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JÉSUS CHRIST

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Les modernes n’en jugent pas autrement et ce serait tem])S perdu que de s’arrêter à le prouver. Mais il est indispensable de montrer que telle a été la pensée de Jésus lui-mcnie.

412. — A quatre reprises, dans des prophéties qui ont été ci-dessus transcrites dans leur teneur intégrale et dont l’authenticité a été pareillement établie {Supra, ch.lll, sect. 3, nn. 2/17 sqq.), le Maître achève le tableau des douleurs qui l’attendent par le trait glorieux de sa résurrection. Nous savons, moyennant le témoifrnage de ceux qui nous les ont rapportées, que ces paroles demeurèrent incomprises au cours de la vie du Sauveur et même au delà. Accueillies avec l’attention que les disciples portaient habitnelleaienl aux entreliens de Jésus, gravées dans leur mémoire par leur allure étrange et paradoxale, ces prédictions s’illuminèrent aux clartés de la résurrection. Elles revécurent alors, comme il arrive aux formules de haut relief qui se fixent par la répétition, même sans être pleinement assimilées, dans le souvenir des simples et des enfants : l’intelligence postérieure de ces formules est facilitée par la possession imperlur bal)le de la « lettre ». C’est ce que savent et escomptent les bons catéchistes.

Mais en dehors de ces prédictions explicites, il est deux paroles de Jésus qui se rapportent plus exclusivement, sinon plus clairement, à ce sujet. Elles comptent d’ailleurs, à cause de leur importance et aussi des conditions littéraires du texte, parmi les plus discutées de l’Evangile. Les voici, accompagnées des autres passages qui peuvent aidera les interpréter correctement.

Le signe de Jouaa

413. — Groupe A.

Lors, quelques-uns fies Scribes et des Pharisiens lui répliquèrent, disant : a Maître, nons voulons voif un signe [accompli] par vous ! » Mais il leur dit en réponse ; " La génération [présente], maligne et adultère, réclame un signe, et de signe il ne lui en sera pas donné, hormis le signe de Jonas le prophète. Car tout ainsi que Jonas fut dans le ventre du poisson, trois jours et trois nuits, ainsi le Fils de l’homme sera dans le sein de la terre, trois jours et trois nuits.

« Les hommes de Ninive se lèveront, au jugement, contre

cette génération-ci, et la condamneront ; car ils ont tait pénitence ù la prédication de Jonas, et voici plus que .lonas ici. La reine du Midi se lèvera au juL, ^ement contre cette génétation-ci et la condamnera ; car elle vint du bout du monde écouter la sagesse de Salomon, et voici plus que Salomon ici. ».1/^, iii, 38.42.

Aux foules qui se pressaient, [Jésus] commença de tlir-e : (1 Cette génération-ci est une génération maligne ! Klle cherche un signe, et signe ne lui sera point donné, hormis le signe de Jonas. Comme en eiïet Jonas fut un signe pour les Ninivites, ainsi le Fils de l’homme sera [un signe] pour cette génération-ci. La reine du Midi se lèvera au jugement contre les iiommes de cette génération-ci et les condamnera ; car elle vint du boni du monde écouter la sagesse de Salomon et voici plus que Salomon ici.

« Les hommes de Ninive se rlresseront,.au jugement, 

contre cette génération-ci et la condamneront ; car ils ont fait pénitence, ^ la prédication de Jonas, et voici plus que Jonas ici, )) Lc, xi, 2î*-33.

Groupe fi.

Survinrent les Pharisiens qui commencèrent de le presser, ré( ! lamant de lui un signe du ciel, pour l’éprouver. Or gémissant du fond de l’âme il leur dit : « Qu’a cette génération à chercher un signe [de ce genre] ? Oui, je vous le dis, [on verra] s’il est donne un signe à cette génération ! » Mc, viii, 12-1.3.

