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JESUS CHRIST

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que dans un cas concret le sceau divin apparaisse d’emblée, soit qu’il s’inscrive dans un chnnip où aucune force naturelle ne saurait atteindre (réalisalion d’une prophétie proprement dite, résurrection d’un mort), soit que lu soudaiiielé du fait, sa grandeur, ladisproporlionéclatanledes moyens employés, inclinent puissamment l’esprit à admettre l’intervention surhumaine.

387. — On doit en dire autant de la perception des caractères qui autorisent un signe négativement (connue non indigne) ou positivement (comme digne, 1res digne), par son excellence morale et son efficacité religieuse, d’être employé par Dieu, — et qui établissent une connexion manifeste entre le signe et un ensemble doctrinal ou une personne en particulier. On ne peut marquer ici de limite absolument fixe, éviter tous les incidents de frontière. Les indices qui manifestent ces caractères n’agissent pas sur l’esprit d’une façon géométrique, mais par voie d’insinuation, d’inclination, de liaute probabilité, de certitude morale. Il n’y a pas deux cas tout à fait semblables.

Le recours à la Providence de Uieu achèvera ordinairement de rendre certaine une interprétation fortement suggérée par la grandeur du fait et sa qualité religieuse’. Si, au lieu d’un signe, on se trouve en présence d’un ensemble considérable manifestement lié à une initiative religieuse de première importance, on bénélieie d’un cas ])rivilégié. Mais le jugement qu’on porte aura le plus souvent toute son assurance avant l’exclusion réfléchie, explicite, technique, des autres interprétations possibles.

Ces remarques générales vont se préciser dans leur application aux signes religieux.

S. — Les signes divins en particulier :

A) La Prophétie

SZ8. — Le prophète (nàbi’, 7 : ^o ;.v, 7v ;  ;), c’est l’homme en puissance de Dieu et agissant comme tel, le porteparole inspiré de la Divinité 2. Le don qui confère cette haute prérogative est de l’ordre intellectuel 3, mais il se double très souvent d’une action sur la volonté, donnant à l’inspiré conscience d’un devoir de transmission et de proclamation.

Les connaissances ainsi communiquées d’en haut peuvent dépasser en elles-mêmes, et dépassent toujours par leur mode d’appréhension, celles que l’homme acquiert par la voie commune. Elles participent ainsi, d’une façon inégale mais certaine, aux révélations divines ; ce qui ne veutpas dire — et bien au contraire — qu’elles violentent à quelque degré l’esprit du prophète. Les obscurités, les équivoques accumulées par la polémique moderniste (éiho de la philosophie Immauentiste hégélienne) ne doivent pas donner le change : tout ce brouillamini résulte de la consen’attori dfs formules et des notions traditionnelles dans une hrpolhi’se de philosophie générale différente, et incompatible avec les réalités que supposaient ces formules et ces notions. Celles-ci partent de l’existence d’un Dieu personnel, transcendant à la fois et immanent. Si l’on abandonne cette conception de Dieu pour celle d’un Divin purement immanent, impersonnel, une sorte d’àme de l’univers, de

1. Le mot fameux de Richard de Saixt-Victor s’cipplique ici de plein droit ; « Doniine, si crror est, teipso decepli suinus », De Trinitale. I. Il ; P. L., C.XCVI, Sîtl,

-. Sur- le sens du mot hébreu, voir le lland^vocrterbuch de GESE.xirs-BiHL", Leip/Jp, l’.HLï, p. 434,. ; sur le sens de la racine vprbate hypiithéliqiie (les formes Terbales connues dérivent du noD)|, ibid, , p. 133, k, B.

3. S.’ïilu>iAS, Summa T/ieol., iU ll", q. 171.

Tome II

racine cachée des choses, conçue (selon les différences des opinions) comme une Idée qui cherche à s’exprimer dans l’absolu, comme une Force obscure qui tend à se réaliser dans la lumière, comme une Conscience dilTuse qui aspire à se concentrer dans l’esprit, — n’cst-il pas évident que la notion corrélative de révélation, de prophétie, de communication divine faite à l’homme va changer, se pervertir, prendre un sens nouveau, différent et finalement, s’abolir ! ?

529. — Dans la conception lraditionnelle, lesdillicultés accumulées par les modernistesfondentcomme la cire au feu. Que Uieu, cause première et lin ultime. Dieu, qui est Esprit, Père et Amour, puisse se communiquer aux créatures qu’il a douées de raison, c’est l’évidence même. Qu’au delà du sentiment qu’il donne parfois de sa présence, et qui est déjà un langage, mais enveloppé, indistinct, snscejjtible d’interprétations diverses, il puisse porter dans un esprit d’homme certitude et clarté, c’est ce qui ne fait pas doute. —

Dans ce dernier cas, on n’a pas, du reste, à supposer toujours une révélation proprement dite. Le Maître divin peut utiliser les connaissances antécédentes du prophète. Son action estcomparable àcelle d’un maitre humain qui met en œuvre, pour faire entendre des leçons plus liantes, les ressources qu’il trouve dans l’esprit du disciple, quitte à lui communiquer les notions complémentaires dont celui-ci aurait besoin.

530. — Toute sorte d’enseignement peut être l’objet d’ime communication prophétique, mais la première place y revient aux choses lointaines, cachées, mystérieuses, an secret des cœurs, aux événements futurs, d’un mot à ce qui dépasse la connaissance humaine laissée à ses propres forces. La perception des événements futurs, en particulier, a toujours été regardée comme la vue « prophétique » par excellence, la plus apte en conséquence à devenir un signe divin. C’est ainsi qu’elle est présentée dans les passages du Livre d’Isaïe où s’exprime avec sublimité la croyance universelle ;

C’est moi, lahvé, et personne aulrp Ce n’cstpas en cachette que j’ai [yjf’.-Ié,

dans un coin obscur de la tei-re// Je n’ai pas dit à la race de JacoH’ ;

« Cherchpz-moi en vain ! » /.

C’fst moi, lu/ivé, (huit la parole ^int^.ste,

et sure la prédiction f

Assemblez-vous, venez, approcv’z

stirvivants des nations ! Ils ne savent rien, ceux qui portent une idole de bois

et supplient un dieu qui ne sauve pas.

Parlez, exposez, oui, consultez ensemble !

Qui, jadis, a publié cela ?

ijui autrefois en a parlé ? ?f’esl-ce pas moi. laht’é,

et nul autre Dieu, si ce n’est moi ? De Dieu juste et sauveur il n’en est point que moi’- !

1. Sur ce point, et les indignes équivoques qui s’ensuivent, je me suis longuement expliqué dans mon mémoire sur le Développement du dogme chrétien, m* Partie, I : Reiue pratique d apologétique, VI, 1908-1909, p. 40-2-414, contre.W.VI..-iug. Sabatiek, Esquisse’, p. 40 sqq., George Ttkkell, Through Scylla and Charybdis, London, 1907, ch. VIII, II, m : Alfred Loisy, Simples réflexions sur VEncycHijur Pascrncfl…, Ccffonds, 1908, p..52 sqq. 149 sqq. J’ai montré également, p. 404, notes, la dépendance des auteurs modernistes par rapport aux idées et formules du protestantisme libéral, en particulier celle » d’Aug. --abatier. La question a été reprise depuis parle R. P. A. Gab-DEIL, Le Donné révélé ci la Théologie, Paris, 1910.

2. /saïe, iLiv, 18-22 ; Ir. Albert Co.ndamin, p. 277, 278

15’z ensenibTe,