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JESUS CHRIST

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indiqués par les évangélistes sont par lui majorés, soulignés, étendus jusqu’au ridicule. Les précautions des Anciens louchant la sépulture sont circonstanciées et l’on nous montre ces Juifs orgueilleux mettant la main à la besogne, en compagnie des soldats romains. On nous les montre, vivant de pair à compagnon avec eux ! La résurre> ; tion est décrite, et avec ces traits de fausse grandeur, de gigantesque, qui sont proprement la signature du faiseur d’apocryphes. Si les rétlexions des femmes ne sont que prolixes, celles des Anciens sont invraisemblables. Finalement, il n’est guère de délai ! , ajouté au fond primitif, qui ne se présente comme suspect. C’est dire qu’en dehors des textes canoniques, évangéliqucs et pauliniens, il ne reste à l’historien que des glanes à peu près négligeables. Par contre, la moisson évangélique, si elle n’est pas aisée à recueillir et à mettre en gerbe, est abondante.

La condition littéraire et historique des textes.

378. — La condition littéraire des textes n’est pas diirérente — sauf en ce qui concerne la finale du second évangile et l’appendice du quatrième, pour les raisons et dans la mesure qui ont été précisées en note — de celle des autres récits évangéliques.Un’en va pas de même si l’on considère ces mêmes textes du point de vue de l’histoire. Une disproportion se manifeste très vite entre l’importance du fait de la résurrection, telle qu’elle ressort d^ toute la tradition chrétienne primitive, et la brièveté, les lacunes, les heurts de la tradition écrite. Nous avons entendu saint Paul afUrmer aux Corinthiens, sous les formes les plus diverses et comme chose allant de soi, le caractère fondamental de la croyance en la résurrection : elle fait partie de la substance la plus indispensable de la foi. Si le Christ n’est pas ressuscité, vaine est la prédication apostolique, vaine la foi des chrétiens : ceux-ci sont les plus malheureux des hommes, en consentant des sacrifices pareils pour une chimère ; ceux-là sont des faux témoins et des blasphémateurs : I Cor., XV, 13 sqq. Ces paroles ne sont i)as isolées : tous les discours résumés dans les Actes’, qu’ils soient de Pierre et de Jean ou de Paul, qu’ils s’adressent aux membres du Sanhédrin, aux néophytes des premières Eglises, aux Athéniens curieux de nouvelles, au prince éclairé qu’était Agrippa, partent de la résurrection ou y ramènent. Le procurateur Feslus résurae-t-il à sa façon toute la querelle entre Paul et ses adversaires, c’est encore la résurrection du Christ qui fait centre dans la grossière esquisse du Romain : il s’agit pour lui « d’un certain Jésus, mort, et dont Paul affirme qu’il vit » ; ^c(., XXV, 19. Toutes les épitres, celles de Pierre comme celles de Paul, et l’Apocalypse de Jean 2, ramènent comme un refrain ou, pour mieux dire, comme le thème fondamental de l’enseignement et le sûr ga l.ylci., II, 22-26 [au peuplede Jérusalem : Pierre] ; iii, 15-26 [idem] ; it, 10, 20, 33 [nu peuple : Pieire et Jean] ; v, 2933 [an S.Tiihédrin : Pierre et Jeun] ; x, 37-4’i[au centtirion Comelins et à sa maison : Pierre] ; xiii, 27- ; iO (aux Juifs et aux « craignant Dieu » d Aniioche de Pisidie PiiulliTii, 3, 18. 31-32 [aux Athéniens : Paul] ; xxvi 22, 26 [au lii Agrippa et ii sa suite : Paul].

2. Paul : Rom., i, 4 ; iv, 23-2’i ; vi, 4-10 ; tu, 4 ; tiii, 1011, 34 ; X, 9 : <r Si tu confesses de hoiiche que Jésus est le Seipneur et si tu crois dans Ion creur que Dieu In ressuscité des morts, tu seras sauvé », [sur ce texte, voir AH., XVI, 31 et G. Milluun, rhe Epislles lo the T/ie.isalonians, London, 1908, p. 139] ; xiv, 9 ; — I Cor vi 14 IV, 1-5, 13-19 ; — II Cor.. IV, 13-14 ; _ I Thessal., i, 7-10’IT, 12-13 ; — Ephe ! >., i, l(>-23 ; — Philipp., 11, 5-12 : — Coloss. , II, 12, 111, 1-4 ; I Tin,., iii, 16, Il Tim., 11, 8-10- _ r/ebr., TI, 17-20 ; — Pirrre : I Petr., i, 3, 21 ; jii, 18-22 ;

— Jean : Apuc, 1, 5, 18.

rant des promesses d’au delà, le même fait de la ré surrection.

