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JESUS CHRIST

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juges : ce disant, elle retrouvait les mots d’Augustin : a Christi et Ecclesiæ unam personam… » ; [Dans la prédication ecclésiastique] « prædicat ergo Ctiristus Christum, prædicat Corpus Caput suuni »

« … tolus Christus Caput et corpus est '. » — L’Eglise, 

c’est le Christ, mais présent, visible, motif permanent de croire à la divine mission du Christ invisible : « Me attendite, vobis dicit Ecclesia, me attendite i|uam videtis, eliamsi videre nolitis. Qui temporibus illis in iudæa terra lideles fuerunt, ex virgine nativitatem mirabilem ac passionem, resurrectionem, ascensionem Clirisli, oninia divina dicta eius et facta præsentes præsentia didicerunt. Hæc vos non vidiàtis ; propterea credere recusatis. Ergo liæc aspicite, in hæc intendite, liæc quæ cernilis, cogitate, quæ voljis non præterita narrantur, nec fulura prænuntiantur, sed præsentia demonstrantur'-. » Qu’ont dit de plus le Cardinal Dkchamps etlesPèresdu Conciledu Vatican ? — Hors de l’Eglise, pas de salull Augustin fait écho, en soulignant discrètement le côté volontaire, coupaljle, de l'étal ainsi réprouvé 3. — C’est le Christ qui a renouvelé le monde : « Per Christum factus est alter nuindus. » Mais cet immense changement s’opère entièrement par l’Eglise catholique : le bien qui se trouve ailleurs vient d’elle en réalité, et lui appartient '… — Le iilii Petrus ilii Ecclesia a déjà sa réplique dans la lettre où Augustin nous montre Pierre, ciii totius Ecclesiae /iguram gereiiti Dominus ait : super hanc petram, etc.'.

449. — A peine d’une génération plus jeune qu’Augustin, mais dans un cadre combien dilTérent, l’apotre de l’Irlande, saint Patrice, résumait à l’usage de ses rudes convertis, en langue celtique et sous une forme qui la gravait dans ces mémoires incultes, toute sa prédication. Transcrivons avec respect ces exclamations, qui ont, pour une large part, fait de cette terre lointaine « l'île des Saints « :

Le Christ avec moi, le Christ devant mol.

Le Christ derrière moi. le Christ au dedans dn moi.

Le Christ au-dessous de moi, le Christ au-dessus de moi.

Le Christ à ma droite, le Christ à ma gauche,

Le Christ dans la forteresse.

Le Christ sur le siège du char,

Le Christ sur la poupe du navire. Le Christ dans !e ccpur de tout homme qui pense à moi. Le Christ dans la bouche de tout homme qui parle de moi, Le Christ dans tout tpil qui me voit, Le Christ dans toute oreille qui m’entend ^ !

450. — Passant par dessus les siècles, nous rencontrons au moyen âge les amis de Jésus les plus tendres peut-être dont l’histoire ait gardé mémoire. Dans cette foule de saints qui sollicitent notre attention, omettant des témoins aussi divers et importants que les grandes moniales bénédictines, Hugues et Uicuvnn DE Saint- Victor, S. Thomas et S. BonavkxTURB, sainte Catherine db Sienne et son groupe, Jeanne d’Arc et sainte CoLBirE, distinguons seule 1. De docirina citristtnna IH, xxxi ; Sermo, cccLlv 1 ; De Unitale Ecclesiae, 7. Les premiers te.tes ont été rapprochés par L. de.Mondadon, loc. taud., p..')(19.

2. De fide rerum quæ non videntur, iv, ' ; P /,., XL, col. 176.

3. « Foris ab Ecclesia coostitutus etseparatusa corn pagine unilatis et vinculo caritatis aeterno supplicio pnnieris, etiamsi pro Christi nomine vivus incenderis ». l’pisl. CLxxiii, 6 ; P. t., XXXIII, col. 755, 756. Sur le sens de cet adage dognuiti<pie. voir J.-V. Bainvei-, Le Dogme : Hors de l’Eglise pas de falut, Paris, 1913.

'l. De bapiisnio, 1, Xlll.

