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seinl)le évident que, dans le cas présent, il y va de la ruine de leurs niissii)ns. Home entin leur l’ait entendre qu’elle n’admet [las leurs raisons, et que la eause est Unie. Ils ne voient |)as. Ils ne [)ar iennent pas à voir. Ils croient avoir pour eux l’évidenee eonlraire. C’est le cas de l’aire de l’obéissance meugle, et ils obéissent aveuglément. (Voir Dictionnaire de théologie calliolique, article Jliles Chinois par J. Brucker.) h) L’obéissance, ascétique et disciplinaire, ainsi conqirise, l’onl-ils transportée du cloître dans l’éducation ? L’eussent-ils souhaité, ils ne l’auraient pu, car sous l’Ancien ré} ; ime ils avaient surtout des externats. C’est assez dire que leur surveillance, quelque active qu’elle fût, trouvait assez vite ses limites. Quand des circonstances qu’ils n’avaient pas créées eurent introduit partout le régime des internats, il est certain qu’ils eurent un grand souci de la discipline. Ils y virent la sauvegarde des études et de la moralité. Cette rigueur dans l’ordre, cette obéissance si l’on veut, devait devenir entre leurs mains un instrument pour la formalion des caractèies. (Voir, sur leurs principes en pareille matière, la vie de quelques-uns de leurs grands éducateurs, comme celle de P. Olivaint par le P. Cli. Clair et l’ouvrage de E. Barbier, De la Discipline, Poussielgue). Sur les résultats, on peut consulter les notices consacrées à quelques-uns des anciens élèves des Jésuites comme CiiAUVKAi’, Souvenirs de l’Ecole Sainte-Geneviève, 3 vol., Paris, 187-2-1 8^15 ; Uwiv.rjbaj^. Elèves des Jésuites, Paris, 1882, 2 vol. ; Lorujuet, Souvenirs de Saint » Acheul, Amiens, 1828, etc. Ouvrages d’édilicalion, mais qu’on pourra compléter par l’article du P. V. TAMPii : Nos anciens élèves ; Etudes, 1900, t. IV.)

c) « Du moins, dira-t-on, l’esprit d’obéissance a toujours été leur trait caractéristique, beaucoup plus que le développement en liberté de toute l’activité Lumaine. Jusque sur le terrain intangible de l’intelligence et des idées, n’est-ce pas toujours le principe d’autorité qu’ils ont cherché à faire prévaloir ? Alors que tout, dans le monde moderne, s’orientait vers la libre recherche, ils ont imposé à l’Eglise une direction diamétralement opposée, celle de la soumission, racceptation aveugle des dogmes imposés du dehors. »

Il est exact que les disciples de saint Ignace ont toujours été dans l’Eglise, et de propos délibéré, les B tenants et les théoriciens du princi|)e d’autorité : de " là leur opposition constante au protestantisme, au jansénisme, au gallicanisme, au libéralisme, au modernisme. C’est leur faire trop d’honneur que de ne voir qu’eux en cette affaire, mais surtout c’est commellre un vrai sophisme historique. Défenseurs-nés de l’Eglise romaine, ils l’ont défendue telle qu’elle est, religion d’autorité, se disant infaillible dans son ordre. Toute la question est desavoir si elle se trompe. Kl ce serait ici tout le traité De Eçclesia et De Summo ponti/ice qu’il faudrait résumer. Quand les protestants et leurs copistes les attaquent sur ce terrain, de bonne foi est-ce à eux, n’est-ce pas plutôt à l’Eglise que les coups s’adressent ? Car ce ne sont pas leurs prétentions personnelles que les Jésuites défendent, mais les prétentions de l’Eglise.

Ont-ils été plus loin, poussant ainsi l’Eglise à l’intransigeance sur des domaines qui n’étaient déjà plus celui de la stricte infaillibilité dogmatique ? En d’autres termes, sur des terrains mixtes ou neutres, ont-ils fait preuve d’une juste etlarge liberté d’esprit, ou au contraire d’un soumissionnisme aveugle et facile ? C’est aux faits de répondre. Pour nous en tenir aux siècles passés, les théologiens comme Bellarmin et Sl’arkz nefonlpas l’impression d’intelligences entravées par l’obéissance de jugement. Mai.donat est

Tome II.