376. — Cela étant, on ne peut que constater l’extrême sobriété de nos récils, pour ne pas dire leur pauvreté. D’apparitions certaines, nettement affirmées par saint Paul qui en connaissait personneUement les bénéficiaires, et dont la narration eût tant importe — apparition à Pierre, apparition à Jacques

— il ne subsiste, dans nos évangiles, qu’une sèche mention, ou moins encore. Il a fallu, pour que nous possédions la précieuse liste de témoins dressée par Paul, que les Corinthiens prêtassent une oreille trop indulgente aux adversaires de la résurrection des morts I La catéchèse primitive, toute orale, semble s’être bornée à l’affirmation du fait, à la production des témoins, à l’exploitation théologique cl ascétique de 1 événement. Quand les évangélistes entreprirent de mettre par écrit ce que concernaitla résm-rection, ils se trouvèrent en présence de peu de matière : le seul épisode vraiment détaillé et formant narration présent dans les Synoptiques, est celui des disciples d Emniaus. Hormis ce trait recueilli par saint Luc — de la bouche probablement de l’un des témoins survivants 1 — nous ne trouvons que des récits clairsemés et peu circonstanciés.

Le quatrième évangéliste s’affirme ici encore, et se prouve, comme ailleurs, témoin. Quoi qu’il en soitdes causes qui ont amené cette relative indigence (et il faut faire, me semble-t-il, très grande, la part de la

« possession n tranquille, incontestée, quant à la

substance de l’événement : il fut dès l’abord tourné j en symbole, en article de foi, ce qui le soustrayait en partie à la curiosité du détail comme aux récits épisodiques), on doit reconnaître que la vie glorieuse du Christ nous est mal connue.

377. — La nature de cette vie, extraordinaire, nouvelle, exemple des conditions communes jusque-là acceptées par Jésus, explique ce qu’il y a, dans ces traditions peu développées, de moins net, de plus flottant, de moins cohérent. Des impressions de ce genre ont toutes commencé par rétonnement, l’effroi, le doute de ceux qui les subissaient ; c’était Jésus qu’on voyait, qu’on entendait, qu’on touchait ; ce n’était plus le Jésus d’autrefois I Il fallait, pour le reconnaître, un efTorI et une abstraction des conditions habituelles de la vie humaine. Ces incertitudes, ces fluctuations, cet elTorl, très visibles dans nos récils, on laissé des traces particulières en ce qui concerne le temps et la localisation des apparitions, presque toujours soudaines, déroutant les attentes et les désirs.

378. — Le caractère des documents, tel qu’il vient d’être décrit, tout en rendant à l’historien sa tâche extrêmement délicate et difficile, le rassure, touchant la qualité des matériaux qu’il doit employer. « Des témoins déshonnêtes, remarque excellemment Plum-MBR, eussent rendu le témoignage plus harmonieux-. » Il faut ajouter que des hommes possédés des préoccupations que leur prêtent les critiques rationalistes, eussent « arrondi », complété, majoré les témoignages 3. Il n’en est rien, et la sèche énumération de

l.On sait que l’auteur du troisième évangile et des .ctes raconte, dans un des passages de ce dernier livre mis à la première personne du pluriel et qui sont les fragments d’un journal de route ( H iVs/ùcA^-), qu il vint i’i Jéru.ialem avec saint Paul :.ict., ixi, 15 sqq.

2. « Dislionest nilnesses would hâve niade the évidence more harmonious », The Gospel nccurdine to S Luhe’IIIOI. p. 546. "

3. Rien n’est plus instnirlif que de comparer aux récits les intentions prêtées aux nai râleurs, par M. Arnold Meikk. par exemple : Uie Aufcistchung Chriati, loliingrn, 1905, ’p. 14 sqq. D’après re critique, l’cvnnjjile de hi i-.-surrection étant le principal, le plus sujet ù contestation et à