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JESUS CHRIST

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l’action des exorcisnies. Il ne semble jjas d’ailleurs clouleux que les Juifs ooramencèreut, sous l’inlluence des superstitiuns étrangères (venues du monde hellénique, des antiques magies égyptienne, iranienne, babylonienne) à exagérer singulièrement l’étendue du mal. Dès le xvin’siècle, dom Galmet admettait qu’on fut ainsi amené à ranger parmi les possédés bien lies malades atteints d’épilepsie, d’hystérie, bref, des

« grands nerveux » Les comparaisons et recherclies

minutieuses faites depuis sur la terminologie, l’onomastique, les divers modes des exorcismes, l’extrême recrudescence du démonisme qui se manifesta depuis le retour d’Israël après l’exil, ne laissent guère de doute sur la realité de ces emprunts’.

331- — II ne faut pas d’ailleurs exagérer la valeur de ces constatations. Le plus souvent, dans nos évangiles, l’hypothèse d’un démonisme purement apparent est exclue par les formules employées, par l’atlitude et le langage du Sauveur, qui impliquent l’action ou la présence effeclive d’esprits méchants. Il faut donc reconnaître que les faits de ce genre étaient alors très fréquents. Sur les causes de cet empire étonnant du « prince de ce monde-ci », à cette époque, nous avons d’ailleurs mieux que des conjectures : les paroles mêmes de Jésus, nous décrivant les efforts désespérés du malin pour garder une puissance usur|>ée, dont un plus fort allait le dépossédant. Celte lutte, dont les expulsions de démons est le signe le plus sensible, et une part notable, est à l’arrière-plan de tout l’Evangile.

333. — Le caractère miraculeux des faits, qui doit surtout nousretenir ici, ne saurait faire doute. L’interprétation rationaliste qui réduit les divers cas de possession à des formes variées de maladies mentales ou nerveuses, à l’épilepsie, à l’hystérie, à la manie, à la grande névrose, ne diminue aucunement la dillieullé de l’explication naturelle des cures opérées par Jésus. On reconnaît en effet de plus en plus la lenteur, l’exlrcme rareté, l’instabilité des guérisons oi)tenues eu pareille matière. Mais pour tous ceux ipi’un parti pris pliilosophique injusliliable n’empêche pas d’admettre l’existence d’esprits séparés, les miracles ne sont pas moins évidents. Au lieu et place des méthodes alors approuvées, souvent très conteslables, toujours lentes, eompliquéeset précaires, Jésus use de procédés sommaires et souverains. Quelques mots, un geste, un ordre, et le résultat est produit, instantané, durable, complet. Par la simplicité, par I’eiricace, par l’empire qu’ils attestent dansée domaine trouble et mystérieux, où une force intelligente tient en échec les efforts humains, les procédés du Maître ne diffèrent pas moins des exorcismes alors usités que sa faconde guérir les autres maux différait île la thérapeutique habituelle.

333. — Il ne sera pas hors de proposdereleveren Unissant la portée spirituelle et religieuse de ces victoires. Le Règne de Dieu n’eut pas à s’établir, l’Evangile nous en est garant, dans un monde encore innocent, libre d’attaches, où tout se serait livré au premier occupant. Le monde humain, tel qu’il se présentait à l’élan conquérant du Fils de l’homme, était un monde profondément gâté, envieilli dans des mauxde toute sorte, physiques, moraux et religieux, un monde où des iniluences mauvaises se donnaient carrière librement et puissamment, jusqu’à exercer une sorte de prépondérance et d’hégémonie. Une force spirituelle ennemie de tout bien, et par conséquent hostile au Christ, tenait parfois captifs les corps et les âmes ensemble. Jésus l’a fait reculer sur tous les terrains, mais en particulier sur celui de l’obsession physique, de la « j)Ossession ». La

1. J. S.MIT, df Ducmimiacis, p. IiG-172.

malice du « prince de ce monde-ci » dut se borner le plus souvent depuis, en pays chrétiens, à des suggestions tout intérieures, encore que, çà et là, des retours offensifs de « possession » se manifestent. Dans les pays où l’Evangile pénètre pour la première fois avec une certaine intensité, il se heurte encore, comme aux jours anciens, à une sorte de pouvoir occulte, usurpé mais établi, qui rappelle tout à fait, par ses résistances et ses manifestations, les convulsions du malin au temps de Jésus. Il n’y a guère de missionnaire en ces régions qui ne puisse témoigner en ce sens et conlirmer ainsi, par voie d’analogie, la vérité, le caractère spirituel et merveilleux des faits évangèliqucs qui nous occupent.

Les miracles proprement dits

334. — Revenant aux miracles proprement dits, nous noterons l’impression que nous donnent les récits : celle d’un pouvoir souverain dans tous les domaines ouverts, en quelque manière, à l’activité humaine. Ce pouvoir, nous l’avons dit plus haut ÇSii/jrit, 3 1^-31 8), se borne volontairement ; il s’astreint, dans un but d’enseignement, à certaines formes. Mais toutes ces limitations viennent du dedans : au dehors, il ne connaît pas d’obstacle. Xi l’inertie des forces naturelles (tempête apaisée, pains multipliés ) ; ni la progression fatale des éléments morbides (membres assouplis, reviviliés, plaies fermées, fièvres chassées, lèpre guérie) ; ni aucune de ces morts partielles, ni la mort dernière, la grande ennemie, l’invincible. ..

Et le tout, d’une façon très simple, si grande, si éloignée de toute complaisance et de tout charlatanisme 1 Quelques mots, un geste, un appel, l’imposition des mains, le toucher symbolique des yeux qui s’ouvrent, des langues quisedélienl. Et toujours l’assurance parfaite du lils ((uise meut dans sa propre demeure et se sait obéi dès là qu’il manifeste un vouloir.

333. — En face de ces faits, nombreux, variés, dont l’historicité ne saurait faire doute, un certain nombre d’hypothèses, quia priori etdans un autre cas ne seraient pas dénuées de probabilité, paraîtront vraiment puériles.

On ne discute pas sans ennui celle qui mettrait en avant l’adresse du thaumaturge : appliquée à ce que nous savons de la personne de Jésus, elle est simplement ridicule. Le supposer trop habile est la plus invraisemblable des défaites. Et puis, l’habileté se voit ; l’adroit metteur en scène ne réussit qu’un genre de merveilles assez restreint, après des préparations, des dilations, avec des à-coups, qui linissent par éveiller les soupçons de ceux qui ont intérêt à le prendre en faute. Or personne n’a jamais, des ennemis de Jésus, mis en avant cette hj’pothèse.

336- — La conjecture, d’après laquelle des « forces occultes » auraient été utilisées par le Sauveur, n’est guère plus digne déconsidération, encore qu’elle soit le refuge de la contre-apologétique populaire. Cette faveur lui vient sans doute du fait qu’on peut la résumer m des formules assez frappantes : « Miracle d’hier, expérience de demain 1 Nous connaissons aujourd’hui mille forces captées, ou en voie de l’être : électricité, hypnose, proprié tés de la matière radiante, qu’on ignorait jadis, et dont une application eût passé pour merveilleuse. Telle ou telle de ces forces agissait alors en Judée. »

Sous cette forme générale, l’objection ne tient pas devant un peu de réllexion. Toute une première série de miracles échappe en effet à cette tentative d’explication naturelle : ceux <lans lesquels ont été