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JESUS CHRIST

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Dieu Père, tout-puissant et tout bon, deviennent à l’école (lu Christ plus lumineuses et plus concrètes. Le Dieu « des philosophes et des savants » se rapproche sans s’humaniser, se révèle sans perdre l’indispensable noblesse du mystère, devient « un Dieu d’amour et de consolation, un Dieu qui remplit l’âme et le cœur de ceux qu’il possède ; un Dieu qui leur fait sentir intérieurement leur misère et sa miséricorde inlinie ; qui s’unit au fond de leuràme ; qui les remplit d’humilité, de joie, de confiance, d’amour ; qui les rend incapables d’autre lin que de lui-même’». Ainsi la maîtrise acceptée de Jésus conduit à l’acte lie foi en Dieu, le Fils mène au Père… Cette voie n’est toutefois ni la plus commune, ni la plus normale : si l’élude qui suit peut en faciliter l’accès, nous suivrons pourtant la route royale qui mène l’homme religieux, de la croyance en une providence divine assurée, à l’adhésion inconditionnée au Seigneur Jésus.

II.

Les sources de l’histoire ds Jésus

A.

Sources non chrétiennes

8. — En dehors des documents d’origine chrétienne, nous n’avons, pour nous renseigner sur l’histoire de Jésus, que des textes clairsemés et peu explicites. Il fallait s’y attendre. Les débuts d’un mouvement religieux sont en général peuaperçus et ne touchent guère que les personnes mêlées à ce mouvement. C’est après seulement, quand le groupe nouveau se heurte dans son expansion à des situationsacquises, à des habitudes, à des ambitions, à des intérêts divers, que l’attention est attirée sur lui : alors les historiens du dehors lui font une place dans leurs écrits. Jusque-là, il ne faut escompter que des allusions rapides, d’une exactitude médiocre, parfois tout .’i fait prévenues et injustes. Cette loi trouve son application dans le cas présent. Sudisants par eux seuls à mettre hors de doute la réalité de la vie humaine de Jésus, et quel<(ues traits majeurs de sa carrière : date approchée, cadre de son activité, mort violente, influence posthume, les documents juifs ou païens offrent surtout, pour le reste, l’utilité indirecte de nous faire connaître lerailieudans lequel s’est déroulée l’histoire des origines chrétiennes.

9. — Plus précisément, l’historien juif Flavius Jo8ÈPHE fait allusion, dans ses Antiquités judniques, rédigées une dizaine d’années avant la fin du premier siècle, à deux personnages importants de l’histoire évangélique : Jean Baptiste et Jacques le mineur. Un autre passage de ce même ouvrage contient sur la personne de Jésus une appréciation beaucoup plus explicite : des doutes sérieux sur l’authenticité de ce texte ne permettent pas d’en faire état sans réserve. L’attitude politique de Josèphe, rallié au régime romain, et soucieux d’effacer de son œuvre toute trace de messianisme, rendrait d’ailleurs explicable un silence relatif sur la personne de Jésus *. Au début du second siècle,

1. Pascal, Pensres, éd. !.. Biunschvicg major, III. p. 5-6.

2. Là-dessus Pierre Batiffol : Le silence de Josèphe, dans Orpheus et l Evangile, Paris, 1910, p. li-1k. — Tout récemmenl cependant, l’fîxcellenl ériidit qu’est M. F. C. BiRKiTT niainlenail l’.TUthenticité complite du passage le plus controversé de Josèphe. Son mémoire : Jitsep/itts and Christ, a été publ’é dans les Actes du /V Congrès international d’Histoire des religions tenu à Leide du au 13 septembre 191’i, Leide, liil.’t. L’opinion de M. liuikitt n été adoptée, et ingénieusement défendue, par M. Adolphe Har-XACK, Ver judische GeschicUtsschrfiber Josephus und Jésus

