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JONAS

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apparaît dans le livre des liais. Ils placent donc les faits dans la période des règnes de Salmanasar III (ouI), 782-7^3, d’Aèourdan III. j-z--bz>.el d’Asouriiiràri. ^54-745. A cette époque la puissance assyrienne est en décadence. Les Annales de ces rois n’ont pas été retrouvées ;  : nais on connaît un événement saillant de chaque année, grâce à une liste des Eponymes. Sous Salmanasar, grand danger du côté de VCrarIn (.rarat. Arménie) ; presque chaque année il y a guerre contre ce pays. Sous.sourdan. en plus de diverses guerres, une peste est signalée pour 760 ; une éclipse totale de soleil en 763 (15 juin) dut répandre la terreur dans la contrée ; révolte dans la ville d’Asour en 768. 762. et dans d’autres villes en 761. 760. 709 ; nouvelle peste en 761). Dans ces circonstances, la prédication d’un prophète étranger, puissante déjà par l’inspiration divine, a pu être plus facilement accueillie et produire son etTet.

Enlin, l’historicité est plus aisément défendable, si l’on admet que le livre de Jonas n’a pas été écrit par le prophète lui-même (remarquez que tout le récit parle de Jonas à la 3’personne), mais à une époque plus basse, après l’exil. Alors on comprendrait mieux les expressions relatives à Ninive. l’absence du nom du roi. l’appellation « roi de Xinive ». contraire à l’usage constant des livres de la Bible et des inscriptions assyriennes, qui disent roi d’Assour ». Certains exégètes conservateurs, comme C. von Orelli. dans son commentaire (3= édit.. 1908). seraient disposés à garder pour historiques au moins les faits principaux, le miracle du poisson, la mission du prophète à Ninive et le succès merveilleux de sa prédication, tout en plaçant la composition de cet écrit un certain temps après l’exil.

4. — Quant aux sentiments du prophète, rien n’oblige de croire que Jonas veut réellement échapper au regard de Dieu en prenant la fuite. Il veut se mettre dans l’impossibilité de remplir son mandat ; il fuit « loin de lahvé », loin du pays où lahvé manifeste spécialement sa présence et sa volonté. S’il est triste jusqu’à la mort, après la conversion de Ninive, ce n’est probablement pas à cause du démenti que souffre sa prédiction, puisque celle-ci était conditionnelle, mais plutôt, selon l’opinion de S. Grégoire de Nazianze. de S. Jérôme, de S. Grégoire le Grand, et, parmi les modernes, de Kaulen, par exemple, parce qu’il voit que la grâce prophétique et la miséricorde divine vont s’exercer en faveur des ennemis d’Israël ; cela lui paraît être au détriment du peuple élu et privilégié. Comparez à l’abattement de Jonas le découragement profond de Moïse disant à Dieu :

« Je ne peux pas, à moi seul, me charger de tout ce

peuple ; c’est trop lovird pour moi. Plutôt que de me traiter ainsi, lue-moi ! … » (.V/im.. xi, 14-iô). Elle souhaite également la mort : n C’est assez ! maintenant, lahvé, prends ma vie ! » (I He^. xix. 4.) Jérémie s’écrie : » Maudit soit le jour où je suis né ! » {Jer., XX, 14-)

Les moyens dont Dieu se sert pour corriger les sentiments du prophète (ch. iv) n’olïrent pas de difficultés bien considérables. Une plante pousse très rapidement pour abriter Jonas (tiu-nrhita, dans l’an cienne version latine, hedera dansla Vulgate ; d’après les modernes, n ricin », plante qui se développe en très pc<i de temps). Cet arbrisseau, piqué par un ver. meurt le lendemain ; les rayons du soleil et un vent brûlant accablent Jonas. En tout cela il y a disposition providentielle, plutôt que miracle proprement dit, à condition de ne point interpréter dans un sens littéral trop strict l’expression du v. 10, a en une nuit ». littéralement « (ils d’une nuit ». (Cependant a le lendemain », au v. 5, semble bien marquer un jour proprement dit.)

