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JESUS CHRIST

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écpils : adoptant les conclusions formulées ici même à la lin d’une investig’ation critique approfondie’, et d’ailleurs, dans leurs grandes lignes, de moins en moins contestées, nous attribuerons à ces écrits une valeur historique considérable, qu’il sullit de préciser brièvement.

15. — Les Epitres de saint Paul sonl d’une authenticité si criante qu’il est hors de propos de la faire ressortir une fois de plus. Seule, la seconde épître aux ïhessaloniciens, d’ailleurs à peu près indiiférente à notre étude actuelle, a été l’objet d’attaques récentes, méritant audience, sinon considération-. L’oriyine paulinienne des épîtres spirituelles ou, comme on dit quelquefois, « gnostiques » (Philippiens, Colossiens, Kphésiens) est, pour les deux premières surtout, généralement admise par les critiques libéraux. Ceux-là même qui la discutent reconnaissent à ces écrits une ancienneté et, par conséquent, une valeur de témoignage presque égale. On peut en dire autant des épîtres pastorales (à ïimotUée, à Tile) et de Vppitre aux llébreur. Quant aux grandes épîtres (Romains, I et II Corinthiens, Galates) qui seront employées à peu près exclusivement dans les pages suivantes, il n’est pas de documents d’histoire plus solidement établis, soit que l’on considère les attestations anciennes dont elles ont été l’objet, soit que l’on s’arrête à leur contenu. Les doutes soulevés à leur sujet par quelques enfants perdus de l’école hollandaise n’ont pas réussi à émouvoir même M. Salomon Reinach, et un exégète aussi radical que M. A JiiLiGHEii ne voit dans ces fantaisies qu’un accès, d’ailleurs inoffensif, de divtrium critique-’.

16. — Dans toutes les épîtres, eu elfet, depuis la première aux Thessaloniciens jusqu’aux Pastorales, se révèle ou, pour mieux dire, éclate une des plus fortes personnalités qui furent jamais. On peut l’alfirmer sans crainte d’être <léinenti par aucun de ceux qui se sont essayés à en traduire une page : nul homme n’écrivit comme cet liomme. Il y a certes des écrivains plus cori-ects ; il existe de plus beaux écrivains, de plus purs : jamais il n’y en eut de plus passionné, de plus original ni, même dans le sens purement littéraire du mot, de plus inspiré. Assurément, certains des points de vue de l’Apôtre se modifient avec le temps (avec les besoins concrets visés par ses lettres : il ne faut jamais oublier que ce sont surtout des écrits de circonstance). La pensée des fins dernières, qui domine les i)lus anciennes épîtres, cède ensuite la première place à une description de l’économie é-vangélique, aux doctrines concernant la personne du Christ, aux préoccupations morales ou pastorales. Le vocabulaire suit les mêmes vicissitudes. Mais les procédés, la dialectique, le besoin et l’art de faire passer dans les mots une extrême sensibilité et de les charger, pour ainsi dire, de passion, tout cela ne change pas. Mêmes longs développements, non pas tant diffus que touffus, coupés d’incidentes, alourdis d’accumulations, d’antithèses, d’énumérations, entraînés dans une [loussée qui arrive toujours à son terme et réduit à l’unité (pour qui les regarde d’assez haut) ces développements chevauchant, semblail-il, à l’aventure. Mots favoris, expressions qui paraissent, à un moment de

1. Voir fl.uis le Dictionnaire, l’urticlc subslaiiliel et coniplel deM. M. Lepin : , Evangiles canoniques, vol. I, col. 1598-17.’)Û, et, sur les Actes ries Apùlres, celui de M. IL Coi’i’iEFEns : Ap.iTRES [Actes des], vol. I, col. 2CI-273.

2. Voir la discussion vicloiieusc de G. Mii.mcan, S. Paul’s Epislles to llte T/iessalonians, Londori, l’.lOS, p. Lxxvi-xcii.

