Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 2.djvu/655

Cette page n’a pas encore été corrigée
1297
1298
JESUS CHRIST


M. R. Travers Herford[1]. C’est un ramas de fables odieuses où l’histoire n’a rien à prendre ; j’en tends l’histoire de Jésus, car nous avons là un exemple frappant de légende évoluant pour ainsi dire en vase clos, dans un milieu très spécial, formaliste et surveillé, où la haine pouvait surtout se donner carrière par oie d’allusions et de yloses. Commencée du vivant même du Maître, par les scribes jaloux qui attribuaient ses o’uvrcs au Malin (/l/c, iii, 22), le roman calomnieux grossit avec le temps. Saint Justin, vers le milieu du second siècle, accusait hautement les meneurs du peuple juif, princes des prêtres et rabbis, « de s’employer à faire bafouer et blasphémer (lar toute la terre le nom de Jésus’-'w.Kixés peu à peu dans les consultations rabbiniques recueillies par les Talmuds, les traits de la légende s’amplifient et s’achèvent en un écrit qui circulait sous diverses formes des le haut moyen âge (Agobard de Lyon, vers 830, en connaissait les lignes principales) sous le nom de : Générations de Jésus (Toledutli Jeschii). C’est, nous dit le savant protestant qui en a, le dernier, réuni les épisodes anciens, « une explosion de bas fanatisme, de sarcasme liaineux et de fantaisie grossière-’. » Pour faire étal de ces viles et d’ailleurs incohérentes inventions’, honte durable du Talniud, et qu’aucun érudit Israélite ne consent plus à utiliser, il a fallu l’impudente ignorance de quelques « Ihéosophes » contemporains, paimi lesquels Mrs. Annie IJesant tient le premier rang.

B. — Sources chrétiennes non canoniques.

12. — Les documents non canoniques d’origine chrétienne, s’ils ne méritent pas cette condamnation sommaire, n’ont guère plus d’importance pour l’histoire de Jésus. Leur intérêt est ailleurs, dans la lumière qu’ils projettent sur la façon dont l’imagination populaire se plut, selon les temps, à compléter et à « embellir » les évangiles canoniques. Il est encore dans l’interprétation qu’ils suggèrent de mainte représentation figurée de l’art médiéval. Mais les évangiles apocryphes proprement dits, ceux du moins r|ue nous possédons en entier, n’ajoutent aucun trait de quelque importance à ce que nous connaissons par ailleurs de la vie du Sauveur. Leur stérilité sur ce point ressort à l’évidence de la patiente mosaïque où M. Walter Baueh a groupé les renseignements recueillis par lui dans cette considérable littérature. Qu’il s’agisse des années d’enfance ou des jours de crise (on sait que les apocryphes s’espacent en particulier sur l’évangile de l’enfance et les dernières heures de la vie du Christ), la moisson, en ce qui concerne l’histoire, est sensiblement nulle. Insigniûants ou pittoresques, indécents (de cette naïve indécence où certains esprits grossiers voient une forme d’édification) ou simplement puérils, ces traits sont i

iformément romanesques. Ceux où


2. Dial. a<lf. Tryp/i., n. cxvii ; éd. G. Ari iiami’.ui.t, Paris, l’.lini, II. p. 20(1-202.

3..rnold.Mt yi : k, Jaus irn Talniud^ dans le Handbttcli tu dcn.V T. Apvl.ryphen de E. Henxeckk, TCibingcn, l’JU’i, p. 51.

4. La vie de Jésus est donnée par certains talmudistes comme contemporaine du règne d’Alcitindre.lanncc [104/8 avant J. -G.] : par d’autres, comme contemporaine de Rabbi Aqibn (vers 120apiès J.-C.) !

5. Emile Mali : , f.’art religieux en France au xni^ siècle^, Paris. 1910.

6. Das Leben Jesu im ZeitaHt-r der neutcstamentlichen Apokryphcn, Tllbingen, 1909.

l’anachronisme n’éclate pas, et qui ne se meuvent pas dans une lounle atmosphère de merveilleux populaire, ne s’ctayent à aucune tradition ancienne, distincte de la canonique.

