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JÉSUS CHRIST

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vrai, à une distance infranchissable par rapport à nous ;

— dans une austérité, une solitude, une inuccessibilité * devant laquelle nous entrons eu rraiule. Nous n osons nous loesui-er à lui. nous placer à côlé du Héros..Mais il reste la conscience de ceux qui ctoiint en lui ; ses paroles restent l’aiguillon qui ne leur permet pas le repos. Il fixe avec une clarté souveraine la direction dans laquelle nous devons marcher, si loin de lui qu’il nous faille resler-. »

Voilà i)our la sainteté du Maître. Voici pour sa douceur :

H [Dans son attitude en^e^s les pécheurs] Jésus trouve son plus royal triomphe. C’est ici le miracle des miracles que lui, qui se présente à ses disciples avec des exij^ences morales si hautes, si sérieuses, si rudes, jiuisse être en même temps plein de miséricorde et d’une tendresse de femme, là où il trouvait une « Une humaine se tordant, impuissante, dans le péché. Lui, pour lequel personne ne faisait jamais assez, se contentait des plus humbles vouloirs ; lui qui plaçait son but si hiiut, à l’infini, se réjouissait en constatant la moindre avance d’un pas encore chancelant sur la route nouvelle ; lui qui voulait allumer un incendie, exultait à voir la moindre étincelle du divin briller sur une flme d’homme^. »

El voici pour sa dignité’ :

<( [En matière de religion] Jésus avait conscience de dire le dernier mot, la parole décisive ; il avait la certitude d’être le Cousouimuteur, après lequel nul autre ne viendrait. La sûreté, la force simple de son action, le rayonnement’umineux, la clarté, la fraîcheur de tout son être s’appuient à ce fondement. On ne peut rayer de son portrait, sans le détruire, cette conscience plus que prophétique, cette conscience d’être le Consommateur, ù la personne duf|uel le cours de tous les temps et tout le sort des disciples sont attachés. »

Mieux vaudrait encore reprendre l’efTusion passionnée de Pascal : « Jésus Christ, sans l)ien et sans aucune production au dehors de science, est dans son ordre de sainteté. Il n’a point donné d’invention, il n’a point régné ; mais il a été humble, patient, saint, saint, saint à Dieu, terrible aux démons, sans aucun péché. Oh ! qu’il est venu en grande pompe el en une prodigieuse magnificence, aux yeux du cœur et qui voient la sagesse-’, p

140. — Qu’un tel homme ait pris, dans son privé comme en public, au milieu des effusions de sa piété comme sous le coup des contradictions el oppositions, devant ses intimes comme en face des indifférents et des ennemis, l’altitude qu’a prise Jésus de Nazareth, qu’il s’y soit tenu, qu’il y ait mis sa tête, cela est considérable et mérite réllexion. Savait-il réellement ce qu’il disait ? Voulait-il réellement le dire ? Ce que nous pouvons connaître de sa personne, de ses habitudes d’esprit, de son caractère, nous permet-il de voir en lui un homme exalté, excessif, bizarre, porté à l’illusion ?

Avant d’aborder la question pour notre compte, il ne sera pas inutile d’examiner brièvement les réponses principales que lui ont données, en ces derniers temps, les plus notables de nos adversaires.

1. Solutions données, hors de l’Eglise catholique, au problème du Christ.

141. — Il ne serait pas peu curieux d’exposer ici ce que les auteurs païens ou mahomélans ont pensé du Christ. Des premiers (il ne s’agit, bien entendu, que des païens modernes) très peu ont écrit sur Jésus en connaissance de cause. Les articles ou mémoires

