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JESUS CHRIST

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Nonobstant la réalité des pliénomènes et leur caractère extraordinaire (dont il faut se garder du reste d’exagérer la portée) les circonstances déraisonnables et indécentes dans lesquelles se produisaient ces laits, l’opposition très claire des jansénistes aux décisions certaines de l’autorité religieuse qu’ils prétendaient par ailleurs reconnaître, ne permettent pas de voir là des signes authentiques : la transcendance morale et religieuse est en défaut.

298. — Mais quand un prodige, ou un ensemble de prodiges, présente réunis tous les caractères exigés, le signe est véritablement acceptable, valable, « lisible ».

On en a des exemples frappants dans les merveilles opérées par Elle pour établir le droit quepossède Dieu d’être adoré, à l’exclusion des Baalim. Ces prodiges, narrés aux Livres des Rois’, répondent admirablement à ce que, dans les mœurs du temps, les spectateurs avaient alors le droit d’attendre, et les non-israélitesde réclamer, pour croire à laseigneurie absolue de labvé. Laguérison, accomplie par Pierre et Jean, du boiteux qui mendiait à l’entrée de la Belle Porte du Temple, à Jérusalem 2^ offre un autre spécimen excellent. De nos jours enfin, l’ensemble des miracles qvii s’opèrent à Lourdes, sans qu’on puisse bien entendu leur attribuer une valeur qui les impose à la foi des chrétiens, se présentent pourtant dans des conditions d’étendue, de diversité, de durée, d’excellence morale et religieuse habituelle, qui permettent d’j- chercher un notable exemple, contemporain et vérifiable, de signe divin. L’ensemble des miracles opérés par le Bienheureux Curé d’Ars en offre un autre.

899. — Un signe parfaileiiient attesté peut prêter, fùt-il unique, aune interprétation certaine. Toutefois il n’est personne qui ne voie combien meilleur est le cas où la base historique s’élargit. On n’a plus affaire à un fait insolite, isolé, aberrant : c’est toute une série de phénomènes convergents, donnant prise à des constatations multiples, à des témoignages divers, dont les différences de notation ne font que mieux ressortir l’accord sur la substance. L’interprétation devient du coup beaucoup plus rassurante : elle rentre dans le genre des certitudes « vitales ». C’est en effet sur desconclusions de cette sorte, fruit d’inductions nombreuses et concordantes, que réellement nous vivons. Le commerce d’amitié et le commerce tout court, la paix de la famille, la stabilité sociale, les choix les plus considérables de notre væ d’ho : nmes sont ainsi fondés. Ils sont éclairéspar une foule d’indices perçus plus ou moins confusément

Sur quoi Nbwm.ix dit bien, dans sa Grammaire de l’Assentiment^ :

(I C’e « l par la force, la rariélé, la multiplicité de prémisses q’ii sont seulement probables, non par d’invincibles svllopismes. — pnr le fait de voir] les objections surmontées, les théories adverses neutralisées, les diâicultés s’évannuissant graduellement, les exceptions prouvant la règle, Hes relations imprévues se révélant avec les vérités déjà act|uises ; par l’aprôletle délai dans la marche s’achevant en avances triomphales ; — par toutes ces voies et bien d autres, qu’un esptit formé et expérimenté arrive à une siire divinrxtion de la conclusion. Conclusion

l.IV Rrg.lllReg.’i.l, -i ; I.’l / ! eg.[[Re^.], jiYm.’" sq-j2. Act.. III, 12-16.

3. An Estay in niii of a Graiimar of Assenl, 18.Ï9 ; éd. Longmans de 1892, p. 321. On y^eut voir, très bien exposée yar M. St. IIarext. la dlITéience entre cette doctrine et la proposition 2."> du dérret Lamentabili. sui- (( l’accumulation de probabilités », dans le Diclionnair rie la Foi catholiqnt, édit. Vacant et Mangenot, s. v. t, ! , vol. VI, col. 191200.

inévitable, encore que les raisonnements linéaires ne la mettent pas actuellement en possession de l’esprit. C’est ce qu’on entend en parlant d’une proposition (( aussi siire que si elle était prouvée », d’une conclusion (( aussi indéniable que si elle était démontrée », etc.

300. — S’il s’agit, non d’événements quelconques à interpréter, mais de miracXes, & nombre, la diversité et la qualité des faits sont encore plus à considérer. La vérité de connexion devient parfois éclatante : c’est la même personne, au service et dans l’exercice de la même mission, qui se présente auréolée d’un pouvoir surhumain habituel. La certitude dans l’interprétation ne gagne pas moins : chaque élément de ce vaste ensemble prête à une estime réfléchie, permet à la longue de discerner l’orientation, d’apprécier la dignité morale et la valeur religieuse du tout. Il arrive alors que certains détails obscurs, étranges, malaisés à interpréter si on les prend en eux-mêmes, se fondent dans l’harmonie générale comme des dissonances dans une symphonie. JVoscunture sociis.

Nous allons voir que ce cas privilégié est celui que nous présente l’histoire évangélique.

A. — Vérité historique des miracles du Christ

301. — La plus superficielle lecture donne l’impression que les miracles attribués au Christ appartiennent à la substance même de l’histoire évangélique. Une étude approfondie confirme décidément cette impression.

La narration des faits de ce genre occupe en effet dans nos évangiles une place, même matérielle, considérable. On n’y a pas relevé moins de 41 miracles, ou groupes miraculeux, distincts : là-dessus 24 figurent dans Mt., 22 dans.l’/c., 24 dans Lc, 9 dans Jo., * ; mais i^ seulement — la remarque est importante — sont particuliers à un seul des évangélistes, C sont relatés par deux, et 16 par trois évangélistes. Si nous passons, du simple point de vue numérique, à celui du genre des miracles, nous V03’ons que la triple narration contient des prodiges de toute sorte : non seulement des guérisons ou des exorcismes, mais des résurrections de morts, la première multiplication des pains, la marche de Jésus sur les eaux, la tempête apaisée, etc.

302. — Dès là, nous remarquons que la distribution de la matière miraculeuse n’est pas celle qu’on attendrait d’une interpolation postérieure. Dans cette hypothèse en effet, le merveilleux devrait remplir les parties les moins attestées de l’histoire évangélique, introduit là tardivement, moyennant des traditions particulières, accueillies par l’un ou l’autre des narrateurs. Dans le double et, à plus forte raison, le triple récit, on ne devrait guère trouver que les miracles plus aisément « acceptables » : guérisons de paralytiques, exorcismes, etc. Ces prévisions sont celles même (nous le verrons) qui guident nos adversaires dans leur étude de l’élément miraculeux impliqué par les documents chrétiens primitifs. Mais les faits déjouent ces calculs aprioristiques : au lieu d’afileurer çà et là, à la façon de blocs erratiques, déposés par une coulée géologique récente à la surface des récits, les prodiges les plus inouïs, les plus « impossibles », saturent également la double, la triple S3’nopse. Aussi haut qu’on puisse remonter, par conjecture, dans les traditions sous-jacentes aux narrations, on les trouve, tout comme ils figurent dans

1. Je suis la liste très soigneusement dressée par T. H. Wright, dans le Dicllnnary of Christ and the Goxpch, s. V. Miracles, 11, p. 189. Dans cette liste ne figurent que les miracles opérés par Jésus en personne.