13. — Ce jugement doit se nuancer de quelque indulgence quand on rapplique àcertains fragments très anciens : recueil des paroles du Seigneur ou récits suivis, dont on peut vraisemblablement reporter l’origine au seconil siècle, peut-être même, jiour quelques-uns, plus haut encore. Ni OniGiiNK, ni saint JiiROMEne dédaignaient ces glanes de la moisson canonique. Des érudits minutieux les ont recueillies dans les auvres de ces Pères et des aulres écrivains anciens. D’autre part, les sables de l’Egypte nous ont restitué de[(uis peu des fragments inliniment curieux. A côté des Ai^rnplia (maximes transmises oralement, non lîxées dans une « Ecriture » inspirée’) attribués à Jésus avec plus ou moins de vraisemblance, et dont l’un ou l’autre ne semble pas trop indigne du Maître, il faut noter surtout les recueils de dires (Logia) et les évangiles rédigés, semble-t-il, avant que la collection évangélique traditionnelle, le tctramorphe », eût acquis dans toutes les églises l’autorité exclusive et canonique qui lui fut reconnueà peu près partout durant le second quart du second siècle. Parmi ces écrits, dont aucun ne nous est intégralement parvenu, figurent l’Evangile dit des Uébreujc, celui des égyptiens, l’Es’angdede l’ierre, et, peut-être, certains morceaux retrouvés récemment et rédigés en langue copte. Une appréciation détaillée ne rentre pas dans le cadre de cet article-.

Il faut reconnaître du reste que ces faibles restes, tout précieux qu’ils soient pour la constitution du texte de nos évangiles et l’histoire des doctrines chrétiennes antiques, n’ofTrent guère à l’histoire de Jésus, avec quelques formules heureuses, que des raisons nouvelles de se fier aux documents canoniques. On peut y trouver encore l’occasion de nuancer ou de préciser certains jugements.

G. — Sources chrétiennes canoniques

14. — Les sources véridiques et pures sont donc à chercher presque exclusivement dans les documents chrétiens réunis habituellement sous le nom de Nouveau Teslnnicnt : évangiles canoniqtics. Actes des apôtres, épilres pauliniennes et catholiques. Apocalypse de S.Jean, — mais avanttout dans « PPIvangile unique, en quatre livres », selon la belle expression de S. Ai gustin’, que les anciens Pères grecs appelaient, pour cette raison, l’Evangile tétramorphe. Nous n’avons pas à établir l’autorité de ces

1. Sur le sens du mot, *[ui se trouve déjà dans S. (renée et Clément, voirUrli. lloi.zMEiSTrii, dans la Zeitschrift fiir hath. Théologie, d’innsbruck, XXWIII, 1914, p. 113 sqq.

2. Voir, dans ce Dictionnaire, les articles Apocryphes du i’ouceau Testament, vol. I, col. 17 : î-lS9 : M. Li’i’iN et F. Nau. — Parmi les collections modernes, une des plus commodes est celle d’Ed. Hinnicki, où ces divers fiaginents sont traduits littéralement en langue a lie m an de avec des introductions et une bibliographie considérables eu1cstai)ientlichc Apohryphcn, Tilbingen, 1904, p. 1-80

textes] ; Ilandbucli zu dcn NT. Apohryphen, p. 1-95 [commentaire ].)

3. Celle que fournît par exemple le célèbre agraphon que le Codex He/æ a inséré dans le texte de s. Luc. vi, 4 (reproduit en fac-simile dans le Dictionnaire de la Bible de Vic.oi’UOLX. I, apics col. ITCiS, pi. 1 1) ; Ce mcnie jour, voyant queli|u’un qui travaillait le jour du sal)bat, [Jésus] lui dit : « Homme, si tu sais ce que tu fais, bienlieureui es-tu, mais si tu ne le saî « pas, tu es maudit et transgresseur de la Loi.))

4. Tract, in loan., xxxvi, 1 ; P. /..,.XXXV, 10( ; 2.

  1. Christianity in Talmud and Midrash, London 1903, Division I, pp. 401-436 (textes) ; pp. 35-97 (traduction anglaise et commentaire).