1. Furchlbarheil. Il faudrait ici le mot italien lerribihlà.

2. Jrsus, p. 72. Je traduis sur la 3’édition, Ttlhingen.l’JO ?.

3. Ihid., p. 73, 74.

4. Ibid., p. 82.

5. Pensées, section xii, éd. L. Brunschvicg major III p. 232.

qu’on pourrait citer à ce propos sont fondés sur une connaissance extrêmement superlicielle des origines chrétiennes. (Juelques-uns, parmi ces jugements, provenant d’hommes instruits et intelligents, Hindous, Chinois et Japonais’, présentent un véritable intérêt, mais c’est par rapport à ceux qui portent ces jugements, à leur pénétration intellectuelle, aux sources dont ils dépendent La plupart rellètenl, avec une naïve satisfaction de leur science, les opinions qu’ils ont trouvées toutes faites dans les livres chrétiens à leur disposition, ou celles qu’ils savent dominantes dans les cercles européens qui résument pour eux « la culture occidentale ». D’un jugement vraiment éclairé, personnel, désintéressé, il n’y a le plus souvent que l’ombre. L’avis des Musulmans aurait une importance tout autre, soit par suite de leur long contact avec les peuples chrétiens, soit parce que Jésus Christ est considéré par eux comme un prophète et tient dans le Coran, et par conséquent dans l’Islam, une place notable. Mais là encore, là surtout, pourrait-on dire, manque toute saine méthode historique et toute liberté d’esprit’^.

148. — Les Juifs ont, naturellement, beaucoup écrit touchant la mission et la personne de Jésus. J’ai rappelé jilus haut " la légende burlesqueel obscène », comme l’appelle Renan, consignée dans les ïalmuds. Pendant de longs siècles, les jugements des Juifs sur le Sauveur s’inspirèrent de ces misérables fables. Elles n’ont pas encore perdu toute créance dans les milieux populaires et les juiveries pouilleuses de la Pologne russe-’ : là on réédile encore le vieux roman des Toledoih. Ailleurs, el particulièrement

1. Le Hibbert Journal est, de tous les périodiques à moi connus, celui qui a publié le plus de documcats de ce genre. En particulier, il a publié entr-e Juillet 1905 et Avril 19u6 des Impressions of Christianiti/ from ihe points of ctciv of tke non-cliristian religions. L’article du Professeur M. Anesaki, de Tokyo, flotv Christianily appeals to a Japancse Budd/iist, Octobre 1905, mérite une spéciale mention. Il faut reconnaître que la plupart des publications de ce genre ne sont guère que des {( interviews », au cours desquels divers personnages non chrétiens expriment (avec un visible désir de se rapprocher de leurs auditeurs ou lecteurs chrétiens) des vues très générales, et presque exclusivement livresques. On peut voir par exemjjle celles du célèbre réformateur cantonais Kakg Yu W’ei : A C/tinese .^talesman’s t’ieiv of rclii^ion, Hibbert Journal, Octobre 1908, p. 1’, l-2 ;.

2. Sur le Cliiist des Musulmans, on peut consulter l’article des Professeurs E. Sell et D. Marooeiouth, dans le Dictionary of Christ and the Gospels, éd. J, Hastings, II, ICdinburgh, 1908, p. S, S2, A —88(1, B : C/irist in mohamnifdan Utei ature. On peut voir l’infatuation vraiment primaire dont fait preuve l’auteur musulman qui signe a Ibn Isiivi) Il dans le Hibbert Journal. Avril 1909. p. 523-â’il ; Islam and commori sensé. L’auteur est cependant pré-^enté par le Rev. T. P. Huches comme un « thorough eiiglish and oriental scliolur » ! Cet éminent scholar soutient que ((nous connaissons tout de Mahomet… » ; que (( le Coran n’est pas troublé par la haute critique » ; que Mahomet enseigna l’évolution dei espèces de longs siècles avant Darwin, etc.

3. Ce renseignement, et quelques-uns de ceux qui suivent, sont empruntés à l’excellent mémoire de M. R. TravrRs Hkriokd, Christ in Je^vish Literalure. âixnsle Dictionary of Christ and the Gospels., I9ÛS, p. 876, lî — 882, A ; on peut consulter aussi le recueil de M. J. de le Roi, Xeu/iîdtsche Stimnien uber Jesum Chrisfum, ^esammeii, Leip/ij, ’. 1910. — Le princi] » al et plus représentatif des travaux contemporains est, pour le judaïsme « conservateur », l’article Jesusàe : Jevish Kneycl<’pedia.o.W.Sevf-York, 1904, p. Il13 sqq, par M.l. Jacobs, Kouleh et Kbauss ; pour le judaïsme a libéral », les livres de M. C. (r..Io ?l-TEEIORE, The Si/noptic Gospels, London, 1909 ; Oiitlines oj libéral Judaism, London, 1912, et nombreux articles dan le Hibbert Journal.