre ce problème, « jusqu’à présent l’Eglise n’a pas déUni la question ; elle ne le fera probablement jamais. Jamais non plus elle n’a exclu de son sein les interprètes catholiques, comme Richard Simon et Jahn, qui ont combattu la véracité [la 1 eriVe] historique de Jonas ». (Conférencef ecclésiusliques de Versailles pour imO, XI. 15.) M. l’al)bé ïuochon, qui cite ces lignes, partisan résolu île l’exégèse historique, reconnaît la légitimité de l’autre. (Les Petits Prophètes, 1883, p. 2a 1.)

Preuves intrinsèques.

« Qu’il s’y trouve raconté des miracles, remarque

très justement Van Hoonacker. ce n’est point là, de soi, une raison pournier ou mettre en doute, a priori, le carfictère historique du récit, mais ce n’en est pas non plus une pour l’alTirrær. Certains semblent oublier parfois qu’il serait tout aussi irrévérencieux envers un écrivain inspiré d’en faire un historien malgré lui. ijue de traiter de parabole ce qu’il aui-ait écrit comme histoire. » (A. c., p. 32/i.)

Ou a donné parfois « la précision des détails » dans le livre de Jonas coumie indice de la vérité historique (Crampon, f.it Sainte Bilile. t. V, p. 807). Mais, si l’on y regarde de près, l’absence de certains détails qu’on attendrait dans un pareil récit, marque plutôt son caractère de composition libre du genre didactique, où l’auteur laisse dans l’ombre tout ce qui ne va pas à son but. On ne trouve ni le nom du pays où Jonas aborda, ni le nom du roi de Ninive ; rien de précis sur la « méchanceté » qui attire aux Ninivites un terrible châtiment.

On n’apprend pas davantage comment Jtinas s’aperçut, ou quand, que Jalivé retirait sa menace contre Ninive (m, 10). En fut-il averti par une j)aro ! c divine ? .lors, pourquoi altcnd-il de voir ce qui ari-iverait dans la ville (iv, 5t ? Ou si Jonas eut à reconnaître te jiardon divin accordé à Ninive, au fait qu’après les quarante jours révolus sa prédiction resta sans effet, alors qu’avait-il fait durant ces quarante jours ?.vait-il continué à prêche ! ’le cbâlîment di’in au milieu de la population repentie ? Jonas va s’asseoira à l’est de la ville » (iv, 5) ; n’y avait-il lii aucune maison, aucune hutte, aucun arbre où il pût se

mettre à l’ahri du soleil.’.^yant converti la ville par sa parole, il devait y avoir dans les environs des gens disposés, au moins par égard pour son caractère, à le l’ecueillir. Le texte parle dune tente qu’il se lit lui-même : si la notice appartient au récit primitif, ([u’était-il encore besoin du ricin pour protéger Jonas ?… etc. », (Dans le résumé des difficultés présenté par’an Hoonacker, Les douze Petits Propitites, I908, pp. 315-316.)

Enfin, le caractère et les sentiments du prophète, les données sur l’étendue de Minive, le tableau de la conversion l’apide du |)euple et du roi, comme aussi la suite des aventures de Jonas au ch. iv, s’cxpli(pientmieux. semble-t-il, dans un récitliclif que selon la stricte réalité.

D’ailleurs, de ces deux interprétations, chacune com|iorte des explications variées, d’une part sur le caractère historique plus ou moins strict du récit, de l’autre sur les leçons morales visées par l’auteur. Il y aurait aussi une opinion intermédiaire, celle de Driver, par exemple, et de G. von Orelli, admettant un récit didactique librement construit sur un fond d’événements fourni par la tradition.

V. Conclusions. — 1. Il faut « se garder avec le plus grand aoin n de confondre l’exégèse traditionnelle avec la tradition dogmatique (Van HooNAC.KEn, /. c, p. 3201. ta Tradition dogmatique a pourobjet le dépôt de la révélation ; elle est intangible. l’exégèse traditionnelle devient interprétation dogmatique et obligatoire en matière de foi et de mœurs, quand il va consentement unanime des Pères de rEglise(Conciles de Trente et du Vatican). En dehors de ce cas, des interprétations longtemps communes et universelles peuvent être et, de fait, plusieurs fois ont été reconnues erronées, sur des points où le dogme n’était pas engagé (cf. article Exégkse dans ee Dictionnaire, m. Exégèse, Traditionet Eglise. co. iSSS-iSSg).

2. D’autre part, il ne faut pas abandonner sans de fortes raisons une interprétation commune dans l’Eglise catholique. Mais on peut considérer que dans les siècles passés les questions historiques et littéraires relatives aux Livres saints n’ont pas été étudiées comme de nos jours. On ne connaissait pas Ninive, les Assyriens, les rois d’Assj’rie, comme d’abondantes inscriptions nous les représentent. On n’avait donc pas les mêmes dillicultés, les mêmes problèmes à résoudre.

3. Que l’apologiste se décide en étudiant les meilleurs commentaires. S’il choisissait la seconde solution, il devrait montrer qu’il ne la prend pfis comme un expédient, pour se débarrasser vaille que vaille des dillicultés, mais comme le résultat d’une exégèse consciencieuse et légitime. Il s’ai)pliquerait à faire ressortir la haute valeur d’un écrit où tout converge à manifester la bonté, la miséricorde de Dieu y)our les hommes, sa volonté de les sauver tous. Dans l’hypothèse d’un écrit didactique, l’intention divine est marquée plus clairement, puisque le récit inspiré n’a point d’antre sens que cette leçon à inculquer.

4. En toute hypothèse, dans une matière si complexe et si controversée, éviter les alhrmations catégoriques, les jugements absolus, qui troubleraient la foi des lidèles, ou im[ioseraient à leur conscience des obli^^alions sans fondement suffisant.

VI. BiBMOGnvi’HrE. — On trouvera dans le commentaire de J. DôUer une longue liste chronologique des travaux dont le livre de Jonas a été l’objet. Il suffît de rappeler ici quelques ouvrages et articles mentionnés au cours de cet article :

DoM Cai.mkt, Commentaire littéral sur tons les livres de l’Ancien et du JS’ouveau Testament : Les XH Petits Prophètes, 17 19. — C. F. Kbu, , Bibliscker