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JESUS CHRIST

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SSl. — A cette première confusion, certains prolestants libéraux ajoulentunerestrictionqui lesrapprocbe beaucoup des rationalistes. Ils gardent la description du miracle proposée par Scbleierniæher, ou plus précisément, ils le définissent par™ l’exaucement de la prière’». Le mii-acle serait la réponse donnée par Dieu à celui qui le prie ; mais cette réponse ne pourrait s’inscrire que dans les limites tracées par le cours naturel et ordinaire des choses. Les « lois de la nature » s’opposeraient à une intervention extraordinairede Dieu, qui serait censée les » contredire o. Cette exception n’appartient pas à ces auteurs en tant qu’ils sont protestants, mais en tant qu’ils souscrivent aux thèses d’une philosophie pseudo-scientifique. Ce faisant, ils excluent a priori les seuls faits que tout le monde ait toujours regardés comme les miracles par excellence, et à propos desquels s’est posé le problème même du miracle *.

333- — /.i notion vraiment traditionnelle dusigne divin ne présente ni ces incertitudes ni ces fléchissements. Exposons-la brièvement.

Le premier élément, extérieur, superficiel et, si l’on veut, o corporel », mais nécessaire, est l’élément prodigieux, merveilleux, exceptionnel (teit :  ;). Un miracle suppose d’abord l’éclat d’un fait sensible (au moins dans ses elTets’). extraordinaire, inattendu, apparemment inexplicable, a faisant contraste et ressaut dans la suite phénoménale connue’». De là nait l’étonnement, l’admiration qui lixe l’attention éveillée sur un homme ou sur une doctrine.

S33. — Il s’en faut de beaucoup que cet élément (1 tératologique » et nécessaire suflise : un autre plus intime, plus profond, o spirituel », doit s’y joindre, qui nous amène à interpréter ce fait étrange comme le résulliit d’une intervention di^ne, comme un signe (Tr, ^iîc, j). Trois indices différents, mais convergents, concourent à suggérer et parfois à imposer cette interprétation :

a) — L’événement est tel qu’il va disproportion manifeste entre les forces naturelles, physiques ou psychiques à l’oeuvre — ou qu’on puisse bonnement supposer à l’reuvre — en ce point de l’espace et de la durée, et l’effet produit ;

/’) — L’événement est tel. soit dans son être physique et ses conséquences visibles, soit dans son être moral et ses suites, qu’il puisse être attribué sans inconvenance à l’action de Dieu, ou même qu’il suggère cette origine surhumaine S ;

c) — L’événement est d’ordre religieux, ou peut s’y ramener, et il se produit dans des conditions qui le rattachent à une doctrine ou à une personne aptes à recevoir le sceau divin.

SS4. — Si du signe considéré en lui-même nous passons à la personne à laquelle il s’adresse, nous remarquerons que le miracle, étant un langage enveloppé et divin, n’est pas également clair à tons ceux

1. Aug. Sabatier, Esquisse d’une Philosophie de la Beligion 5. p. 8.i sqq. ; E. Mfnkcoz, Publications diverses sur le Fidrixme. 1. Paris, 1900. p. Ifil sqq. ; 20’i sqq.

2. C est ji nne défaite an.Tln^^ue, bien quo plus compréhensiveet prête : i reconnaître In réalité de phis de faits, qu’aboutiraient ceux qui, après William Jamfs, admeltraieiil l’existence, non pas d’un pouvoir divin unique, tout-puissant, mais de pouvoirs multiples, surhumains, quasi divins.

3. Soit dit pour exclure les effets tout intérieurs produits par los sacrements, etc.

4. Ed. Lr Rot. Bulletin de la Société Fr. de Philosophie, mars 1912, p. flfi.

5. Cette double transcendance sera expliquée plus bas, n. 236 et sqq.

qui l’écontent. En face d’un même fait matériel (rappelons-nous par exemple Thonime à la main desséchée, guéri par Jésus un jour de sabbat), plusieurs lignes d’interprétation se dessineront immédiatement dans la foule témoin du prodige.

La connaissance préalable de la personne du thaumaturge, l’estime fondée qu’on a pour sa doctrbie, la probabilité antérieure d’une intervention divine en sa faveur, influeront légitimement sur l’adhésion.disposeront un esprit de telle sorte qu’un signe, insuffisant pour des témoins ignorants, soit surabondant pour celui qui est justement prévenu. Les propres dispositions du témoin ne sont pas à prendre en moindre considération : un virtuose, un artiste aura sûrement reconnu et correctement déchiffré une phrase de Beethoven sur des indices et à un moment où de médiocres musiciens hésiteraient encore, et non sans raison, sur l’attribution ou la teneur de la même phrase. J. Scheebe ?? note très bien là-dessus que l’interprétation des signes « dépend essentiellement de la clarté, de la vivacité, de la force de nos dispositions morales, surtout de notre amour pour la vérité, de notre respect pour l’autorité de Dieu, de notre eonlTance en sa bonté et en sa providente sagesse… » Au contraire, « si ces dispositions morales n’existent pas, si l’esprit craint ou redoute la vérité.., on s’efforce de briser le lien vivant qui rattache ces signes à l’autorité ou à la véracité de Dieu ; on se laisse persuader ou que ces signes ne viennent pas de lui, ou qu’il ne les emploie pas comme des témoignages de sa révélation *. »

555. — Il ressort de ces réflexions que les signes divins sont très inégalement persuasifs. Subjectivement, les auditeurs de ce langage sont diversement attentifs, pénétrants, réfractaires à la voix de Dieu ou familiers avec elle et « accordés » à son harmonie. Objectivement, les trois caractères : de transcendance physique (inexplicabilité par les causes naturelles à l’oeuvre dans le cas) ; de valeur religieuse et morale (aptitude négative, et positive, du fait à servir de signe divin) : de lisibilité apologétique (connexion avec une personne ou nne doctrine qu’on ait des raisons de croire favorisée par une intervention divine), sont susceptibles de plus et de moins à l’indéfini,

556. — Parlant de l’efficacité des signes divins, prophéties et miracles, l’Eglise enseignait naguère que (i ces signes sont très féconds et capables de s’accommoder A tous les esprits : omninm inti’lle !  : entiae accnmmodnta^. » Ces graves paroles nous avertissent de ne pas faire dépendre la valeur religieuse des signes de précisions scientifiques qui ne seront jamais accessibles qu’à peu d’hommes. Il faut donc se garder d’exiger, pour la constatation de la transcendance des faits, des conditions qui rendraient l’interprétation rerfni’ne du signe le privilège de quelqvies philosophes, doublés de savants très avertis. Que philosophes et savants poussent la discussion aussi loin que possible et mettent le caractèi-e surhumain il’un miracle en un jour plus éclatant ; qu’ils l’imposent, s’ils le peuvent, à des esprits dilliciles, pointilleux, prévenus, il y a là un grand bien et >inc nécessité d’apologétique générale. Mais le signe s’adresse à tout homme religieux et n’a pas besoin, pour valoir, de ces recherches abstruses et très délicates. Son point d’appui, sa forcedepersuasion.il les trouve dans des notions de philosophie humaine, éternelles, étrangères aux subtiles discussions sur les confins de la biologie ou de la physique. Il suOit

. La Bojjmniiyuf, 1873-1887 : Irad. Bélet, I, p. 491. 2. Consli’iitiones Concilii’alirani, cap. m de Fidr, Denzinger-Bannwart, ", n. 1790 (1639).