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JESUS CHRIST

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a secondaire » de la narralion. Rien au contraire Je mieux attesté, de plus naturel, ni de moins concerté que ces notations de témoins oculaires, dont toute trace d’harmonisation postérieure est absente' et qui nous mettent aux yeux l’agitation, l’etTroi, le væt-vient trépidant de la première heure.

382. — Le troisième trait concerne la genèse de la foi en la résurrection chez les femmes, et leur inutile tentative pour faire partager cette foi aux apôtres. A travers les dilïérences de présentation et les incertitudes chronologiques, il reste acquis que les fidèles amies du Crucifié reçurent d’abord du dehors l’interprétation véritable du fait que leurs yeux étonnés constataient : le tombeau ouvert et vide. Une intervention personnelle de Jésus acheva de les convaincre et les décida, en même temps, à communiquer aux disciples ce qu’elles venaient d’apprendre. Le rôle de Marie de.Magdala est fortement accusé dans toutes les sources, bien que le quatrième évangile seul nous donne le dernier mot de ce divin épisode. Tous les récits mentionnent également (et leur accord est notable) que le témoignage des femmes, celui de Madeleine en particulier, encore qu’il réussit à émouvoir et à mettre en branle quelques-uns des apôtres, fut radicalement impuissant à leur communiquer la foi en la résurrection. Tout cela leur parut suspect, invraisemblable, propos de femmes exallées.

383. — Enfin le Maître — c’est le quatrième trait

— se manifeste directement à ses disciples.. Pierre d’abord (nous le savons par le témoignage concordant de Luc et de Paul), puis au groupe apostolique pris d’ensemble, puis à d’autres ou aux mêmes, en des lieux divers, à des heures et dans des circonstances fort dilTérentes. Cette manifestation se produit à l’improviste et, loin de trouver un milieu bien préparé, vibrant, facile à persuader, se heurte d’abord au doute, à l’incertitude, à l’effroi mêlé d’inquiétude qvie suscite le contact inattendu du surnaturel. La même impression initiale de défiance et de défense scande, sous des formes diverses et plus ou moins naïves, tous les récits. Elle est vaincue par l’insistance du Maître ressuscité, qui multiplie les marques de son identité personnelle (nonobstant les conditions nouvelles où il se meut) avec le Jésus qu’avaient connu les disciples. Tantôt c’est un geste familier

— celui de la fraction du pain — qui jette à ses pieds,

« le’s yeux ouverts ", les pèlerins d’Emmaiis ; tantôt

c’est un mol, un appel, un accent qui rend à Marie de Magdala celui qu’elle avait tant aimé ; tantôt c’est une sorte d’enquête en règle et d’assurance contre l’hallucination ou la vision fantômale — paroles, toucher, nourriture prise en public — à laquelle se prête Jésus ou qu’il provoque. L’apparition ne consiste y’amflj.' ; , que nous sachions, dans une simple vision, ou un sentiment de présence analogue à celui dont les mystiques sont favorisés. Plusieurs sens et souvent tous sont affectés, non pour un moment et dans un éclair, mais d’une façon durable, par des paroles, des ordres, des promesses, des actes divers impli(iuant des changements d’attitude, des allées et venues, des pauses, des perles et des reprises de contact : d’un mot, une conversation suivie.

384. — Cinquième trait : il se l’orme, dans ces esprits lents à croire, une conviction inébranlable qui modilieet >i renverse » leur état d'àme antérieur. De ces désillusionnés, de ces découragés, de ces hommes accablés par l’effroyable catastrophe où avait sombré, avec l’honneur et la vie de leur Maître,

I. Voir par exemple P. I.AnEf/.E, /a Hcsurrectiondu Christ, [lilOT], p. 51 sqq. ; V. Rosp, Eludr^surlra Hfnngi/es*, Paris, 1905, p. 306-321 : R. von IJobsciiiItz, Ostcn und Pfingstcn, Leipzig, 19113. p. 10 sqq.