Et survenant, les Pharisiens et f les] Sadducéens réclamaient do lui, pour l’éprouver, qu’il leur montrât un signe [venu] du ciel. En réponse, il leur dit : (c Le soir vou.s

dites : [Il fera] beau temps, car le ciel rougeoie ; et le matin ; Mauvais tem[is aujourd hui, car le ciel est sombre et rouge. Ainsi vous savez discerner le temps qu’il fera, sur les apparences, et vous ne savez pas Ûire] les signes des temps.’[Cette] génération maligne et adultère réclame un signe, et de signe il ne lui sera pas donné, sinon le signe de Jonas. » Et les laissant là, il s’en alla. Ml.,.vi, 1 i.

414. — A propos de ces textes, des questions se pressent, qui ne sont pas à discuter toutes ici. Jésus prononça-t-il deux fois cette parole, dans des circonstances analogues, mais différentes ? Cela reste probable sans être certain, du point de vue historique où nous nous maintenons.

Ce qui est clair, c’est qu’un groupe de Pharisiens, lidèles interprèles en cela de leur génération entière’(le mol même de « génération » était devenu classique en Israël, depuis la fameuse génération contemporaine de Moïse, dont les infidélités, les tribulations et les gloires formaient la page la plus instructive et la plus exemplaire de l’histoire du peuple juif), prétendaient exiger du Sauveur des signes évidents, matériellement eonstatables, de sa mission. Nous avons expliqué plus haut comment les miracles évangéliques, et les dispositions morales et religieuses réclamées pour leur interprétation correcte, étaient trop spirituels j)Our ces cœurs durs. Ils demandaient en conséqiience des signes d’un ordre différent, des météores, des perturbations cosmiques, comme celles que la voix d’Elie avait autrefois provoquées (III (I) fleg., XVIII, 38 ; I^V (II) Heg., i, 10 sqq). Les évangélistes sont d’accord pour exclure les enquêteurs du privilège même de la bonne foi : on voulait ainsi éprouver, tenter le Maître, et l’on se réservait sans doute d’attribuer au malin esprit les merveilles que Jésus pourrait opérer. Mais la ruse fut déjouée ; ces exigences se heurtèrent à un refus catégorique.

Toutefois, Jésus (nous l’apprenons de Matthieu et de Luc, Marc n’ayant consigné que le refus des’i signes » cosmiques) élargit sa réponse en faisant appel à un signe en particulier qui serait donné, lui, à cette génération, et dont l’inintelligence coupable la condamnerait : te signe de Jonas. Tout revient à déterminer la nature et la portée de ce signe.

Si nous n’avions que le groupe B de textes, nous en serions réduits là-dessus à des conjectures : les traits principaux de la carrière du prophète, telle qu’elle est décrite dans le livre qui porte son nom, retiendraient sans doute notre attention. Les plus frappants de ces traits, les plus populaires sont manifestement, avec et après la survie miraculeuse de Jonas, le succès (à peine moins merveilleux) de sa prédication à Ninive. L’allusion à la résurrection du Christ et au succès postérieur de l’Evangile serait moralement certaine, encore qu’implicite.

415. — Mais la présence, en nos dociimenls, du groupe A, précise l’allusion et, en même teuii)s, complique le problème. L’obstination des gens decette génération perverse et « adultère » (au sens, également classique en Israël, d’infidèle à son Dieu) sera condamnée au dernier jour, et les exemples de docilité qui lui sont opposés sont empruntés à des Ocnlils ! La reine du pays de Saba est venue écouter la sagesse de Salomon : les lils d’Israid refusent d’écouter ou de comprendre la sagesse du secoiul Salomon, dont le premier n’était pourtant que la figure. Les Ninivites, princes en tële, seconvertirenlà la voix de Jonas : les compatriotes de Jésus feront, en grand nombre, fi de son message, pourtant combien

I. Cf. entre autres, le ; ’i 1rs Juifs n’c’amei.t des signes -, de saint Paul. I Cor., I, 22.