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JESUS CHRIST

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dans son court mcniuire sur « la Prédication de Jésus touchant le Hèpie de Dieu » (Die Predi^t Jesu voin Reiclie Guttes, Goettingen, 18y2), devenu en igoo un livre. Personne n’a plus contribué à répandre la conception « esclialologique » de l’Evangile que M. Alfred LoisY : ses commentaires sur les Synoptiques sont en ce i)oint un écho assez lidclc, mais auiplilié. de l’ouvrage de M. J. Weiss. Le livre mordant et vigoureux de M. A. Schwkitzeb’a, de son côté, soit en Allemagne, soit en Angleterre (où il a été traduit, et trop apprécié) donné l’impression que la jeune école avait pour elle des arguments sérieux et, devant elle, un certain avenir.

266. — Comme d’autres théories ruineuses, la thèse eschatologique est issue d’une réaction justitiée en principe. L’exégèse moderne, surtout libérale, tendait à humaniser, à spiritualiser, à universaliser la vie et l’enseignement du Christ jusqu’à en estomper, voire jusqu’à en ell’acer, des traits réels. Les morceaux évangéliques transcrits ci-dessus sont d’une historicité inconte.stable : ils appartiennent à un genre <léUni, très nettement daté ; ils nous sont garants de la présence, dans la prédication de Jésus, d’un élément apocalyptique, eschatologique, relaliverænt considérable. La faute des champions de la nouvelle école n’est pas d’avoir revendiqué pour cet élément, en facedela théologie protestante libérale, une place. L’erreur consiste à vouloir lui faire « une pari prépoiidéraiite » ; et à voir dans l’Evangile « un enseignement e, « : se ; i(ie//e » ie « / eschatologique, enthousiaste et mjstique 3 ». De là à exi>Iiquer tout le reste par la croyance de Jésus en la consommation imminente des choses ; à chercher dans cette idée absorbante la clef de l’attitude du Maître en face des autorités palestiniennes, des nécessités delà vie, des devoirs individuels et sociaux, iln’y avait qu’un pas. Les « eschatologistes conséquents » — c’est le mot du plus logique de tous, Albert Schweitzer — ont franchi ce pas. Dans leur hypothèse, les prédictions que nous venons de transcrire sont à prendre au pied de la lettre, dans le sens le plus cru : Jésus aurait enseigné délerminément que la lin du monde, indissolublement associée pour lui à l’avènement du Règne de Dieu, était prochaine, immédiate, à portée de vue. Du jour exact etde l’heure, il aurait avoué ne rien savoir, mais en maintenant cependant avec une inllexible obstination qu’une génération d’hommes ne passerail pas avant que tout fût accompli. Si l’on considère les choses historiquement, ajoutent-ils, Jésus s’est trompé ; il ne s’est pas trompé si on les considère religieusement, car le monde présent est, pour l’homme religieux, un lieu de passage, un moment fugitif, une simple transition : le non vigoureux opposé par Jésus à ce monde éphémère est au fond plus véritable que le oui d’un naturalisme béat et lourdement matériel’.

867. — D’autres exégétes beaucoup plus modérés, mais trop désireux d’éluder une difliculté, recourent à des explications qui sauvegardent sans doute la véracité et la prescience infaillible du Christ, mais

1. Vim Reimanis : u n’rcdf, Tilbingpn, 190B, cli. xv, xvi, XIX. Une secoiulo édition n n ; rii on 1918 sous le titre (lrans(>osé du soii’.-tiire firiniilif) àt^ Geschichle der Leben Je5tt~Fnrs<-kung. Dès lyOI, Schweitzer uvail marqué ses positions dans son mémoire Eine SLizze des Lehens J^su^ Tiihin^en. 1901. Ce niénioire forme le 2" cahier de son recueil Das Abenimahl im Ztisanmu n/tang mît dem Leben Scsu.