l’espérance même d’un avenir meilleur, la foi au ressuscité fait des témoins inconfusibles, des apôtres dévoués jusqu’au sang. Entre le « petit troupeau » privé de sou Pasteur et dispersé, qui se cachait au soir du jour fatal, apeuré et démoralisé — et le groupe rallié, complété, compact, conquérant, qui fut le noyau de l’Eglise primitive, il y a plus qu’une modification, il y a transformation, refonte héroïque des sentiments, trempe nouvelle des volontés. Il existe désormais, pourrait-on dire en anticipant le mot de quelques années, des « chrétiens >. Ils n’hésitent plus, n’atermoient plus, ne cèdent plus à leur rêve charnel. El le secret de ce prodigieux changement est dans leur foi en la résurrection du Maître. Cet homme qu’ils ont abandonné, qu’ils ont vu abandonné de son Père et sommé vainement par ses ennemis de se sauver lui-même ; ce condamné, ce pendu, ce mort enseveli — eh bien ! on l’a vu derechef, il vit, il est ressuscité, il est le Seigneur, il est assis à la droite de Dieu ! Conviction victorieuse, qui n’est pas le résultat d’une longue élaboration doctrinale, le contre-coup et la revanche Imaginative des persécQlions subies, la projection de prophéties anciennes. Elle existe, agit, soutient tout, explique tout dès le début : elle n’est pas une conséquence, mais une cause ; elle n’est pas une suite et un progrès, mais le frisson initial et le premier moteur de la vie chrétienne.

385. — Que l’apôtre Paul n’ait pas été le premierà mettre ainsi l’importance de la mort du Christ et l’importance (le sa résurrection au premier plan, mais qu’il se soit rencontré dans cette confession avec la communauté ]>rimitive — cela appartient aux faits historiques les plus certains. « Je vous ai transmis, écrit-il aux Corinthiens, ce tiue moi-même j’ai reçu par tradition : à savoir que le Christ est mort pour no » péchés et est ressuscité au troisième jour. » Sans doute Paul a fait de la mort et de la résurrection du Christ l’objet dune spéculation ultérieure et il », pour ainsi dire, résumé tout l’Evangile en ces deux événements — mais ces faits, le cercle des disciples personnelsde Jésus et la communauté primitive les tenaient déjà pour fondamentaux. On peut l’alfirmer ; la reconnaissance durable de la dignité de Jésus-Christ, la vénéralion, l’adoration qu’on lui a portées, ont ! à leur point de départ. Sur le double fondement de ces pierres s’est édifiée toute la christologie. Mais déjà avait-on dit de Jésus Christ, durant les deux premières générations, tout ceqne les hommes peuvent dire de plus sublime. Parce qu’on le savait vivant, on le loua comme celui qui est élevé à la droite de Dieu, le vainqueur de la mort, le prime de la vie, la puissance d’une nouvelle création — comme la voie, la vérité et la vie….Mais surtout on sentit qu’il était le principe actif de la vie personnelle : " Je ne vis plus, c’est le Christ qui vit en moi. » Il est « ma » vie. et percer jusqu'à lui à travers la mort est un gain. Où. dans l’histoire de l’humanité, est-il arrivé quelque chose de ) » areil ^ — Que ceux qui avaient mangé et bu avec leur Maître et l’avaient vu sous les traits de son humanité, l’aient annoncé non seulement comme le grand Prophète et le révélateur de Dieu, mais comme le guide divin de riiîstoire, comme le m commencement » de la création de nieu et comme la force intime d’une nouvelle vie ! Jamais les disciples de.Mahomet n’ont ainsi parlé de leur prophète ! Il ne sutlit pas de dire qu’on a transporté simplement sur Jésus tous les attributs du. Messie, et d’expliquer tout par l’attente du retour glorieux dont les rayons se seraient projetés en arrière,.assurément l’espérance certaine de la résurrection faisait qu’on détournait les yeux de la a venue en humilité >-. Mai » qu’on ait pu fonder et maintenir ferme cette espérance certaine elle-même ; qu'à travers les souffrances et la mort on ait vu en lui le Messie élu ; que, à coté de l’image ntessinnique vulpaire, et dans cette image, on ait senti qu’il était, on ail serré sur son cœur le Maître présent et !e Sauveur — voilà l'étonnant ! Et là, c’est bien la mort « pour nos péchés », c’est bien la résurrection qui ont confirmé l’impression faite par la personne, et qui ont donné à la foi son point fie départ certain ; « Il est mort pour nous en victime, et il vit. »