5. Episl. LUI. i ; P. /.., X..lll, col. 196.

Ij. Je traduis sur une traduction anglaise littérale. Voir Heai.v, The Life and n’ritin^s of SI Patrick, Dublin, 1905 ; G. DorriN, les Livres de S. Patrice, Paris, 1909.

ment, en raison du caractère de leur piété, saint Ber ?' nard et s. François d’Assise.

Ce qu’il y a de plus notable (je n’ose dire de plus nouveau) dans leur amour du Christ, c’est la part faite à la contemplation des mystères de la vie du Sauveur. Se rendre présents ces mystères et se les rendre présents par la méditation du texte évangélique, l’emploi des figures et symboles du Vieux Testament, les commémoraisons de la sainte liturgie, les restitutions telles quellesoù l’imagination cherche moins l’exactitude ou la couleur locale qu’un cadre qui la fixe et un aliment, tout cela est assurément aussi vieux que le christianisme, mais c’est au moyen âge que ces actes se sont intensiliés, ordonnés, organisés en méthode.

48I. — Après l’avoir pratiquée pour son compte, Bernard en parle ainsi dans ses fameux Semions sur le Cantique des cantiques, sources très pures de vie spirituelle et mystique. Familier du langage biblique, le saint compare ses méditations sur les souffrances de son Maître à un bouquet de myrrhe. Ce bouquet.

Je le composai de toutes les ameitumes et de toutes les angoisses de mon Seigneur, d’abord de ses souffrances d’enfant, puis des labeurs et des fatigues qu’il endura dans ses courses et ses prédications, de ses veilles dans la prière, de ses tentations dans le désert, de ses larmes de compassion, … des injures, des crachats, des soufflets, des sarcasmes, des moqueries, des clous… Et parmi ces menues tiges de myrrhe odorante, je n’oubliai pas déplacer la myrrhe dont il fut abreuvé sur la croix, ni* celle dont il a été oint pour sa sépulture. Tant que je vivrai, je savourerai le souvenir dont leur parfum m’a imprégné… C’est en ces mystères que résident la perfection de la justice et la plénitude de la science… C’est pour cela que je les ai souvent A la bouche, vous le savez, toujours dans le cteur. Dieu le sait — et très fréquemment au bout de ma plume, nul ne l’ignore '

L’efficacité de cette pratique, Bernard l’explique en un autre sermon, le vingtième : quiconque aime le Christ,

Quand il prie, l’image sacrée de IHomme Dieu est devant lui : il le voit naître, grandir, enseigner, mourir, ressusciter et monter au ciel, et toutes ces images allument nécessairement dans son cœur l’amour de la vertu, et apaisent les désirs mauvais.

Bernard parle ailleurs de « la grande et suave blessure d’amour : grande et suai’e i’ulnus ainoris » : on voit si l’Esprit saint avait navré son cœur de cette blessure pour Jésus de Nazareth.

452. — Faut-il rappeler que ce grand mystique fut un prodigieux homme d’action et que, « synthèse de son siècle », « il personnifie tout le système politique et religieux d’une époque… dominée par le pouvoir moral de l’Eglise ^ » ? L’historien libéral auquel j’emprunte ces mots, après un tableau des contrastes qui font de la figure de saint Bernard le plus étonnant des hommes du moyen âge, ajoute : « Qui dit contrastes, ne dit pas incohérence. Une logique secrète, en saint Bernard, concilie tout et les contradictions ne sont qu’apparentes ; logique fondée d’abord sur la foi, une foi absolue qui n’admet aucun tempérament ; puis sur l’idée que Hevnnrd se faisait de l’intérêt supérieur de l’Eglise. C’est là le critérium suprême, le principe auquel il subordonne tous ses actes, auquel il sacrifie, sans pitié, ses propres inclinations, ses affections les plus chères, les intérêts

1. Serm. xLiii, in Cantic., 4. J’emprunte la traduction de ces textes à Si. E. Vac.vndard, Vie de saint Bernard, vol. I, Paris, 1895. p 479 sqq.

2. Achille LvcHAiRE, dans V Histoire de l’ianec d’E. Lnvisse, tome II, vol. il, Paris. 1901, p. "ififi.