trois écrivains romains, Pline le Jfune, Tacite et Suétone (celui-ci, à deux reprises), font allusion au christianisme et à son fondateur La notice de Tacite : Auctor nominis eiiis Christiis Tiherio imperiiante per procnratovem Pontium Pilatnm supplicia adfectiis eral… (Annal., XV, xliv), renferme, dans son « impériale concision i, quatre indications capitales : elle rattache les chrétiens suppliciés à Rome sous Néron au Christ, et mentionne l’exécution de celui-ci, qu’elle date assez précisément par Tibère et Ponce-Pilate. Rédigée quelques années avant les Annales de Tacite, vers 112, la lettre de Pline le Jeune à Trajan joint, à la valeur d’une pièce incontestable, tout l’intérêt d’une impression directe, traduite par un magistrat qui est en même temps un lettré. N’ayant jamais auparavant eu l’occasion d’informer contre des chrétiens, le légat impérial de Bithynie s’est vu mis en demeure, par des dénonciations répétées, de faire une enquête en règle. Il y a procédé en conscience, à la romaine, jusqu’à l’emploi de la torture inclusivement, et les résultats de son enquête l’ont à la fois rassuré et inquiété. D’une part, les chrétiens sont nombreux dans la province, au point que les solennités des temples païens sont désertées. Les viandes offertes aux idoles ne trouvent quasi plus d’acheteurs. Faut-il poursuivre tout ce peui>le ? D’autre part, les crimes dont on charge habituellement les fidèles du Christ n’ont pas été, confirmés par l’enquête : engagements à ne pas faire le mal ; réunions matinales à jourfixe comportant uneprière.un cantique auClirist, invoqué comme Dieu : suliti slalo die ante liicem con’enire carmenque t’hristu quasi deo dicere : repas communs, mais innocents. En somme, rien de mauvais là-dedans que l’excès même de cette « superstition » : tel est le verdict de ce magistral expérimenté (Pline avait été préteur à Rome). De cette lettre, et du Rescrit de Trajan que la collection des Lettres de Pline nous a corseTé{F.pislulac, lib. X, n. xcvi).nous avons surtout à retenir ici le fait de l’adoration de Jésus par les n frères » de la Rithynie et du Pont, au début du w siècle.

10. — On le voit, ces renseignements d’origine païenne sont rares et peu explicites. Tels qu’ils sont, ils ont cependant, de parleur origine et leur netteté, une valeur considérable. On en trouvera partout la teneur intégrale, en particulier dans l’importante dissertation que vient de leur consacrer M. Li.nck’.

11. — Les documents d’origine juive, distincts des brèves allusions de Josèphe, n’ont en revanche aucun droit à figurer parmi les sources à consulter touchant la vie de Jésus. Tous les passages concernant le Christ dans la littérature rabbinique ancienne, réunis d’abord par Heinrich Laiblb^. ont été derechef publiés avec un soin et une conscience admirables par

Christus, dans Internatinnnle ilonatsrhrift. VII, 1913, p. 1037 sqq ; et par le Prof. V. E.merï Barnes, dans la Conieniporary Hefie^w janviei- 1914.

Sans vouloir prendre parti dans une note, je remarquerai cependant que l’iiypothèse de la non-authentiritr> est fondée exclusivement sur la critique interne et a contre elle toute la tradition manuscrite, tous les témoignages anciens. La conjecture d’un texte primitif interpolé par un chrétien n’est pas sans vraisemblance (voir en ce sens, après beaucoup d’autres. II. Kelder. Flavius Josephus und Jésus Christus, dans la Theologiscli-praktische Quartalschrift de Linz, 191’i, p, 608-G29), mais elle est également une pure conjecture.

). De antiquissimis veterum quæ ad Icsum Xazarenu/n sptctanl teslimoniis scripsitKvKT Linck. — Religionageschichtliche Versuche und Vorarbriten. edd. R. WuENScn undL. Deubner,.IV, 1, Giessen, 1913. 2. lesus Christus im Talmud, Berlin, 1891.