2. A. Loisy, Jésus ci latmditivn, Paris, 1910, p. Vii.’A. Ibid.. p. 190. C’est moi qui souligne. 4. Je résume ici les conclusions Ah. Schweitzer, loc.

cil., c. XX.

aux dépens du caractère historique de plusieurs des textes transcrits plus haut (surtout de ceux du GROLi’K 3). Nous aurions dans ces textes une sorte de conglomérat, formé de fragments apocalyptiques préexistants et des paroles authenli<pies du Maître. Ces paroles elles-mêmes seraient biaisées jusqu’à donner une perspective proprement erronée, et ce, par suite de l’idée fausse desrédacteurs évangéliques, persuadés de la consommation imminente du siècle présent. De nombreux exégétes protestants et anglicans se sont naguère avancés dans cette voie <, où les achemine la présence évidente, dans les discours eschatologiques de Jésus, de citations prophétiques antérieures. Nous pensons pouvoir montrer, par l’étude attentive des textes, qu’une interprétation plus respectueuse de leur historicité permet d’écarter une dilliculté dont la gravité n’est ni à nier, ni à exagérer.

Dans ce but, on exposera ici, le plus brièvement possible :

A. — Le caractère du langage employé par le Christ dans ces passages, et la nature des choses prédites ;

B. — Les conditions littéraires des textes ;

C. — Les conclusions certaines ou probables qu’on en peut tirer.

A. — Caractère du laiif^age employé par le Christ, et nature des clioses prédites.

S68. — Les passages rapportés plus haut appartiennent, dans leur teneur à peu près intégrale, au langage prophétique. Mais encore à cette variété du langage prophétique dite escva/o/o/î/ijrue, parce qu’elle concerne, parmi les époqiies à venir, celles qui, tout en inaugurant une ère nouvelle, achèvent par voie de consommation, de deslruclion, de transformation, les âges précédents. Par rapport à ceux-ci,

1. La lit tciaturedn sujet serait infinie. Parmi iesouvi-ages les plus importants, spécialement consacrés à lescliatologie évangelique et non dus à des catholiques, j’indiquerai : parmi les auteurs libéraux, Paul Weknli- : , Die Rcicligolteshoff’nttn^ in den aeltesten cliristUchen Dokumt-iiicn uud bei Jésus, Leipzig, 1903 ; parmi les protestants conservateurs, Eknst von Doiiscnurz, The Escltatotogij of ihe Gospels, London. 1910 (Le* ; ons enseignée » à Oxford en septembre 1900) ; parmi les anglicans (qui se sont ajjpliqués à cette question avec prédilection). Ltwis A..Muih-UEA. D, Eschatoîo^y of Jésus. Melrose et London, 1904, (abrégé dans le Dictinriary of Christ ami tite Gospels. ïl, EdinburgL, 1901), p. 525, A-53(i, A.), et. avec deux ouvrages païus presque en même temps, The Eschatolo^y of Jésus, de U. L. J.t ; KSON, London, 1914, Jésus and ihe Euiure, de Kd. W, Winstanley, Kdinburgb, 1913, la réfutation de Schweilzer par C, ^^’, E.m.met, The esckuloloffical question in the Gospels and oiher Sludics. Edinburgh, 1911,

Toute étude d’ensemble des évangiles et de l’enseignement de, lcsus force d’ailleurs à prendre parti sur ce point. Les principaux travaux catholiques seront cités plus bas.J’aimeà renvoer en parlicnliei-,.’iprès Hossuet, Méditations sur l’Efan^iie, journées 67’à 86", aux articles : Er.i.isE, de Y, DE I.A fÎKii « F, section 1, tians le Dictionnaire Apologétique, I, col, 1219-1248, KiN du Mo.nde. du P. A. Li.MOKNVKK, Ihid., l, col, 1911-1928 ; et aux deux mémoires de M, E. Mange.not, parus sous ce titre, dans le Dictionnaire de la Bible. 11, col. 2262-2278 (question présente), et le Dictionnaire de Théoloi ; ie catholique, V [1913], col. 2504-2r)52 (théologie et histoire théologique de la question :. Il faut mentionner aussi les travaux considérables de A, CELLiNi.en particulier, la Queslione parusiaca, Monza, 1908.

On trouvera les principales opinions des Pères cilées dans les commentaires de J. MALDO^AT et de J. KnabekijAUEit in Mt., XXIV, et surtout dans L. Atzbebcer, Geachichte der christHchen Eschatologie, Freiburg i. B, 1896.