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JESUS CHRIST

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qu’on lui attribue, il faut rocouiir aux religions étrangères. Trois est en ellet un nombre sacre dans beaucoup de religions orientales. Dans la tradition juive, il joue également un rôle : Jonas reste trois jours dans le poisson, et c est lii un trait appartenant prubablemen t ù un mythe solaire. Trois et demi est le nombre des temps durant lesquels, selon Daniel (échu de mythes anciens concernant le chaos) le mal doit avoir puissance sur terre. Dans l’Apocalypse jolianniiiue, le jeune héros solaire doit grandir durant trois temi)S et un demi-temps, avant sa victoire sur le Dragon. Dans la mythologie grecque, Apollon, le quatrième jour [j/c] après sa naissance, va sur le Parnasse et tue le serpent Pytho. En somme, trois on, plus exactenieni, trois et demi, est le temps du mal triomphant, du Chaos, de la puissance uialigne, auquel succède la victoire du bien, de la Lumière, de la puissance bienfaisante. L’hiver, anrpiel succède le printenijjs, et la renaissance du soleil, dure trois mois on un [en plus. (( De tout cela ressort donc une explication du merveilleux nombre trois appliqué à la résurrection do Jésus, et cette explication est derechef qu’avant Jésus il existait, dans les milieux judéo-syncrélistes, une croyance en la mort et en la résurrection du Christ. »

408. — On lient ici sur le vif uii bon spécimen de la mélliode coniparalive. Il n’y manque même pas le

« coup de pouce » destiné à faire concorder les « trois

temps et demi », voire < le fiualrième jour », avec les

« trois jours >> ou « le troisième jour ». Mallieureusenient

pour M. Gunkel et ses émules (qui ne l’ont dépassé qu’en invraisemblance), l’hypotliése des emprunts et des intiltrations, même indirects, reste dans le domaine de la pure conjecture, et tout le positif, sur lequel doit tabler l’historien, est contre elle.

n n’j' a pas dans tous nos récits trace d’une allusion à des croyances préexistantes, à des précédents mythologiques ou même juifs. Tout est concret et, comme on dirait en anglais, malter uj facl. Aucune généralisation, aucun appel au s_ymbolisme solaire, à la renaissance des saisons, à la victoire d’un Héros sur le Chaos. Les notations de temps, en particulier, dont on fait étal, ne donnent lieu à aucun commentaire, et l’importance attribuée au troisième jour est destinée évidemment à préciser, à mettre hors de doute la réalité du fait. Ce cliilTre n’a pu (on le reconnaît ) être suggéré par les Ecritures de l’Ancien Testament ; les disciples n’avaient pas compris les prédictions de Jésus à ce sujet : c’est le fait qui pour eux interpréta les unes et les autres, encore qu’après coup on ait pu le lire dans les prophéties et rendre ainsi plus croj’abic, aux Juifs et aux prosélytes, l’annonce de la résurrection.

409. — Mais il y a plus, et si l’on rapproche d’un peu près la résurrection du Christ et la reviviscence des dieux solaires, des demi-dieux de la végétation et des saisons, d’Osiris, d’Adonis, d’Atlis, la contradiction éclate. Là, nous avons un homme véritable, Jésus de Nazareth, connu, familier, réellement pris, persécuté, immolé par ses ennemis, sous les yeux de ses disciples : et très lût après cette mort, ceux-ci sont persuadés et convaincus, non par raisonnements, espoirs et attente, mais par des faits, quc leur Maître est ressuscité. La vie nouvelle où il est entré déborde leur faculté de comprendre, mais elle s’impose à eux, et désormais ils seront des témoins irréiirochables et persuasifs du ressuscité. L’élolTe dont est fait le dieu mytliique est bien différente : son histoire a les contours vagues de la légende ; sa mort et sa reviviscence ont la plasticité des symboles et aussi l’impudeur des fables naturistes..Sous des noms divers, à travers les épisodes suggérés par la fantaisie <lébridée des poètes ou réglés par l’arbitraire des mystes.oe sont les grandes forces obscures, amorales et anonymes, dégradées et désignées par le travail des hommes, qui occupent le fond du tbcà Tonie II.