Voilà les réponses que l’on fait ou que l’on peut faire aux diflicultés, dans l’exégèse traditionnelle.

111. Solution daES l’hypothèse d’un écrit didactique. — Mais est-il absolument sur que le livre de Jonas ait un sens historique ? On s’est demandé si certains livres de la Bible, généralement tenus pour historiques (le livre de Jonas en particulier) ne pourraient ou, plutôt, ne devraient pas cire interprétés, en totalité ou en partie, comme ne contenant pas de l’histoire proprement dite. La Commission Biblique a répondu, le 28 juin 1900 : « Négative, excepto tamen casu, non facile nec temere admittendo. in quo Ecclesiæ sensu non refragante eiusque salvo iudicio solidisargumenlis probetur. Hagiographum voluisse non veram et proprie dictam historiam tradere, sed sub specie et forma historiæ parabolam. allegoriam. .. proponere. » Voir, dans ce Dictionnaire, l’article Critique biblique)S.t Alfred DtB.4.ND, S. J.. col. 7g5-800. Genres littéraires, spécialement col. 796-7 ; G. Van Xoort. Tractatus de Fontibus Reielationis. 1’édit.. 1911. p. 65-78 ; K. RoMEis, O. F. M.. Uas ist uns Citristen die Bibel ?, 1911, p. 188. L’exégète et l’apologiste catholiques ne doivent pas. sans de graves raisons, s’écarter de l’interprétation traditionnelle, ici surtout, à cause des citations du Nouveau Testament. Ces raisons existent-elles jiour le livre de Jonas ? Il est indispensable d’envisager cette question dans le présent Dictionnaire, afin d’exposer toutes les solutions possibles et légitimes siu- le sujet de la Bible le plus souvent attaqué par les incrédules.

Cela est d’autant plus nécessaire, que l’opinion qui Aoit dans le livre de Jonas un écrit purement didactique compte de savants défenseurs dans les écoles d’exégèse les plus opposées, et a gagné du terrain parmi les catholiques. Par elle, dit Rbuss. o on verra disparaître toutes ces critiques plus ou moins sévères et quelquefois frivoles que l’on a formulées à propos d’un récit dont les détails semblent prêter à la raillerie et dont la contradiction avec le bon sens [le bon sens confondu par Reuss avec l’esprit rationaliste ] a souvent fait tort à la Bible entière ». Le savant hébraïsant cité plus haut, exégète croyant et très conservateur. Edouard Kœnig, dans l’article Jonah du Dictionnaire anglais de la Bible dirigé par J. Hastings. regarde le récit en question comme .çymfco/K/i/e (par opposition à historique), et ils’ai^puie tout d’abord sur les exemples certains de récits et d’actions symboliques dans la Bible. Enfin. M. Van HooNACKEn. professeur à l’Université catholique de Louvain. dans son docte commentaire des Petits Prophètes (1908). préfère donner au livre de Jonas un sens didactique, et il assied son opinion sur de solides raisons. M. Mkixertz. professeur catholique d’exégèse du Nouveau Testament, est du même sentiment (Jésus und die Heidenmission, 1908, p. 82). L’année suivante. M. H. Lesétre exposait avec beaucoup de sympathie <i l’interprétation symbolique », dans a lietue pratique d’Apologétique (15 septembre 1909, p, 928-928).

Dans cette hypothèse, le livre serait une parabole (analogue à la parabole de l’Enfant prodigue) ayant pour but d’enseigner que Dieu appelle tous les hommes, même les païens, à la conversion et au salut.

L’interprétation du livre de Jonas comme composition libre du genre didactique tranche d’un seul coup, et à la racine, les diverses difficultés soulevées par l’interprétation historique. Dans celle-ci, il ne suffit pas de dire que les miracles, nombreux dans cette histoire (miracles proprement dits et coïncidences merveilleuses), ne coûtent rien à la toute-puissance divine, il faut montrer aussi qu’ils ne sont pas indignes de la sagesse de Dieu. Or, ils