3. « Eine Krankheitscrcheinjin^ i), dans : Einleitung in das, euc Testament, Tilbingcn, l’JOfi, p. 20-21.

sa vie, s’imposer à l’Apôtre, et qu’il emplit de sens analogues et pourtant divers, qu’il nuance par le contexte et l’allure de sa phrase ; moules familiers où sa pensée bouillonnante fait irruption et coule, au risque de les élargir, de les déformer, de les faire éclater. Elévations, supplications, apostrophes, imprécations, toute la rhétorique de la passion, mais une rhétori((ue qui se moque des rhétoriques apprises et des procédés traditionnels’ : cris, appels et larmes, enthousiasme ou gémissements d’un homme qui aime, souffre, pleure, compatit, s’attendrit, s’indigne et s’exalte ; d’un homme que l’ingratitude glace et que le zèle dévore, qui se loue sans vanité, qui se plaint sans amertume, qui s’irrite sans petitesse — parce que, dans ce cœur plein de l’amour du Christ, tout est fondu, et transmué en l’or d’une ardente charité, comme, dans ces phrases insistantes, interrompues et infinies, tout est commandé, illuminé et transfiguré par l’idée maîtresse. Cet accent fait des épîtres de S. Paul un incomparable document d’histoire : l’on peut tenir pour négligeable l’homme, fùt-il érudit, qui douterait de l’authenticité de l’épître aux Galates, ou de la seconde aux Corinthiens.

17- — Nos év’angihs synoptiques, ainsi nommés du fait qu’on peut habituellement ranger sur trois colonnes parallèles, et embrasser d’un regard (.. synopse »), le triple récit d’un même fait, sont de beaucoup la plus importante source historique concernant la vie de Jésus.

Les évangiles « selon Matthieu, selon Marc, selon Lue » — et les Actes des apôtres, dont l’appréciation est liée à celle ([u’on porte sur le troisième évangile, qui est du même auteur et auquel il fait suite — sont des écrits de faible étendue, déterminée elle-même par la longueur approchée du vulumeii sur lequel les anciens multipliaient leurs manuscrits (de a.oooà 3.ooo stiques ou lignes). Le titre courant :

« évangile selon Matthieu » et non « de Matthieu ».

marque moins uneappartenance plus lâche par rapport à l’auteur que la nature même de l’ouvrage. On ne connaissait qu’uN seul évangile, celui de Jésus Christ ; l’ensemble des actes et des paroles du Mai-Ire constituait la bonne nouvelle. L’évangile selon Marc, c’est la version donnée par Marc de l’Evangile unique.

18. — Dans le court prologue qu’il a placé en tête de son ouvrage, S. Luc nous apprend que plusieurs s’étaient essayés avant lui à mettre par écrit l’Evangile de Jésus. Il serait un peu forcé d’entendre ce pluriel des seuls écrits de saint Matthieu et de saint Marc ; nous savons d’ailleurs que, dés une très haute antiquité, d’autres « évangiles » existaient. Avec un tact souverain, loué par les auteurs rationalistes les plus (dairvoyants, et dans lequel nous reconnaissons une assistance de l’Esprit Saint, la grande Eglise discerna, réunit et canonisa quatre de ces évangiles. Nos synoptiques sont les trois premiers : unis à l’évangile johannique et le précédant

1. On u essayé ce[>on(lant de minitret- l’innueTice, sur le ^tylc de I^aid, des procédés habituels dans l’école stoïcienne : K. Bui. T.MANN. Der Stil dcr panîinisclicn Prcdigt nnd die hîfniscit-stoischc Diatribe, Gocltinpeii. lUlO ; et depuis : H. BoEiiLu : , Die Geisteshtiltttr von Tarsus mit lîenlclisiciitii^ttni^ der pnutinisclten Scinifien, (îoeftingen, 1913. Mais la chose fùt-eile démouirée, et de très b-ins jut^es (entre autres Ferd. Puât, Théologie de saint Paul, II, Paris, I1M2, p. 477, noie ])en tloutenl. l’emploi de ces procédés scolaires, appris fconjecinre M. Hneblig) quand Paul était encore enfant à Tatsc, avant son départ pi^ur i’école do Gainaliel, n’itérait rien ; ^ la puissante originalité du style de l’Apôtre. Tant d’autres ont subi la même discipline et n’en ont rien tiré de pareil !