tre t déterminent les phases majeures du drame. Nous sommes hors de toute histoire et de tout contexte réel : aussi les fables peuvent-elles se rapprocher, se greffer, s’allonger, se déformer à l’infini. A l’origine de toutes, il y a, non une personne, mais un couple divin, dans lequel o la première place appartient à la femme’», et si, dans quelques-uns de ces mythes, l’idée de la vie future fil pénétrer un rayon de lumière et introduisit la notion de purification (sinon de pureté) morale, rien ne put cll’acer l’horreur du mythe primitif. Atlis — pour sortir du vague sur un des exemples ks plus employés par les comparatistes — Atlis est « le héros pitoyable d’une obscène aventure d’amour ^ ». Uans la forme la plus ancienne du mythe, tantôt il ne meurt pas, et tantôt il ne revient pas à la vie. Lorsqu’on tailla, en pleine fable, une sorte de mystère joué, représenté, une fête du printemps, symbolique du renouveau annuel, on emprunta aux mystères égyptiens ou syriens des cléments figurés, attribuant à Cybcle une partie du rôle tenu ailleurs i)ar Aphrodite ou Isis. Quel rapport entre tout ceci et l’histoire de la mort et de la résurrection du Christ’.'

410. — Mais c’en est assez, et trop peut-être, sur des objections qui ont l’avantage de montrer jusqu’oii le parti pris et la crainte du surnaturel peuvent entraîner des érudits. Après avoir passé en revue ces difficultés, il sera permis de les déclarer légères, trop légères pour contrebalancer le témoignage des contemporains, de Paul et de Pierre, de Jacques et de Jean, de ceux qui, ayant vu Jésus ressuscité, nous ont transmis leurs impressions personnelles, et ont confirmé leur déposition par la fécondité de leur vie et l’héroïsme de leur mort.

S. — Valeur apologétique de la résurrection

411. — La connexion qui existe entre la résurrection de Jésus et sa mission, est manifeste. Amis et ennemis l’ont entendu ainsi et la controverse, actuellement comme autrefois, se concentre sur la réalité du fait : si le Christ est ressuscité, il est vraiment le Fils de Dieu. La valeur de cette inférence ne faisait pas question au tem|>s du christianisme primitif et c’est tout le Nouveau Testament qui en fait foi 3.

« De la certitude de la résurrection, [les disciples] se

sont élevés à la foi en Jésus comme Messie. Seigneur et Kils de Dieu. Le triom]>he du matin de Pâques avait rétabli l’harmonie de sa vie que la mort avait brisée ; les paroles qui leur avaient été dites autrefois, qui avaient été incomprises et oubliées, leur remontent au c(eur ; elles revivent, elles s’éveillent à la lumière de ce faitrévélateur : Jésus ressuscité, voilà le fuit apologétique qui domine les origines chréliennes, le motif de crédibilité en quelque sorte unique, qui a ébranlé les 8)^ôtres et leurs auditeurs et les a amenés à donner leur assentiment au divin mystérieux, non encore épanoui, qui se cachait dans la personne du Sauveui-’. »

1. Franz Cu.iont, Lex Religions orientales dans le Paganisme romain^ Paris, 1907, p. r>0.

2. Id., Ihld., p. 88. — Sur le mythe <l*AHis. on peut consulteT’P. Deciiarme, dans le Dictionnaire des Antiquités Dareniberg et Saglio, Ci/hèie, vol. II. col. 1681 sqq. ; 0. GiiiiprE, Griechisclie Mythnlo^^le, II, Miinich, 1901), p. 1529 sqq. ; et la monographie de llugo llFPDmc, Ailis^ seine Mt/then and sein Kult, Giessen, 19(> : i ( « Kl’, !).

3. On peut s’en convaincre en lisant tie suite, dons le livre des Actes, les passages suivants : i, 3 ; 21-22 ; II, 22-36 ; ui, 15-26 ; iv. 10, 20, 33 ; v, 29-33 ; x. 3"-41 ; XIII, 27-’(0 ; XVII,.3, 18, 31-32 ; xxii, 1’(-15 ; xxv, 19 ; xxvi, 22-23, 26 ; — ou dans une seule des Epltres de saint Paul : aux Romains, i, 4 : iv, 23-24 ; vi, 4-10 ; vii, 4 ; viii, 10-11, 34 ; X, 9 ; xiv, 9.

4. V. Rose, Etudes sur tes Kfan^iles’, Paris, 1905, p. 273.

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