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un des exégèles les plus consultés aujourd’hui de l’ancienne école, un de ceux auxquels nos contemporains ont le plus volontiers recours, chez lequel ils trouvent le plus de leurs idées et les i)his fécondes. Dans l’ordre de l’iiisloire et du dogme, il en faut dire autant de pp. lAU, de.SiRMO.VD.desBollandistes. Autant de patrons pour un progressisme retenu, le seul qui fasse besogne durable. Et par ailleurs, ce que l’on reprochait à Molina et aux théoriciens du probabilisme, était-ce rattachement aveugle aux formes anciennes de la pensée ? N’nvaient-ils pas à se défendre précisément du reproche de nouveauté ?

Cette vie intellectuelle fut arrêtée au milieu du XVII » siècle. A qui la faute ? Aux controverses jansénistes, qui, pendant cent ans, allaient forcer le théologien à piétiner sur place, et les jésuites à répéter sur tous les tons qu’il fallait, dès lors qu’on se disait catholique, obéir à Itome. La controverse protestante avait en quelque sorte agrandi les horizons, excité les intelligences et secoué les torpeurs. La controverse janséniste eut juste un elïet contraire.

111. La morale relâchée. — On poursuit le réquisitoire. Il Les Jésuites, en même temps qu ils rétrécissaient le dogme, donnaient du large à la morale. La façon dont ils accentuaient le principe d’autorité risquait d’écarter de Home bien des esprits. Ils imaginèrent de retenir les foules en abaissant l’idéal et en facilitant la vie chrétienne. Maintenant, on pourra être excellent catholique et mauvais chrétien : bon catholique par la soumission d’esprit et l’attache aux Il œuvres », pratiques, dévotions, gestes extérieurs ; chrétien faible par la vie morale facile, mondaine, accommodée à l’esprit de siècle. » On le voit, c’est le fond des Provinciales, traduit en langage moderne.

Il Le Jansénisme, nous dit-on à ce propos, était une belle et grande réforme catholique, qui allait ramener l’Eglise et la foi à leur pureté primitive. La vie chrétienne en effet déclinait. Quelleen était la cause ? La casuistique moderne avec tous ses ressorts, probabilisme, direction d’intention, et le reste. Le mouvement général allait à diminuer la rigueur de la règle, à mettre la conscience en repos par une prati(iue facile et un minimumd’observances. Elle allait à établir une morale humaine et raisonnable qui ilattela nature au lieu de la combattre. Il serait injuste de s’en prendre aux seuls Jésuites. Ils n’ont ]>as, quoi qu’en dise Pascal, inventé la casuistirpie ni même le probabilisme. Ils ontélé cependant par leur nombre, leur mérite, leur intelligence, leur activité, les plus déterminés ouvriers de la transformation qui était seule capable de maintenir l’empire de l’Eglise sur le siècle. Et voilà pourquoi les Jansénistes, qui ne voulaient pas rompre avec l’Eglise, avaient tort de les séparer de l’Kglise et raison de leur imputer le relâchement. » (Voir l’article Pascal, de M. G. Lanson, dans la Grande Encyclopédie.)

(’e tableau d’ensemble soulève, lui aussi, bien des dillicultés.

a) D’abord il est injuste de ne voir dans les quatre derniers siècles qu’un mouvement de fléchissement moral. Les faits ne se prêtent pas à cette siinplilication. Si l’on compare l’élat de l’Eglise dans les cent ans qui ont suivi le concile de Trente, et dans les cent ans qui l’ont précédé, comment ne pas reconnaître un magnifique relèvement ? Or, il n’est que juste d’en faire honneur en partie aux Jésuites. Us sont pour beaucoup, en particulier, dans la réforme du clergé. Ils ont dirigé une foule de séminaires, organisés sur le prototype du Collège germani que, et si, en Allemagne spécialement, il y a eu de ce chef une réforme profonde, c’est à leurs collèges, séminaires, congrégations qu’on le doit. En France le mouvement fui retardé par les guerres de

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